Безграничен горизонт.
Эскуриала поместье.
Поднимается мрачный собор
Скукой черной королевской.
И видно в мягкости
Пушистого тумана,
Так далеко, что может обмануться взор,
Мадрида световой узор.
Гора так высока,
Что на гранитных склонах
Гостит только орел,
Гнездясь в скалы разломах.
Зима, сверкая, извлечёт
Блестящих пик богатства.
Природы зимней серебро,
Словно седые старцы.
Люблю их гребней чистоту
В любой другой сезон,
Гипюра хладного шитьем
Связавших окоем.
Большие облака
Похожи на тюрбан,
Напяленный горой
И в дождь, и в ураган.
И сосны, чьим корням
Подобен рук захват,
Взрывают там ложбины,
Выстроившись в ряд.
И бриллианты вод,
Что под травой бегут,
Вращают камней водопад
И имя Бога чтут.
Но, больше всех вещей,
Люблю в душе скалы
Малюсенький цветок
Найти внутри горы.
Le Rose
Je connais tous les tons de la gamme du rose,
Laque, pourpre, carmin, cinabre et vermillon.
Je sais ton incarnat, aile du papillon,
Et les teintes que prend la pudeur de la rose.
À Grenade, des bords que le Xénil arrose
Jai, sur le Mulhacen lamé de blanc paillon,
Vu la neige rosir sous le dernier rayon
Que lastre, en se couchant, comme un baiser y pose.
Jai vu laurore mettre un doux reflet pourpré
Aux Vénus soulevant le voile qui leur pèse,
Et surpris dans les bois la rougeur de la fraise.
Mais le rose qui monte à votre front nacré
Au moindre madrigal quon vous force dentendre,
De la fraîche palette est le ton le plus tendre.
Роза
Я знаю все оттенки розы:
Пурпурной, красной, цвета киновари и карминной
Я знаю тон румяный бабочкиных крыльев
Все краски, что являют скромность розы.
В Гренаде, где течет Ксенил,
Я на Муласене парчой, фольгой белил
Увидел снег, красневший под лучами,
Как поцелуй звезды вечерней пред очами.
И видел я зарю, что отражением пурпурным
К Венере вознеслась, откинув плат лазурный,
И удивлялся в рощах свежего румянца холодку.
А роза, что на лбу жемчужном с краю,
Воспетая в коротком мадригале,
Чей аромат вкушают тут прилежно,
Полна оттенков свежих, самых нежных
À une jeune Italienne
Février grelottait blanc de givre et de neige;
La pluie, à flots soudains, fouettait langle des toits;
Et déjà tu disais: « Ô mon Dieu! quand pourrai-je
Aller cueillir enfin la violette au bois?»
Notre ciel est pleureur, et le printemps de France,
Frileux comme lhiver, sassied près des tisons;
Paris est dans la boue au beau mois où Florence
Égrène ses trésors sous lémail des gazons.
Vois! les arbres noircis contournent leurs squelettes;
Ton âme sest trompée à sa douce chaleur :
Tes yeux bleus sont encor les seules violettes,
Et le printemps ne rit que sur ta joue en fleur!
Юной итальянке
Февраль дрожит белой изморозью и снегом;
Дождь бьется по углам крыш, словно о край ковчега;
И ты говоришь: «О, ангелы-братья,
Когда же смогу лесных фиалок собрать я?»
Небо наше плачущее, и весна во Франции
Словно зима у тлеющего камина;
Париж в грязи, когда Флоренция в прекраснейший из сезонов
Перебирает сокровища под эмалью газонов.
Вижу деревья с контурами черных тог;
Твоя душа обманута их нежным пылом:
Лазурны только фиалки глаз твоих милых,
И весну смешит цвет твоих щёк!
À trois Paysagistes
Salon de 1839
Cest un bonheur pour nous hommes de la critique,
Qui, le collier au cou, comme lesclave antique,
Sans trêve et sans repos, dans le moulin banal
Tournons aveuglément la meule du journal,
Et qui vivons perdus dans un désert de plâtre,
Nayant dautre soleil quun lustre de théâtre
Quun grand paysagiste, un poète inspiré,
Au feuillage abondant, au beau ciel azuré,
Déchire dun rayon la nuit qui nous inonde
Et nous fasse un portrait de la beauté du monde,
Pour nous montrer quil est encor loin des cités,
Malgré les feuilletons, de sévères beautés
Que du livre de Dieu la main de lhomme efface;
De lair, de leau, du ciel, des arbres, de lespace,
Et des prés de velours, quavril étoile encor
De paillettes dargent et détincelles dor.
Enfants déshérités, hélas! sans la peinture,
Nous pourrions oublier notre mère Nature;
Nous pourrions, assourdis du vain bourdonnement
Que fait la presse autour de tout événement,
Le cœur envenimé de futiles querelles,
Perdre le saint amour des choses éternelles,
Et ne plus rien comprendre à lantique beauté,
À la forme, manteau sur le monde jeté,
Comme autour dune vierge une souple tunique,
Ne voilant quà demi sa nudité pudique!
Merci donc, ô vous tous, artistes souverains!
Amants des chênes verts et des rouges terrains,
Que Rome voit errer dans sa morne campagne,
Dessinant un arbuste, un profil de montagne,
Et qui nous rapportez la vie et le soleil
Dans vos toiles quéchauffe un beau reflet vermeil!
