Elle saisit le bras de Patty et lemmena de côté.
- Peux-tu me garantir que le vote au sondage de Deannah est équitable ?
Patty semblait amusée, malheureusement, car les rides autour de ses yeux révélèrent soudainement lâge que son corps essayait de dissimuler.
- Helena ta parlé, nest-ce pas, mon chou ? Une personne du bureau lui a balancé une phrase quelle a avalée. Valentin ne reconnaitrait pas Helena Cross dHelena Bonham-Carter. Même sil avait vu la Planète des singes.
- Comment ça marche, alors ? Est-ce que je dois mettre formellement mon nom dans un chapeau ou quoi ?
- Non, rien de tel. On demande aux gens de voter pour qui ils veulent. On soumet cependant quelques suggestions, bien sûr. Ça a été annoncé dans notre édition du Sunday dhier et le premier jour de vote était aujourdhui, tu as donc déjà loupé une journée, petite idiote.
- Pourquoi idiote ?
- Tu aurais pu commencer la campagne. Les photos etc.
- Je travaillais. Tu sais ce que cest, le devoir !
Patty rit et prit une gorgée de sa boisson.
- On cherche à avoir une liste restreinte de cinq personnes, puis on demandera aux gens de voter pour elles au cours des semaines à venir.
Elle regarda Mai de près :
- Tu es sûre de vouloir faire ça ?
- Pourquoi pas ? Cest honnête, non ?
- Bien sûr. Les producteurs nous ont dit quils utiliseront les résultats du sondage pour attribuer le rôle de Deannah. Selon le succès populaire, en quelque sorte. Je crois simplement que tu es trop intelligente pour ça. Depuis combien de temps nous nous connaissons ?
- Depuis que tu étais à Hello ! Environ deux semaines après que jai commencé à la télé.
- Exactement, et tout ce temps-là, combien de fois es-tu venue me trouvée comme ça et que tu as essayé de te promouvoir ? Ne réponds pas, je vais te le dire. Précisément, jamais. Tu nas jamais été une tarte médiatique. Alors pourquoi commencer maintenant ?
Mai ne dit rien, son esprit essayait toujours de se remettre du venin quHelena lui avait lancé. Elle réalisa quelle tenait le bras de Patty en le serrant de plus en plus. Elle le lâcha et laissa sa main tomber.
- Peut-être quil est temps que je devienne une tarte, dit-elle. Depuis mon premier jour à la télé, les gens mont dit que ça marriverait un jour.
Le regard de Patty était sceptique.
- Tu ne le penses pas vraiment, dit-elle en levant sa caméra et lagitant devant le visage de Mai. Est-ce que je peux prendre une photo de toi, quelques instants après que tu ais pris cette décision bouleversante ?
- Non !
Toutes deux se mirent à rire.
- Alors, dis-moi, pourquoi tu fais ça ? demanda Patty. Pourquoi tu veux le rôle de Deannah ?
Mai réfléchit un instant.
- Jai le sentiment que je joue déjà ce rôle. Et je ne supporte pas lidée que quelquun dautre le joue à ma place.
- Ça a lair dêtre une belle connerie. Ça ne ressemble pas.
- Je sais que ça lest. Je sais. Il y a une connexion entre Deannah et moi, que je narrive pas à comprendre. Je lai senti lorsque jai lu le livre et ça ne mest jamais sorti de la tête. Je nai que vingt ans, et cest comme si jétais née pour jouer ce rôle. Nest-ce pas étrange ?
- Ça va au-delà de létrange, cest plutôt effrayant. Fais attention que tu ne prennes pas cela trop au sérieux, Mai. Cest uniquement du showbiz. Ce nest pas la vraie vie.
- Cest là où tu as tort.
