Diego Maenza - Architecture De La Prière стр 8.

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Mon corps souffre. Je mallonge pour apprécier la saveur de fruits encore présente dans mon palais. Jessaie de prononcer une oraison qui échoue dans la tentative. Ma tête memporte ailleurs, elle moriente vers le visage du garçon. Je me dirige vers sa porte dun pas chancelant. Je lentrouvre et je découvre son corps endormi en position fœtale dans le plaisir dune sieste. Son beau postérieur minsuffle un vif désir, il mincite à le caresser, à lui infliger la dernière morsure. Mon corps transi bouillonne de fièvre ou dautre chose. Dans un élan de lucidité, je retourne dans mon lit.

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Je me réveille avec une sensation gluante provoquée par la sueur sur ma peau. Je regarde les rayons du soleil de laprès-midi se refléter dans le miroir et inonder la pièce dune lueur qui envahit chaque recoin. Je ressens le besoin de me nettoyer. Une vague de chaleur envahit lalcôve. Mon entrejambe est pâteux. La fièvre est passée. Jimplore un peu deau fraîche.

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Jai envoyé des instructions écrites aux fidèles pour la procession du Vendredi Saint. Le garçon ma accompagné pendant que jécrivais la lettre quil devait ensuite livrer, animé par la promesse de létude une partie du tableau. Je ne pouvais pas réprimer mon intérêt pour ses mouvements, mon regard se fixait sur lui à chaque instant. Jai même fait dévier mon stylo sur quelques traits.

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La couverture du boîtier du disque illustre un chemin orné de feuillages dautomne qui se perd dans un horizon suggestif. Le passage jaunâtre creuse une forêt de quiétude absolue. Aucun oiseau ne nuit à la tranquillité. Aucun animal ne saventure à profaner la sérénité du petit univers des feuilles sur la terre. Tous sont sur le point démerger pour inaugurer de manière fougueuse un paradis infernal. Jinsère le disque dans le lecteur qui lentraîne dans un tournoiement rapide. Cet engin se transforme en un minuscule tourbillon infini qui tourne à des milliers de tours par minute. La musique envahit la salle, très lentement, comme si elle luttait pour se réveiller dune léthargie imposée par des forces restrictives, comme si elle respirait le calme, comme si elle absorbait le silence et saccrochait à lespace quelle occupera plus tard dans une tonalité impériale. Mais il fera froid. La basse impose le rythme, elle continue sans interruption. Elle coule avec un crescendo qui nuance les interventions timides des violons. Ce sont les pas du promeneur en détresse. Ce sont les craquements de la glace prête à se fissurer. Maintenant, la foudre raisonne incendiée par le violon soliste. La tempête de lorchestre rugit, elle secoue lespace et vibre aux pieds du malheureux. La course commence par limpulsion de la basse qui palpite avec insistance et marque les pistes rapides. La contribution magistrale du violoniste principal lenvahit, elle le secoue de ses rafales glaciales, et le froid intense provoque un frisson accompagné de grincements de dents.

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Tu vois cette zone ici ? Il me montre la partie supérieure droite de la peinture ouverte. Le tableau entier symbolise les supplices du pécheur. Mais cette partie-là, en particulier, peint limage topique, limage habituelle que nous nous représentons de lenfer. Du soufre tombe en pluie continue. Des montagnes détruites sont baignées dobscurité. Des personnes endurent un supplice indicible.

Dans cette zone, il indique la partie centrale et dessine une ellipse avec son index, la glace marque un fort contraste avec le feu sulfureux. Dans la conception de lenfer en tant que lieu de supplice éternel, une superficie de glace abrite lun des sites les plus épouvantables. Regardez ici comment ça se lézarde et le pauvre homme reste à la merci de leau froide.

Dans la partie plus basse, on observe ce que lart appelle lenfer musical imputable à lutilisation dinstruments de musique comme symboles de torture, très habituelle chez certains peintres mystiques. Tu vois cette cornemuse, là-bas le luth, là-bas la harpe, et ici la flûte, tu peux la voir ?

Je lui demande si lenfer ressemble vraiment à ça. À travers la fenêtre, je remarque que la nuit sest déjà installée.

Eh bien, me dit-il, le désespoir et le martyre sont sûrement bien représentés par lauteur, et ici sur cette planche, par limitateur qui est, comme jaime lappeler, un interprète.