Sans sortir, avec vous nous faisons des voyages,
Nous errons, à Paris, dans mille paysages;
Nous nageons dans les flots de limmuable azur,
Et vos tableaux, faisant une trouée au mur,
Sont pour nous comme autant de fenêtres ouvertes
Par où nous regardons les grandes plaines vertes,
Les moissons dor, le bois que lautomne a jauni,
Les horizons sans borne et le ciel infini!
Ainsi nous vous voyons, austères solitudes
Où lâme endort sa peine et inquiétudes,
Grottes de Cervara, que dun pinceau certain
Creusa profondément le sévère Bertin.
Ainsi nous vous voyons avec vos blocs rougeâtres
Aux flancs tout lézardés, où les chèvres des pâtres
Se pendent à midi sous le soleil ardent
Sans trouver un bourgeon à ronger de la dent;
Avec votre chemin poudroyant de lumière,
De son ruban crayeux rayant le sol de pierre,
Bien rarement foulé par le talon humain,
Et se perdant au fond parmi le champ romain.
Les grands arbres fluets, au feuillé sobre et rare,
À peine noircissant leurs pieds dune ombre avare,
Montent comme la flèche et vont baigner leur front
Dans la limpidité du ciel clair et profond;
Comme sils dédaignaient les plaisirs de la terre,
Pour cacher une nymphe ils manquent de mystère :
Leurs branches, laissant trop filtrer dair et de jour,
Éloignent les désirs et les rêves damour;
Sous leur grêle ramure un maigre anachorète
Pourrait seul sabriter et choisir sa retraite.
Nulle fleur nadoucit cette sévérité;
Nul ton frais ne se mêle à la fauve clarté;
Des blessures du roc, ainsi que des vipères
Qui sortent à demi le corps de leurs repaires,
De pâles filaments dun aspect vénéneux
Sallongent au soleil en enlaçant leurs nœuds;
Et loiseau pour sa soif na dautre eau que les gouttes
Pleurs amers du rocher qui suintent des voûtes.
Cependant ce désert a de puissants attraits
Que nont point nos climats et nos sites plus frais,
Où lombrage est opaque, où dans des vagues dherbes
Nagent à plein poitrail les génisses superbes :
Cest que lœil éternel brille dans ce ciel bleu,
Et que lhomme est si loin quon se sent près de Dieu.
Ô mère du génie! ô divine nourrice!
Des grands cœurs méconnus pâle consolatrice,
Solitude! qui tends tes bras silencieux
Aux ennuyés du monde, aux aspirants des cieux,
Quand pourrai-je avec toi, comme le vieil ermite,
Sur le livre pencher ma tête qui médite?
Plus loin, cest Aligny, qui, le crayon en main,
Comme Ingres le ferait pour un profil humain,
Recherche lidéal et la beauté dun arbre,
Et cisèle au pinceau sa peinture de marbre.
Il sait, dans la prison dun rigide contour,
Enfermer des flots dair et des torrents de jour,
Et dans tous ses tableaux, fidèle au nom quil signe,
Sculpteur athénien, il caresse la ligne,
Et, comme Phidias le corps de sa Vénus,
Polit avec amour le flanc des rochers nus.
Voici la Madeleine. Une dernière étoile
Luit comme une fleur dor sur la céleste toile :
La grande repentie, au fond de son désert,
En extase, à genoux, écoute le concert
Que dès laube lui donne un orchestre angélique,
Avec le kinnor juif et le rebec gothique.
Un rayon curieux, perçant le dôme épais,
Où les petits oiseaux dorment encore en paix,
Allume une auréole aux blonds cheveux des anges,
Illuminés soudain de nuances étranges,
Tandis que leur tunique et le bout de leurs pieds
Dans lombre du matin sont encore noyés.
Fauve et le teint hâlé comme Cérès la blonde,
La campagne de Rome, embrasée et féconde,
En sillons rutilants jusques à lhorizon
Roule locéan dor de sa riche moisson.
Comme dun encensoir la vapeur embaumée,
Dans le lointain tournoie et monte une fumée,
Et le ciel est si clair, si cristallin, si pur,
Que lon voit linfini derrière son azur.
Au-devant, près dun mur réticulaire, en briques,
Sont quelques laboureurs dans des poses antiques,
Avec leur chien couché, haletant de chaleur,
Cherchant contre le sol un reste de fraîcheur;
Un groupe simple et beau dans sa grâce tranquille,
Que Poussin avoûrait et queût aimé Virgile.
Mais voici que le soir du haut des monts descend :
Lombre devient plus grise et va sélargissant;
Le ciel vert a des tons de citron et dorange.
Le couchant samincit et va plier sa frange;
La cigale se tait, et lon nentend de bruit
Que le soupir de leau qui se divise et fuit.
Sur le monde assoupi les heures taciturnes
Tordent leurs cheveux bruns mouillés des pleurs nocturnes.
À peine reste-t-il assez de jour pour voir,
Corot, ton nom modeste écrit dans un coin noir.
Nous voici replongés dans la brume et la pluie,
Sur un pavé de boue et sous un ciel de suie,
Ne voyant plus, au lieu de ces beaux horizons,
Que des angles de murs ou des toits de maisons;
Le vent pleure, la nuit sétoile de lanternes,
Les ruisseaux miroitants lancent des reflets ternes,
Partout des bruits de chars, des chants, des voix, des cris.
Blonde Italie, adieu! Nous sommes à Paris!