« Qu’est-ce qui se passe ? », demanda-t-elle en ramenant sa main à côté d’elle.
Lance rit chaleureusement. « C’est à vous ! », s’exclama-t-il. « Évidemment. Nous étions juste en train de vous jouer un tour. »
Tout le monde se mit à rire. Keira regarda autour d’elle, complètement désarçonnée. Depuis quand Viatorum était-il un lieu où faire des blagues de bureau ?
« Vous voulez dire que vous alliez me le donner depuis le début ? », demanda-t-elle.
« Oui ! », répondit Lance, en riant encore chaudement.
Et à la grande surprise de Keira, tout le monde était d’humeur légère à ce sujet. Ils semblaient heureux pour elle. Il n’y avait plus d’envie, pas de dureté.
« Ils ont tous d’excellents sujets », expliqua Lance. « Ne vous inquiétez pas pour ça. Je n’aime pas les luttes intestines, je ne peux pas le supporter. Tout le monde a des points forts. Et le vôtre est de voyager à l’étranger et écrire ces articles étonnants. »
Keira voulait se pincer. Était-ce un rêve ? Était-elle encore endormie sur le canapé bosselé de Bryn à fantasmer sur ce ce à quoi elle voulait que son premier jour de travail ressemble ?
Mais non, c’était réel. Sans Joshua, Viatorum s’était transformé en son travail de rêve. Et elle venait d’obtenir la mission de ses rêves.
« C’est notre façon de dire merci », dit Denise. « Pour s’être débarrassé de Josh. »
Keira rit, ravie. Elle était tellement excitée par la nouvelle affectation. Mais elle était aussi très nerveuse. Que ce soit quelque chose que Joshua lui avait inculqué ou juste une part de sa personnalité, une nouvelle mission apportait toujours de l’anxiété et du doute. Au fond d’elle-même, elle n’était pas sûre d’être prête, d’autant plus qu’elle était encore sous le choc de Shane. Mais elle savait aussi qu’elle ne pouvait pas dire non. Tout le monde la regardait avec tant d’enthousiasme. Elle devait se remettre en selle, pour ainsi dire.
« Quel est le titre de l’article ? », demanda-t-elle, essayant de se concentrer sur la tâche à accomplir afin de ne pas penser à Shane.
« Le Pays de l’Amour », dit Lance, en étalant ses mains devant lui de façon théâtrale.
« Un autre article sur l’amour ? », demanda Keira, stupéfaite.
« Bien sûr ! », s’écria Lance. « C’est votre talent, Keira. Votre dernier article était remarquable. »
« Seulement parce que je suis tombé amoureuse… », dit-elle.
Lance acquiesça avidement. « Exactement. C’était beau. Je veux revoir ça. Donc je vous envoie dans les endroits les plus romantiques. Je veux que vous parliez aux habitants, découvriez leurs secrets. Est-ce que les Italiens connaissent vraiment le vrai amour ? Pourquoi est-ce considéré comme l’endroit le plus romantique sur terre ? Quels secrets détiennent-ils sur l’amour ? »
Il souriait largement, d’une manière encourageante. Mais pour Keira, la panique commençait à s’installer.
Comment pouvait-elle écrire sur l’amour quand son cœur avait été brisé en mille morceaux ? En Irlande, elle avait lutté pour cette tâche car elle était naïve, insensée et inexpérimentée. Cette fois, elle était amère et blasée. Cela ne fonctionnerait jamais.
« Y a-t-il un peu de marge pour le titre ? », bégaya Keira. « De la latitude pour changer d’angle ? Je ne veux pas être cataloguée comme l’auteur de l’amour. »
Lance avait l’air perplexe. « Mais vous êtes l’écrivain de l’amour, Keira. Le Gourou de l’Amour. C’est ce que les gens veulent lire de vous. Votre unique argument de vente. »
Elle ne pouvait vraiment y croire.
Mais quel choix avait-elle ? Lance s’était démené pour elle, s’était assuré qu’elle obtienne la meilleure mission. Il n’y avait pas d’autre choix, elle devait accepter l’article. Tout le monde voulait qu’elle le fasse, et sa carrière en dépendait. Elle devrait juste faire semblant.
Ou, peut-être, elle n’aurait pas à prétendre. Peut-être rencontrerait-elle un nouvel homme. Pas un autre Shane, pas quelqu’un dont elle pourrait tomber éperdument amoureuse, mais un italien passionné avec qui elle pourrait avoir une liaison éclair. Pas d’attaches, pas d’amour, seulement le désir.
