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Le Sanhédrin des sens accueille la proposition de trahir lâme.
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Je le débarrasse de sa chemise avec une sérénité qui mest complètement étrangère. Pourtant ce sont réellement mes mains qui dénudent son torse. Je lallonge. Jécarte immédiatement son postérieur dressé vers mon visage qui rougit instantanément. Je lui caresse le dos qui brûlera sûrement de la fraîcheur du menthol. Ses poumons le sentent déjà, jen suis sûr, car mes mains se rafraîchissent au fil des massages. Je contemple pour la dernière fois son cul de jeune homme dominant parfait. Je le retourne. Son visage est braqué sur moi. Jenduis ses pectoraux de menthol et je profite de loccasion pour sentir ses tétons timides qui surgissent sans impudence. Le fort arôme deucalyptus me pénètre.
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Ce matin, tous deux dorment sous la rumination de la pluie qui frappe la rue. Le père Misael na pas rêvé du couteau, et le jeune Manuel na pas eu la vision de la bête. Peut-être sont-ils partis pour ne jamais revenir. Nous sommes à lorée dun nouveau jour. Au centre-ville, la pluie traîne toutes les odeurs de la rue du billard. Laverse nettoie le vieil arbre de larrière-cour. Pendant les pluies, certains ingénus assurent que Dieu pleure pour tous les péchés de lhumanité. Les larmes divines qui tombent sur le monde ne symbolisent sûrement pas limage la plus précise. Le crépitement de lurine qui nous imprègne façonne, lui, une image plus nette, tout comme cette substance semblable que Tomás a répandue et qui émerge maintenant de lécorce du vieil amandier. Après tout, dune manière ou dune autre, le liquide qui nous baigne vient du corps immatériel de Dieu.
JEUDI
Ardeur et froidure
Fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Une décharge brûlante me secoue. Elle prend sa source dans locciput. Elle part en exode et se distille le long de ma colonne vertébrale. Mes tendons se réveillent et mobligent à étirer mon corps sur toute sa longueur dans une douleur agréable qui se consume de manière orgasmique dans mes sous-vêtements. Je sens comment mon pénis redescend lentement, renversé par le plaisir convulsif de la pollution alors quun vide insupportable se prépare dans mon âme. Le froid sinsinue par la fenêtre ouverte et le rideau ondule dans des hululements langoureux et successifs. Je regarde le velours frémir contre le mur, impacter le verre de la vitre et le cadre en sapin. Je sens la brise glisser et se faufiler sous mes aisselles, elle effleure ma peau dans un souffle qui provoque des frissons dans tout mon corps. Je soupire. Je méloigne de cet intérieur entaché de sperme. Je me lève et je prie pour la faiblesse de ma chair.
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La chaleur du café mencourage à labandonner. Je préfère ingérer le jus de pêche à petites gorgées. Le garçon me raconte une histoire quelque peu profane, mais je nose pas le réprimander. Je me contente de le regarder et débaucher un sourire froid. Aujourdhui encore, il ne ma pas accompagné à la messe. Il ma cruellement manqué, surtout lorsque lévêque Pío a prononcé la bénédiction. Je lexamine. Je mextasie devant ses factions, son regard insouciant, ses cheveux ébouriffés au petit matin. Je me lève précipitamment de la table. Jessaie de détourner mon attention qui se dirige encore et encore vers lui.
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Je suis tombé avec des frissons. Aujourdhui, je ne quitterai pas la maison et je ne moccuperai pas non plus des paroissiens qui se préparent pour le Vendredi Saint. Jai décommandé certains engagements mineurs, conformément aux recommandations du médecin. Le garçon prépare une infusion que jingère avec les médicaments. Je me retourne pour observer le mouvement de ses fesses qui se branlent dans un va-et-vient provocateur. Je mabandonne au sommeil.
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Au réveil, je vois le visage du garçon. Il ma tenu compagnie tout ce temps où la fièvre a duré. Il minforme quil a préparé le déjeuner et réconforte mon corps avec une soupe chaude. Il insiste pour me la porter à la bouche, cuillère après cuillère. Vient ensuite un moment difficile. Je lui reproche davoir examiné la peinture sans mon consentement. Il répond quil voulait découvrir ce que contenait le tableau. Il ne sagit pas dinterdire ses connaissances. Je considère simplement quil devrait au préalable consulter une voix autorisée pour lui confirmer sil est ou non qualifié pour ces connaissances particulières. Il réplique quil se sent apte. Et il mimplore de le guider à travers le tableau. Après une lutte de supplications et de refus, je cède à la demande et je lui permets de louvrir. Il affiche un visage de stupéfaction. Cest beau, dit-il, mais en même temps odieux. Cest notre âme, lui dis-je. Ou les mots seraient-ils restés dans mes pensées ? Le choc résiduel de la fièvre métourdit. Pour le moment, un seul désir me saisit, je veux méloigner du garçon, lui crier de quitter ma chambre et de disparaître à jamais. Dieu ma révélé quil est un émissaire du diable. Le désir de lexcommunier de ma vie menvahit. Je comprends que jirai à lencontre de ma volonté. Je me redresse et je pose une main sur son épaule. Je la maintiens dans une étreinte pleine dintention. Ce qui se présente sous tes yeux est un paradis, un enfer, et ici, dis-je dune voix magnanime en indiquant la partie centrale, cest le monde. Pour linstant un simple coup dœil suffit, nous aurons le temps de létudier partie par partie. Mon corps ne résiste pas à lenvie et je lembrasse sur la joue alors que je baisse ma main au creux de son dos. Sa réaction ne dégage aucun signe de répulsion. De façon inattendue, il me demande la bénédiction.
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Jai envoyé le garçon au marché pour acheter des provisions. Je déplore son absence et jessaie de combattre le désir par une prière. Mais je me mets à genoux et les mots restent coincés dans ma gorge. Cette fois, je ne peux pas prier. Je me lève, je prends une douche chaude et je me prépare à laccueillir le mieux possible.
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Le garçon arrive enfin, mais malheureusement Mlle Raquel laccompagne. Mlle Raquel est une femme dévouée au service de lÉglise. Elle a su conserver une apparence de jeune femme malgré ses quarante ans à venir, mais elle reste célibataire malgré sa beauté. Derrière elle une escorte de dames entre dans la maison, elles se sont associées pour me rendre visite et moffrir des fruits achetés précisément à la jolie vieille fille, jimagine. Tomás les salue avec des aboiements de colère. Je les reçois avec une apparente gratitude et je leur donne, avec lautorité quelles moctroient, quelques admonitions. Je leur impose quelques tâches pour la préparation de la procession de demain et je les congédie délicatement sous prétexte dun grand besoin de me reposer. Derrière elles, je ferme la porte aux charnières rouillées et je me lance à la recherche du garçon dans toute la maison.
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Je linvite à nouveau dans ma chambre. Nous entretenons une conversation sur certains aspects théologiques. Il alimente le débat de ses connaissances limitées. Je lentraîne en posant une main ouverte sur sa cuisse charnue et appétissante. Je linvite à commencer une prière ensemble. Je massieds derrière lui et nous lançons la supplique commune habituelle. Je perçois la chaleur de son corps qui calme le froid ambiant et rafraîchit en même temps la fièvre de mes entrailles.