Apollonia sorti en pleurant pendant que Corrado restait plongé dans ses pensées.
Tu ne ten es pas encore remis entre sil te plaît. le pria-til. Corrado toutefois sourit avec satisfaction pour la décision quil venait de prendre dun jet, quelques minutes auparavant.
Je suis content que Michele ait sauvé la vie dUmar. répondit-il, la laissant complètement perplexe.
Et alors quest-ce que cela a à voir ?
cela à voir, car le moment est arrivé de me comporter comme il en est dusage parmi mon peuple. Je demanderai des comptes à Umar pour ce quil ma fait et Idris payera pour ce quil ta fait. Ne crois pas que je ne lai pas vu cette nuit !
Comme ça tu te feras tuer !
Peu mimporte, car cela nest pas vivre, cest se traîner !
Raisonne, ça ne va pas aussi mal Avant que Umar ne frappe notre père, il ne nous avait rien fait de mal.
Notre père et Michele sauront se justifier en me méconnaissant, comme ils lont fait ces jours-ci.
Apollonia se jeta à ses pieds, en lembrassant.
Je ne te le permets pas, au prix de tout raconter à notre père. Tu ne le feras pas, ma sœur, pas toi qui ne ma jamais trahi. Apollonia se leva, le regarda et le fixa Sur ce, il lui caressa la joue du bout du doigt.
La vengeance est la ruine de lhomme. Cest toi qui mas raconté comment la guerre dil y a vingt ans na pas eu de succès pour les chrétiens à cause de la vengeance de ce type.
Arduin le lombard mais ce ne fut pas à cause de sa vengeance que les armées des chrétiens sen allèrent au delà de la mer ; ce fut parce que leur général voulu lhumilier publiquement juste comme Umar a fait avec moi.
Chapitre 12
Début de lété 1040 (431 de lhégire), vallée à lest de Tragina
De nombreux jours passèrent, peut-être une semaine ou plus, un temps où Conrad continua de fréquenter léglise rupestre. Il y dormit, y mangea, y pria et doucement il commença à échanger quelques paroles avec ceux qui y venaient, surtout avec les quelques moines du rite grec qui connaissaient la langue doïl, mais aussi avec certaines personnes de la servitude, et avec les soldats de la garde du camp. Conrad y passa tant dheures que durant les quelques moments où il mit le nez dehors, ses yeux brûlèrent à cause de lintense lumière du soleil. Il apprit qui étaient chaque personnage peint sur le mur, le nom de tous les saints et il éprouva beaucoup daffection pour Saint André, priant à bouche ouverte et faisant le symbole de la trinité de la main ; ce saint en particulier, surmontait la sépulture de son père.
Roul et les autres avaient erré dans les campagnes pendant des jours en-tiers, et maintenant, de retour de la poursuite, ils rentraient au camp avec la grande armée. Cétait les premières heures de laprès-midi, quand Conrad entendit une grande confusion qui provenait den bas et se jura à lui même que dans les tentes on fêtait certainement.
Peu de temps passa et son homme de confiance vint vers lui.
Mon fils, sort !
Conrad alors sorti, mais il resta devant lentrée.
Lentière armée revient.
Cest vous qui fêterez la victoire moi, je souffre encore pour la perte de mon père.
Beaucoup de soldats ont perdu un parent dans la bataille, un frère et même un père Il y a peu, ils ont enterré leur propres morts, et pas dans un beau mausolée comme celui-ci, mais au milieu dun camp. Maintenant, cependant, il est juste de jouir de nos sacrifices ils sont morts également pour cela.
Je ne veux pas abandonner mon père. dit Conrad.
Et un quelconque infidèle profanait ce lieu ? Il renforça sa thèse.
Dieu le punira, mais ils ne peuvent pas tuer ton père une seconde fois. Aujourdhui nous fêterons ensemble, et puis, compensation en poche, nous retournerons à Syracuse pour aider ceux qui sont restés, afin de compléter lassaut. Nous avons obtenu un grand butin de ces jours-ci Dieu seul sait combien de villages ont été pris dans la poursuite et sur la route du retour ! Chacun aura sa part et toi tu auras celle de ton père.
Je ne lai pas gagnée.
Quas-tu gagné de tout cela que ton père nait fait pour toi ? Mon garçon, je commence à être fatigué de tes caprices ! Aujourdhui, javais même des difficultés à croire que tu étais resté ici pendant plus dune semaine. Mais je ne suis pas ton père, et si je ne pourrai pas honorer la pro-messe que je lui ai faite, alors il vaut mieux que je tarrache la tête avec deux de mes doigts, plutôt que tavoir dans les pieds !
Quattendez-vous de moi ? demanda donc Conrad en haussant la voix.
Que tu comprennes que ton père est mort, et que tu arrêtes de pleurnicher. Que tu saches que jétais un ami de Rabel, et non de toi, je naurais donc aucun scrupule à te pendre à la bannière, si tu ne fais pas ce que je te dis.
Prenez la part du butin de mon père et laissez moi en paix.
Quand après cette phrase Conrad se retourna pour aller se réfugier dans la grotte, Roul le prit par la nuque et le hissa à plus de deux mètres de hauteur. La main du guerrier embrassait presque tout le cou du jeune garçon, il la serra à tel point que les yeux du jeune homme semblèrent projetés vers lextérieur.
On mappelle Poing Dur et je devrais me faire insulter par toi, un sale gosse ? Jy mettrai bien peu à técraser sur ce rocher ! hurla til au point de ressembler au Diable.
Il le fit donc tomber brusquement en lâchant la prise.
Si quelquun voyait comment tu essaies de me mépriser, ma réputation serait mise à dure épreuve. Jai tué des hommes pour bien moins que cela ! Remercie ton père et mon honneur si aujourdhui je ne tétrangle pas. Maintenant lèves-toi et viens au camp !
Conrad était blessé, plus dans son corps que dans son âme, et il évitait de regarder lautre dans les yeux, restant encore recroquevillé sur lherbe sèche. Ni même son père nétait parvenu à le discipliner de la sorte.
A un certain point il vit la gigantesque main de Roul sapprocher de son visage ; il ferma donc très fort les yeux en imaginant cette menace qui se concrétisait.
Lève-toi et viens avec moi. Je te ferai voir comment vivait ton père, je te ferai connaître ses amis, je te ferai boire ce quil buvait et je te ferai connaître les femmes quil préférait. linvita Roul d un ton anormale-ment gentil en lui tendant la main.
Conrad lattrapa et se remit debout, il essuya les larmes qui baignaient ses tâches de rousseur et sefforça davoir une expression de dureté.
Cest ainsi que tu me plais se complimenta lénergumène avant de lui tourner le dos et commencer à descendre de la côte.
Roul ! au contraire appela Conrad.
Quil y a til dautre ? répondit avec impatience ladulte dentre les deux.
Je veux que vous memmeniez avec vous dans la prochaine bataille. Roul se mit à rire, il était heureux que ses moyens donnaient des résultats, mais il rit de bon goût.
Sale gosse, quest ce que tu voudrais ?
Vous voulez menseigner à vivre comme vivait mon père , emmenez-moi également au combat. Mon père ma enseigné lépée depuis que je marche. Je sais le faire !
Tu men donneras une démonstration dès que cela sera possible. En ce qui concerne la guerre. eh bien, mon fils, tu dois dabord préparer ton cœur tu dois apprendre à haïr !