CHAPITRE TROIS
Mardi matin, les premiers signes de la fin de lautomne se manifestaient. Une vraie vague de froid dans lair traversant les gants et les écharpes. Arrivée aux portails de la vieille école, Mai resta debout derrière un grand pilier en béton, à labri du vent persistant, et appela Alfie. Il nétait que 8:45, mais elle avait de lespoir. Des feuilles tournaient autour de ses chevilles et le ciel gris était parsemé doiseaux bruyants impatients de voler vers le sud.
Il répondit à la première sonnerie.
- Salut toi !
- Tu as passé une nuit blanche ou tu viens juste de te réveiller ?
- Debout depuis sept heures, je fais des exercices. Une grande tournée qui approche, je ne peux pas me permettre de tomber malade.
- Impressionnant ! Je suis à lextérieur dune école dans le sud de Londres.
- Ça marche avec les écoliers ?
- Je suis une vieille dame pour eux. Ils ne veulent pas le savoir, même si je leur offrais des bonbons.
- La vingtaine passée. On a donc aucun espoir, nous autres.
Tous deux firent une pause et sécoutèrent respirer. Mai sentit le froid sapprocher doucement de son visage, lui donnant un sentiment de picotements sur ses lèvres et ses oreilles. Elle se demandait pourquoi elle avait cette conversation maintenant. Quest-ce quelle voulait ?
- Alors, dit Alfie, tu viens demain ? Je tai réservé une place au premier rang. Tu viendras en coulisses pour rencontrer le groupe après, pour nous lancer des tulipes. Ou des culottes, cest à toi de choisir.
- Vous avez toujours le même nom ?
Elle avait essayé de les persuader de ne pas utiliser The Gastric Band comme nom, mais les adolescents attardés quétaient les collègues dAlfie sen moquèrent et refusèrent de le changer. La tournée réservée, il était probablement trop tard. Leur petite maison de disques avait également renoncé après deux réunions de trois heures, qui sétaient terminées dans un silence sombre de la part des membres du groupe. En dépit des risques que les critiques puissent inclure des phrases comme The Gastric Band ne sont pas assez hermétiques et The Gastric Band ne peuvent pas remettre de lordre dans leur merdier.
- Ne commence pas, Mai, dit Alfie. Cest fait. Alors, tu y seras ?
- Jessayerai. Le directeur de cette pièce est un nazi, donc je ne peux pas lui faire confiance pour finir à lheure.
- Les nazis étaient connus pour le non-respect des horaires.
- Tu me comprends alors. Elle ne pouvait pas sempêcher dajouter de sa petite voix défensive intérieure faisant du temps supplémentaire : Ne sois pas pointilleux !
Plutôt que de répondre, il resta silencieux comme dhabitude. Elle savait quil ne pouvait faire face à aucun type de conflit, il prétendit alors quil ny en avait aucun. Ironiquement, cétait une source de conflit entre eux.
- Tu nas pas appelé hier, dit-il après un moment.
- Toi non plus, gros malin.
- Ouais, désolé. Le temps nous a échappé. On na pas fini avant minuit. Je ne voulais donc pas tappeler, à cause des répétitions et tout.
- Ce nest pas grave, cest pareil pour moi. La raison pour laquelle je nai pas appelé.
Elle se demandait pourquoi elle navait pas mentionné être sortie avec Stefan. Elle ne se sentait pas coupable, en fait.
- Alors, cétait bien ou quoi ? demanda Alfie.
- Non, de la merde, en fait, se sentant soudainement au bord des larmes, une chaleur lui montant derrière les yeux. Le directeur est un tyran. Un frimeur. Il veut me briser, comme un cheval. Pour que je fasse simplement ce quil veut.
- Tu aimerais quun grand homme fort se pointe et le tabasse ?
- Ce serait bien !
- Je vais voir si je peux en trouver un
Mai fit un petit sourire cétait exactement ce quil dirait. Intéressant quAlfie puisse être aussi dynamique et physique derrière son arsenal, mais si froid dans la vie réelle. Peut-être que cest de là quil la eu, toute cette frustration et cette colère.