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Dieu nest pas petit, même sil peut en avoir lair à lœil nu. Il se tient éloigné pour avoir une plus grande perspective du monde, cest tout. Son regard, nous le savons, est omniprésent. Assis sur son trône, sa tête est couronnée dun diadème. Le livre sacré repose sur ses jambes. Une longue cape impériale protège son dos. Je peux le voir maintenant que le père Misael me montre cette peinture particulière. Lobscurité du tableau minsuffle la peur. Cependant, je lui résiste. À lhorizon, Dieu se trouve derrière la brume qui encapsule le ciel dans le verre concave, et je le vois. Maintenant je le connais. Et je vois son sourire.
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Je me prépare à tomber dans le sommeil avec la pestilence parfumée de sa nuque. Nous avons prié ensemble, main dans la main. Nous avons demandé à Dieu de ne jamais nous écarter de son chemin, afin de nous attirer les bonnes grâces dans ses préceptes. Lenvironnement est chargé de quelque chose qui mempêche de respirer normalement. Je sens la prémonition absurde dêtre sur le point de sombrer dans un cauchemar dont je ne pourrai pas me réveiller. Dehors, la pluie a commencé à frapper, très douce.
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La matinée est froide. Laverse a rafraîchi latmosphère. Jai dormi sereinement, en paix avec mon esprit. Linfinie miséricorde de Dieu ma accueilli. Cela me rassure de savoir que les cauchemars ont cessé de minfliger leur torture nocturne pour enfin maccorder une trêve. Mon optimisme ne suffit pas à mapporter la certitude de les avoir vaincus. Une partie de moi pressent que je vais remporter cette bataille contre le diable. Mais une autre partie, la plus fragile, me rappelle lampleur de mon échec. À chaque instant, mon esprit succombe à la tentation et chaque partie de mon corps enfreint cette loi quexige mon âme.
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Jai décidé de prendre un bain. Jai ressenti une sensation de souillure sur ma peau, non seulement à cause de la puanteur de mes aisselles chargées de la nuit, mais aussi à cause de la montagne de lubricité que je porte dans mes pensées. Avant de monter à lautel, je dois être purifié. Cela me fera du bien de me rafraîchir un peu, alors je savonne mon corps. Je rince mon âme de même avec des prières.
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La saison dhiver approche et les signes précurseurs chatouillent lodorat. Nimporte quel mortel peut sen rendre compte, mais surtout les êtres les mieux habilités à de telles fins. Donc, contrairement à ce que pense lecclésiastique, Tomas le sait mieux que quiconque. Il reconnaît la nature étrangère de larôme éthéré quexsude le sol près de lamandier. Cest pour ça quil délimite fréquemment son territoire. La saison estivale, déjà terminée, fait place à lhumidité élémentaire des cycles. La géosmine émerge et inonde lair avec son éther. Les anciens affirmaient que le pétrichor coule dans le sang des dieux, quil est lessence qui infusait dans leurs veines. Aujourdhui, cest tout juste un arôme saisissant. De temps en temps, alors que sa qualité insaisissable persiste, il provoque un léger inconfort. Il est si difficile de se rendre compte quil a été, et quil demeure à travers les temps immémoriaux, la vraie sueur de cette terre, sa pestilence révélée. Tomás le comprend. Son nez nest pas usé au point de voir le monde dans lindifférence. Il connaît bien les odeurs. Il a bien compris au cours de sa longue vie de chien. Cest pourquoi il cesse duriner sur lamandier. Il se tient dans une posture mystique rare, déjà vaincu par les intempéries, sur les feuilles mouillées qui forment un matelas naturel. Son odorat a souligné la condition sacrée des saisons. Maintenant, enfin, un nuage insaisissable lui donne un peu de soleil que son derme apprécie.
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Au marché, jai rencontré un vieil ami. Nous avons eu une conversation plaisante, mais brève.
