Jai soif. dit Corrado en pensant à voix haute.
Apollonia à ce point ne put plus faire semblant de dormir, elle se releva du tabouret sur lequel elle était assise.
Je vais prendre de leau. répondit-elle même trop rapidement, en provoquant le soupçon chez son frère, qui en réalité elle ne dormait pas tellement.
Non, laisse faire notre mère, Toi reste ici.
Le visage de Corrado sattarda donc sur celui dApollonia : une grosse ecchymose encore rouge ,partait de langle de sa bouche et montait jusque la moitié de sa joue.
Que test-il arrivé ? demanda til en lui effleurant le visage. Apollonia recula et répondit :
Tu ne te souviens vraiment de rien ?
En réalité Apollonia espérait que Corrado ne se souvienne pas de ce dé-tail quil ne se fut pas rendu compte quIdris lavait frappée, afin que la colère ne lenvahisse pas et quil ait envie de se venger.
Qui ta donc fait cela ? demanda encore Corrado, en sappuyant sur le dossier du lit.
Apollonia était partagée : dun côté elle aurait voulu protéger Corrado de son tempérament, de lautre elle ne voulait pas lui mentir.
Après ce qui sest passé cette nuit, peu importe le coupable ?
Corrado fut catapulté dans la prise de conscience des évènements aux-quels il avait assisté la nuit précédente ; maintenant tout lui revenait à lesprit.
Ils ont capturé Nadira ! dit-il en un souffle, comme si cette vérité apparaissait en à ce moment là.
Je le sais, Corrado je le sais. Cette pauvre fille ! Mon frère, la beauté est une malédiction de Dieu, et lhomme est un homme ! Jala a tout vu, on la lui a enlevée des bras. On ne parle que de cela dans tout le village et Michele ma tout raconté, même ce que je ne savais pas.
Umar ce chien de Umar ! Je lai vu de mes yeux tomber mort.
Umar est vivant et même sa famille. Ils se sont sauvés bien avant que la maison ne sécroule sur elle même. Mais douze paysans, Corrado douze paysans sont morts pour défendre le Raba !
Corrado se mit en colère pour les douze habitants du village, mais puis, sa rage envers Umar pris le dessus.
Il aurait bien fait de mourir ce maudit Umar !
Alors il vaut mieux que je ne te dise pas qui la traîné loin des flammes, tandis quil sévanouissait et que sa mère le cherchait désespéré-ment dans le fleuve.
Est-ce toi ? demanda til furieux, en lui pointant le doigt sur le vi-sage.
Non, moi je nai même pas été capable de te traîner toi. Ce fut Michele quand il est venu te ramener à la maison.
Michele ! hurla Corrado, en voulant demander des explications à son frère.
Calme-toi, je ten pries ! Les personnes sont très éprouvées, et même notre famille est en deuil. Jai vu notre père rentrer à la maison en larmes. Nous avions pris les récoltes dune année et parmi ces douze personnes beaucoup étaient de nos amis.
Michele ! appela de nouveau Corrado.
Ça finira mal et tu disputeras avec lui Ne fais pas ce tort supplémentaire à notre père. Je ten pries Corrado ! Je ten supplie Corrado en lui prenant les mains.
Quel tort lui aurais-je fait ?
A ce point Alfeo et Michele, ayant entendu le rappel de Corrado, se mirent debout dans la pièce.
Apollonia lâcha alors les mains de son frère et se mit debout, comme si les autres pouvaient interpréter malicieusement ce geste daffection, comme sils connaissaient ses sentiments.
Personne ne sétait rendu compte de nous, Corrado, et maintenant grâce à toi nous sommes devenus une puanteur pour tous les mahométans du Raba, et surtout pour la maison de Umar. expliqua Alfeo avec un vi-sage complètement noirci par la fumée.
Cest pour cela que Michele a sauvé notre ennemi encore avant de me sauver moi ? Pour compenser le tort que jai fait à ce fumier dhomme ? dit Corrado furieux.
Cest ainsi Prions Dieu quavec le geste de Michele tout rentrera dans lordre comme avant.
Avant que je ne prenne vos défenses, père ? Je ne tavais rien demandé.
Mais cet homme vous a humilié !
Ce sont eux qui commandent ; qu y a til détrange ?
Cest pour cette raison que vous navez pas daigné venir pendant que jétais là ?
Umar doit comprendre que nous navons rien à voir avec ton geste. Le désespoir de Corrado prit place devant sa colère.
Apollonia aperçu le visage sombre de son frère et tenta de lencourager :
Allons donc au fond notre père a raison. Que pensais-tu faire en insultant lhomme du Qāid ?
Mais Corrado, au lieu de lécouter, insista :
Mon père, mon vrai père, aurait été fier de moi, et il laurait été même si je fus mort lié à ce poteau. Vous au contraire vous me le reprochez !
Maintenant les tons senflammaient sérieusement. Alfeo était grave-ment indigné par ces paroles, tandis que Michele restait en silence car il savait avoir trahi la confiance des personnes quil admirait le plus.
Caterina arriva sur la porte quand son mari fit un pas en avant et sex-clama :
Où est-il maintenant ton vrai père ? Il a préféré se faire tuer en te laissant seul ! Pour quoi, Corrado, pour lhonneur ? Pour ne pas être humilié ? Je suis certaine que pour les personnes comme ton père il aurait sagit de raisons plus que suffisantes pour se faire tuer, en abandonnant son propre fils à son destin. Toutefois ça ne sont pas les raisons pour lesquelles ton vrai père ne ta pas élevé ton père sest fait tuer pour de largent !
Sur ces paroles Corrado se leva du lit, mais, et en apercevant quil était nu, il se couvrit rapidement avec la couverture quil portait ; Apollonia, en attendant sétait promptement tournée.
Cétait un soldat ! justifia Corrado.
Et moi je suis un paysan avec un patron à servir ! Corrado fit un autre pas vers Alfeo et répondit :
Cest pour cela que vous léchez les pieds des païens depuis deux cents ans. Je commence à penser que le goût de la poussière dans les dents vous plaît. Cest pour cela que mon peuple a en main lautre partie du Détroit tandis que vous vous faites gifler pour une taxe impayée. Roul le di-sait toujours : Maudits grecs !
Une fois prononcé ces mots, il passa outre et sorti de la maison
Il se sentait comme un ver, surtout pour la dernière phrase. Cet homme avec qui il disputait était celui qui lavait accueilli et élevé comme ses propres fils et maintenant, lui, se montrait ingrat, en le diminuant dans la comparaison davec son père qui lui, lavait quitté à lâge de neuf ans. Dailleurs, que prétendait-il de cette famille qui avait fait de la soumission au patron une question de survie ? Le cœur de Corrado était indomptable depuis sa naissance, cest vrai, mais également incompatible avec la douce nature de Alfeo. A un certain point, tandis quil était assis sous le figuier derrière la maison, encore entouré de sa couverture, il en arriva à la conclusion que cétait lui linadapté, et quà cause de son caractère il naurait provoqué que des problèmes à ces personnes quil aimait plus de toute autre chose au monde. Il faisait froid et il nétait pas du tout guéri, mais ce fut à ce moment là quil prit la décision de partir. Son cœur battait fort dans sa poitrine et son souffle était profond. Maintenant les dix dernières années disparurent ; Corrado senti ses vingt-neuf ans comme sils nen étaient que neuf, comme si le temps au Raba navait jamais eu lieu.