Elle sourit en son for intérieur. Peut-être était-ce le remède à un cœur brisé ! L’amour était peut-être la dernière chose qui lui venait à l’esprit, mais il était possible qu’une amourette avec un bel italien soit juste l’antidote dont elle avait besoin pour se remettre de Shane.
Elle regarda Lance et leva un sourcil.
« Merci », dit-elle. « Quand est-ce que je pars ? »
CHAPITRE QUATRE
« Demain ? », s’exclama Bryn en se perchant sur l’accoudoir du canapé.
Keira acquiesça et se mit à parcourir le petit appartement à la hâte pour ramasser ses affaires et les jeter dans sa valise. Elle trépignait d’excitation.
« Tu peux y croire ? Tu vas récupérer ton espace pendant trois semaines entières. »
« Mais tu vas manquer Halloween », gémit Bryn. « Malcolm et Glen voulaient nous emmener à une fête. »
Keira leva les yeux au ciel. « Quel dommage », dit-elle sarcastiquement.
Juste à ce moment la sonnette retentit. Bryn alla y répondre en utilisant le système d’interphone pour voir qui était là. Elle regarda Keira par-dessus son épaule, les yeux plissés.
« Pourquoi Shelby et Maxine sont-elles à ma porte ? »
Maxine et Shelby étaient les deux plus vieilles amies de Keira, qu’elle avait rencontré à l’université. Bryn les détestait, même si Keira ne comprenait pas pourquoi et supposait qu’il s’agissait de jalousie.
« J’ai complètement oublié », s’exclama Keira. « Je les ai invitées pour boire un verre il y a une éternité. C’était censé être pour rattraper le temps perdu avant que Shane n’arrive et prenne tout mon temps. C’est OK ? »
« Je n’ai clairement pas le choix », répondit Bryn, l’air énervée. « C’est dommage, cependant. Nous aurions pu passer une soirée vraiment amusante rien que toutes les deux, puisque tu vas partir pendant si longtemps… »
« Désolée », répondit Keira en haussant les épaules. « Je ne savais pas que ce serait ma dernière soirée au moment où je l’ai organisée. J’avais supposé que tu serais sortie avec quelqu’un comme la plupart des soirs. »
On frappa à la porte, et Bryn se leva avec un soupir pour aller ouvrir. Lorsque la porte s’ouvrit, Keira entendit les exclamations joyeuses de Maxine et de Shelby. Elle se dépêcha d’aller voir ses deux amies – la petite Shelby avec ses longs cheveux blonds platine, et l’élancée Maxine avec ses courtes boucles noires et sa peau sombre.
« Keira ! », s’exclamèrent-elles en passant leurs bras autour d’elle.
« Ça fait trop longtemps », lui dit Maxine à l’oreille.
« J’étais certaine que tu ne reviendrais jamais à New York », ajouta Shelby dans l’autre.
Keira recula. « Je sais, je suis désolée. Tout s’est passé si vite – être envoyée en Irlande, rompre avec Zach, déménager de l’appartement. Je n’ai simplement pas trouvé le temps de reprendre mes esprits. »
Bryn, qui se tenait toujours là à tenir la porte ouverte, ajouta, lapidaire, « C’était un moment uniquement familial, tu sais ? »
« Bien sûr », dit Maxine avec un sourire forcé.
Keira attira ses amies dans l’appartement. « Venez, allons boire. Et parler. »
« Et faire ses bagages », ajouta Bryn d’un ton maternel.
Elles firent toutes irruption dans l’appartement, en bavardant avec frivolité. Bryn ouvrit à contrecœur une bouteille de vin pour qu’elles la partagent, puis s’assit à l’îlot de cuisine avec un soupir, et tendit un verre à chacune des amies de Keira avec une sombre expression.
« Alors, tu pars en Italie ? », demanda Shelby, toute souriante d’excitation. « Pour combien de temps cette fois ? »
« Trois semaines », répondit Keira en pliant des vêtements et en les plaçant dans sa valise. « C’est en quelque sorte ma niche au magazine en ce moment. Je pars à l’étranger et j’écris un article sur l’amour. Ils m’appellent le Gourou de l’Amour. »
Shelby et Maxine échangèrent un regard que Keira put immédiatement déchiffrer.