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Mme Salomé est arrivée pendant mon absence. Elle mexplique ses difficultés pour justifier son retard. Je lui suggère déviter les soucis. Je comprends la situation. Je lui suggère de prendre une semaine de congé. Elle insiste pour préparer le déjeuner aujourdhui en guise de compensation de sa future absence. Je ne me fais pas prier. Pendant que la dame cuisine, je menferme dans ma chambre et cherche une bouteille de vin dans la cave secrète. Je commence à boire à grandes gorgées.
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Jabandonne la bouteille à moitié vide sur la table de chevet sans aucune précaution. Le vin ingéré me procure une légère sensation de vertige que jai lintention de chasser avec une tasse de café. Jimplore un bain froid, mais Mme Salomé mannonce que la nourriture est prête. Rempli de rancœur, jingurgite la soupe. La chaleur apaise le vide de mon estomac et létrange inconfort de lamertume causée par la boisson. Je massieds à la table. Je regarde le garçon en train de manger et je me rends dans mon alcôve avec un désir intense de dormir.
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Jentrouvre les yeux. La première image que japerçois est celle du monde. Mon ivresse mempêche de scruter les délices dégoûtants de son jardin. Jimagine le corps nu du garçon envahi par une vraie luxure puis je me rendors. Quand je me réveille, je remarque la position inhabituelle du côté droit de la planche peinte. Je suppose que quelquun a examiné la peinture. Mme Salomé a linterdiction dentrer dans lalcôve et elle la toujours respecté, donc mon seul soupçon retombe sur la curiosité du garçon. Je ne suis pas contrarié, mais je naime pas son intrusion pour autant. Cest alors que je ressens la substance pâteuse qui a taché ses dessous pendant le sommeil.
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Aujourdhui moins de gens sont allés à léglise quhier. Cependant, mes sermons furent plus longs.
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Le dernier livre de la Bible annonce un enfer plein de feu et de soufre comme une sentence pour ceux qui trahissent les normes du Seigneur. Un tourment de puanteurs, démanations malodorantes, serait un tourment insupportable, en particulier pour une âme étrangère aux faiblesses du corps. Je défèque lentement et avec un peu de douleur. Mon sphincter expulse le gaz congédié sous la forme dun crissement aigu. Il empeste, mais je linhale en imaginant un enfer orageux méphitique saturé deffluves fétides. Assis ici, le miasme juxtaposé à limagination provoque des nausées. Jentrouvre la porte et je laisse circuler un peu dair frais pour secouer les remugles excrémentiels. Lair vicié qui a contaminé mon corps séchappe.
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Tomás renifle ma jambe, il a sûrement perçu lodeur de savon sur mon corps après le bain. Il commence à émettre des grognements désagréables. Il tire le tissu de mon pyjama et le déchire en linondant de sa bave. Mauvais chien. Maintenant je le vois séloigner, satisfait de sa malice. Je retire ma robe de chambre. Je me retrouve nu devant le miroir. Je ne parviens pas à réprimer lenvie de caresses vers la zone de mes testicules. Un flux électrique me secoue. Mon pénis se gonfle dans un cramoisi sombre. En réaction, je me détourne du miroir avec horreur. Je prends un autre vêtement et je mempresse doublier mes désirs.
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Le Sanhédrin des sens accueille la proposition de trahir lâme.
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Je le débarrasse de sa chemise avec une sérénité qui mest complètement étrangère. Pourtant ce sont réellement mes mains qui dénudent son torse. Je lallonge. Jécarte immédiatement son postérieur dressé vers mon visage qui rougit instantanément. Je lui caresse le dos qui brûlera sûrement de la fraîcheur du menthol. Ses poumons le sentent déjà, jen suis sûr, car mes mains se rafraîchissent au fil des massages. Je contemple pour la dernière fois son cul de jeune homme dominant parfait. Je le retourne. Son visage est braqué sur moi. Jenduis ses pectoraux de menthol et je profite de loccasion pour sentir ses tétons timides qui surgissent sans impudence. Le fort arôme deucalyptus me pénètre.