Par la suite, Idris pris par les rênes les destriers des trois invités et les conduisit dans les étables près de la maison.
Ne me fais pas regretter de mêtre arrêté quand il y a peu, Umar me la demandé. dit le garde en fixant Apollonia.
La jeune fille ne pouvait risquer de contrevenir encore une fois à linterdiction, et cela non pas, par peur dêtre encore une fois battue, mais par crainte dêtre obligée de rentrer chez elle.
Mon frère, mon frère ! Je suis là, je ne pars pas.
Puis elle sapprocha encore un peu en se traînant sur le sol à laide de ses jambes et de ses mains ; elle restait cependant à au moins quatre pas de distance.
Corrado, mon souffle et ma vie, tu dois résister encore un peu, mon Frère, réponds-moi, fais-moi comprendre que ton âme bat encore dans ta poitrine.
Elle sapprocha à demi pas en avant et dit :
Je sais bien que ta jalousie envers moi est celle dun frère envers une sœur mais on ne peut dire la même chose de ma dévotion pour toi Malgré lesprit troublé et lincompréhension de lautre, Apollonia, avec difficulté, disait ce quelle tenait enfermé dans son cœur depuis des an-nées, ce sentiment qui lavait plusieurs fois fait éprouver de la honte devant licône de la Vierge.
Ne me juge pas comme une sœur fidèle, car pour Michele je ne serais probablement pas restée ici avec tant de sacrifices Ne me juge pas pour ces actions, Corrado, car ce que tu découvrirais téloignerait de moi et pour moi cela serait pire que de te voir mourir.
Quand Idris retourna dans la cour, elle fini de confesser ce qui aurait provoqué son exclusion du village, une marginalité plus grande que celle quelle vivait déjà par le fait dêtre chrétienne.
La nuit tombée, le muezzin sonna ladhān de la nuit. Idris alors sassit sur le muret, suffisamment loin pour ne pas entendre la jeune fille, mais assez près pour intervenir au cas où, comme précédemment, elle se serait trop approchée.
Encore quelques heures et je te ramène à la maison dit Apollonia en souriant.
Toutefois elle redevint sérieuse quand elle se rendit compte de ne plus sentir ses orteils, et quand elle imagina leffet encore plus grave que ce froid pouvait provoquer chez son frère. Elle commença à trembler à cause de la température, elle essaya de réchauffer ses mains en soufflant dans ses poings.
Fillette, rentre chez toi ! Ne vois-tu pas que tu trembles ? Idris lencourageait en la voyant dans cet état.
Je ne partirai pas il ne reste maintenant que peu de temps. répondit-elle au contraire à Corrado.
Ses yeux noisettes regardaient vers le haut le visage de son frère, tandis que les larmes gelaient juste sous ses paupières, nayant pas la juste inclination pour glisser vers le bas.
Un peu de foi en Dieu te serait si utile en ce moment pensa Apollonia par rapport à Corrado, connaissant son apathie envers les arguments religieux.
Je sais, mon frère, que tu refuses de croire quil existe un Dieu capable de permettre tout le mal qui test arrivé. Je sais que le Christ et tous les saints tont déjà déçus une fois, quand tes prières ne furent pas accueillies tandis que tu espérais le retour de ton père.
Rabel de Rougeville. murmura Corrado.
Apollonia se tut subitement ; son frère était encore conscient. Avait-il entendu peu avant, sa déclaration damour
Corrado, mon frère, eh bien tu es vivant !
Rabel de Rougeville ! répétait-il sur un ton plus élevé et en un souffle, presque en pleurant et presque en criant.
Rappelle-toi le saint qui protège ton père, appelle-toi à lui ! linvita Apollonia pour tenter de le tenir éveillé et conscient.
Saint André
Agìou Andréas35. répéta Apollonia en Grec, cest à dire la langue de la liturgie chrétienne en Sicile.
En famille, Apollonia sexprimait dans une sorte de latin parlé par le peuple et elle faisait de même, tant avec les chrétiens de Qasr Yanna quavec les nombreux indigènes convertis à lislamisme. Quand toutefois, il sagissait de prier, elle rafraîchissait son vieux grec pour dire vrai même légèrement incompris. Au contraire, au Raba, étant un lieu restreint et habité en majorité par des circoncis, Apollonia et sa famille sex-primaient en arabe ; celui de la Sicile, désormais particulier par rapport à la langue du prophète. Parfois, elle utilisait même quelques paroles berbères quelle avait appris en entendant parler les femmes de cette lignée au puits, et les hommes dans les champs.
Apollonia ferma les yeux et les mains jointes elle commença à réciter ses prières en invoquant Marie mère de Dieu, la Vierge, en faveur de Corrado. Naturellement elle priait à voix basse vu quil était interdit à un non musulman de faire entendre ses propres oraisons aux oreilles dun croyant et Idris était même trop proche.
Mariám Theotókos, et Parthénos36» commença t-elle.
Corrado entendit la voix dApollonia tout comme il entendait en ce mo-ment la voix de ses souvenirs, réveillés par limage de la Madonne et des saints auxquels sa sœur sadressait.
Chapitre 8
Début de lété 1040 (431 de lhégire), vallées à lest de Tragina
Les bannières indomptables sagitaient au vent ; ce jour là le vent était incertain, même Dieu probablement ne savait de quel côté être tout comme, au jugement des postérités incrédules, Dieu était confus par rap-port à qui il devait soutenir dans cette bataille. Dun côté, au cri de Alla-hu Akbar37, les sarrasins de Sicile et dAfrique arrivés en support des premiers prêts à rechasser lenvahisseur. De lautre côté, vantant Le Christ gagne , les hommes à la solde de Constantinople, pour lesquels les envahisseurs étaient les autres.
Invités par leur commandant, à labri entre Jebel38 et les Nébrodes, les hommes de Abd-Allah se prosternaient vers La Mecque et involontaire-ment vers larmée ennemie. Les autres aussi étaient recueillis dans la prière, toutefois, non pas en une unique oraison harmonieuse, mais certains en latin et dautres en grec.
Le camp avait été monté à environ miles à lest de la montagne contre laquelle est protégée la ville de Tragina39, et ici, parmi les tentes, Conrad avait observé son père séloigner avec larmée toute entière, juste quelques heures auparavant.
A lexception de la présence dun modeste village de marchands et paysans, il sagissait dune zone éloignée des centres habités, riche en bois dun côté, sur les versants des montagnes les plus hautes, et de collines herbeuses adaptent au pâturage de lautre côté. Un fleuve sécoulait juste-ment au point le plus bas de la vallée, et de cela un petit ruisseau perdurait malgré lété, assurant lapprovisionnement en eau aux soldats.
Maintenant Conrad fixait le point au fond de la rue où il avait vu son père pour la dernière fois. Le matin, il lavait aidé à porter sa cotte de maille avec une croix rouge sur la poitrine, sur sa tunique blanche. Il faisait déjà chaud durant les premières heures après laube, il avait donc tenu son casque à labri du soleil, pour quil soit plus frais quand son père lau-rait mis. Comme dernier geste, avant de monter à cheval, Rabel avait froissé les cheveux de son fils et en échange Conrad lui avait passé la bannière et le casque. Puis un regard et il se confondit dans la marée humaine de soldats, en avançant vers la clairière juste hors du camp ; ici Georges Maniakès avait harangué ses troupes. Conrad était donc monté sur le tabouret à peine libéré par un frère bénédictin et avait essayé de trouver Rabel parmi les hommes réunis là au fond. Puis il avait vu Roul, sa tête et ses épaules planaient au dessus des autres, et il avait imaginé que son père pouvait être là.