Je couvrirai vos épaules. sexclama Conrad en parlant à loreille du plus grand et plus gros.
Roul se mit à rire et tous les autres firent de même.
Toi le morveux, tu restes et tu gardes les animaux !
Conrad regarda en arrière, les chevaux au pieds de la colline.
cela fait des semaines que je vous demande la permission de pou-voir venger mon père.
Quand ça sera le moment tu nauras pas besoin de mon autorisation. Quelquun tentera peut-être de voler les chevaux et tu devras les défendre.
Seul ?
Roul rit avec encore plus délan quauparavant.
Tu es mort de peur rien quen gardant les chevaux et tu voudrais piller un village ?
Conrad attristé et humilié par les rires de lhomme envers lequel il avait confiance.
Frères, le soleil séclipse, à vos armes !
Ils commencèrent à descendre la pente qui surplombait le village, silencieusement et rapidement. Conrad se retrouva vite seul, dans le silence des instants qui précèdent le coucher du soleil. Dun coup, après quelques minutes, le chant du muezzin se leva dans la vallée; Roul et ses compagnons sarrêtèrent à linstant, en se cachant près dune formation rocheuse. Ils repartirent immédiatement après avec lintention dat-taquer ce peuple durant la prière, quand les habitants auraient penché leurs têtes et les hommes en rentrant des campagnes se seraient arrêtés, le long de la route du retour. Ils reprirent donc leur chemin quand le muezzin navait pas encore terminé.
Conrad suivait du regard les épaules de Roul qui était le plus visible et il rongeait ses ongles, pris par limpatience provoquée par cette longue attente.
Un hurlement retentit parmi les collines à est ; un loup chantait à la lune qui doucement apparaissait dans le ciel. Conrad ny pensa pas deux fois, il se jeta à une vitesse vertigineuse dans la descente, vers la vallée et le plateau juste en face. Il tenait son épée dégainée à main levée devant lui, du moment que sil lavait tenue dans sa gaine la pointe aurait touché le terrain.
Bien avant de joindre lentrée du village il entendit les premiers hurlements des femmes ; il savait quen suivant leur provenance il aurait trouvé les amis de son père. Une fois parmi les ruelles de ce bourg, il plongea dans la fuite générale des femmes terrorisées qui se réfugiaient dans les maisons. Il vit Geuffroi enfoncer une porte dun coup de pied, et faire sortir un vieil homme édenté. Il se remit à courir sans but, certain de rencontrer Roul. Il rencontra certains cadavres dhommes, certainement des paysans qui sétaient opposés aux assaillants de leurs femmes. Conrad était là pour soutenir cette bataille, il rencontra plu-sieurs sarrasins en fugue mais neut pas le courage de les affronter. Il se persuada quil laurait fait après avoir retrouvé Roul.
Au travers d une fenêtre, les cris dune jeune fille dominaient tout le reste ; il était terrorisé par ses hurlements, Il voyait près de la mosquée certaines jeunes filles en larmes, les cheveux découverts et dénudées ailleurs. Tancred à côté, se faisait livrer les boucles doreilles, les bracelets, les bracelets de chevilles et les colliers. Conrad avait déjà vu des femmes dans cet état, chargées comme des bêtes sur des chars destinés au marché, et quand il se rendit compte quils leur liait les pouls, il imagina que Tancred et ses compagnons étaient en train de les emporter pour devenir des prisonnières. Entre temps, de la fumée commençait à sélever du toit de la mosquée, tandis quun homme à lintérieur de la cour était égorgé et jeté à plat ventre dans la source des ablutions.
Les étroites ruelles souvrirent enfin sur une large place, délimitée par un muret sur lentrée dune grande maison qui occupait la scène dans le fond. La maison avait été pillée et un soldat en sortait en portant sur les épaules une espèce de ballot qui résonnait dobjets métalliques à chaque pas. Un autre portait sur les bras une grande quantité détoffes et dhabits dun certain valeur. Chacun jetait ensuite son butin à lintérieur dun char garé à lentrée.
Enfin Conrad vit Roul tourner à larrière de la maison.
Roul! appela til à voix haute.
Toutefois, Poing Dur avait déjà disparu de son champ de vision. Quand il tourna à langle, Conrad se rendit compte que la porte de lécurie était entrouverte, ne voyant pas Roul, il imagina quil était entré.
Je savais que tu tétais glissé ici ! dit Roul à quelquun, mais Conrad ne le voyait pas encore.
Une jeune femme tremblante se serrait dans le coin opposé de la pièce.
Où se trouve lor ? demanda Roul
Mais elle parvenait uniquement à saccrocher aux pierres du mur sec de lécurie, tellement elle était terrorisée, outre le fait quelle ne com-prenait pas la langue des assaillants. En attendant les yeux de Conrad shabituait à lobscurité croissante du coucher du soleil qui valorisait la lumière pénétrant par le grenier.
Où tenez-vous votre argent ? répéta Roul, cette fois en la giflant si fort quil la fit voler sur un tas de foin à proximité.
Est-ce que tu comprends ce que je te dis ?
Se réfugiant sur ce tas de foin, la femme murmurait quelque chose dincompréhensible, probablement des paroles dans sa langue.
Roul ne lui demanda donc plus rien, et dès quelle se tourna pour senfuir, il lattrapa par un bras et ensuite par les hanches. Conrad fer-ma instinctivement les yeux quand il vit Roul imposer sa propre force sur cette pauvre fille, dont la stature arrivait à peine à lestomac de son agresseur. Il mit une main devant son visage à la vue des cuisses et des hanches dénudées de la femme. Il ouvrit tout grand sa bouche en entendant ces cris dune si étrange nature. Et il fut heureux, lorsque pour ne plus lentendre, Roul lui enfila violemment une poignée de foin en bouche pour la faire taire, en appuyant fermement dune main pour ne pas la faire cracher.
Une fois, à lâge de six ans, sur un pré de Bénévent, Conrad avait vu une pauvre jument estropiée subir la montée dun étalon en chaleur. Il avait été troublé par cette pauvre jument incapable de contraster les harcèlements du plus fort. Maintenant il éprouvait de la peine, et était perturbé par cette femme dont le grognement ressemblait vraiment à une étrange bête durant la torture à labattoir.
Après quelques minutes la femme sembla se résigner à la domination de son agresseur, et elle appuya sa tête dun côté, vers Conrad. Ce fut alors que le jeune garçon vit son visage. La femme avait un bel aspect, des traits arabesques et de beaux yeux. Il la vit affûter la vue de ce côté ; entre les pattes du mulet elle semblait le fixer. Il en était sûr, elle lavait aperçu. Ce regard parcouru lespace qui la séparait de Conrad ce regard croisait deux destins entre eux, deux vies de manière fatale.
Roul en attendant, terminait la question et sajustait en se relevant. Conrad qui avant cherchait Roul, maintenant craignait dêtre vu, plein de honte pour avoir violé par sa présence lintimité dun acte si néfaste. En plus, la femme regardait dans sa direction en haletant, une raison de plus pour linciter à se cacher de son regard. Ainsi, pendant que Roul sortait, Conrad se glissa derrière quelques planches en bois appuyées contre le mur.
Les rebelles de Qasr Yanna nous envahissent ! hurla quelquun de lextérieur ; ça ressemblait à la voix de Tancred.
Un grand bruit entoura le village, des voix qui se mélangeaient à un son indiscernable. La femme alors du comprendre du certainement comprendre quelque chose grâce à ces voix puisquelle se leva et en courant vers lextérieur, elle sécria :