Je lui demande comment il voit lenfer daprès les écritures sacrées. Il ne me répond pas. Il semble sombrer dans une réflexion qui échappe au moment. Elle échappe aussi à mes doutes. Il se demande réellement à quoi ressemblera lenfer.

Le livre sacré montre lenfer comme un lieu dincandescence perpétuelle où les âmes seront jetées dans des lacs sulfureux. Cest ainsi que le peintre le capture au sommet de cette œuvre. En fait, le prophète le mentionne invariablement. Il insiste sur certaines prémisses telles que le feu qui ne séteint jamais, les lamentations et les grincements de dents, la punition éternelle.

Il sadresse à moi sans me regarder, comme sil se parlait à lui-même.

Pendant des siècles, le feu et la glace, cest-à-dire la chaleur et le froid, ont été considérés comme les supplices les plus atroces au lieu du châtiment perpétuel. Un grand poète de lantiquité décrit une partie de lenfer sous la pluie de flammes habituelle, et un autre segment, celui des traîtres, entièrement recouvert de glace. Le démon, maître de cet espace de perdition, est incrusté jusquà la ceinture dans la surface gelée. Il pleure avec ses six yeux et agite ses six ailes en colère.

Jimagine un abîme de glace. Hadès vivrait au paradis en comparaison. Jimagine une torture sans fin dans un engourdissement permanent. Mais maintenant mon corps ne tolère que la chaleur. Une ardeur intense continue au fur et à mesure que lenseignement du Père Misael progresse. Elle moppresse autant que lair chargé par sa présence si proche. Je bois ses paroles en gage de sagesse spirituelle. Je nai plus lintention de vous déranger avec la frivolité de mes interrogations. Je demande la bénédiction et il me laccorde. Avec une grande force, il me burine un baiser sacré sur la bouche.

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Nous avons décidé de diner avec du pain, un peu de vin pour moi et un verre de jus de fruits pour lui. À table, nous discutons de sujets qui lintéressent particulièrement. Je regarde ses yeux et pendant que jexplique certaines conceptions sur le ressenti de lEsprit saint, je caresse le dos de sa main. Puis je dirige mes mains vers son visage. Au moment de limpact, un rougissement envahit mon visage. Je caresse ses joues et je lembrasse à nouveau, cette fois profondément.

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Le baiser odieux jalonnera litinéraire de la trahison et de lenfer.

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Je me rends dans sa chambre et il me montre un pyjama beige. Cela indique mon aptitude à servir un représentant de Dieu dans le monde. Je serai désormais son assistant spirituel. Il mexplique que lhomme possède la soutane comme seul vêtement sacré. Mes nouvelles tâches consistent à le déshabiller et à lui mettre son costume de nuit. Cette occupation me paraît simple et jaccepte volontiers de servir le père, un fils de Dieu purifié.

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Ses mains glissent lentement le long de mes cuisses. Je les sens chaudes, réparatrices, si paisibles et à la fois si inquiétantes. Jétouffe un gémissement. Je frémis en percevant sa respiration dans la zone de mon entrejambe sans vêtements, dans la trépidation de mes poils qui sagitent attirés par la vague magnétique de sa peau. Ses doigts chastes parcourent ma peau. Maintenant, cest ma poitrine qui est satisfaite, elle se réjouit dune délectation qui nappartient pas à ce monde. Ma peau frissonne. Son toucher me domine tout entier. Je me laisse emporter par le contact de son derme immaculé. Les plis de ma chemise ondulent alors quil la déboutonne lentement. Je hurle plaintivement, mais il ne sarrête pas. Il a visiblement entrepris une torture. Il maîtrise son rôle de bourreau et il ne laissera pas sa victime séchapper. Je suis témoin de cette tranche de mon existence qui constitue un moment vital. Je le serre dans mes bras et je le retiens comme ça pour une durée que ma pensée nose pas préciser. Cest moi qui enclenche la séparation. Il mhabille avec une agilité insoupçonnée. Un étouffement chaud enflamme tout mon corps. Il sagenouille devant moi et, formel, il mimplore la bénédiction. Je la lui accorde avec un baiser sur ses cheveux épais. Je soupçonne que mon âme ne se tranquillisera pas tant que mon corps ne trouvera pas satisfaction. Mon corps ne sapaisera pas avant de commencer ce que mon âme refuse. Je nen peux plus. Je reste allongé ici. Je mabandonne au doux supplice du plaisir solitaire. Ensuite le vide menvahit. Je prie toute la matinée pour mon salut.

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