« Je sais, je suis sans espoir avec les relations. Deux ruptures en autant de mois, n’est-ce pas ? Mais je peux juste jouer un personnage. »
« Tu veux dire mentir ? », demanda Maxine dans un éclat de rire.
« S’il le faut », répondit Keira. Elle se remémora combien elle avait eut du mal à écrire le dernier article. Puis elle avait été cynique en essayant de nier le fait qu’elle était en train de tomber amoureuse de l’Irlande, et plus précisément de Shane. Maintenant elle était supposée adopter l’autre point de vue, être une inconditionnelle romantique, une convertie qui se laisserait facilement et volontiers s’égarer dans l’amour et la passion. Elle ressentait tout le contraire.
« Tu devras juste tomber amoureuse d’un italien », ajouta Shelby.
Keira sourit. « Est-ce que ce ne serait pas plaisant ? », songea-t-elle, même si elle avait l’impression qu’une religieuse dans un monastère avait plus de chances de connaître une histoire d’amour passionnée qu’elle en ce moment.
« Tu vas manquer Halloween », ajouta Maxine, morose.
« Je sais, c’est dommage », répondit Keira. « Ce sont mes vacances préférées. Mais ils se surpassent en Italie aussi. C’est en fait comme une fête de quatre jours, je crois. La Journée des Morts, la Toussaint, c’est une affaire énorme. Une grande fête. »
Shelby croisa les bras et feignit d’être offensée. « En gros, tu es en train de dire que ton Halloween sera meilleur que le nôtre. »
« Non ! », protesta Keira en riant. « Enfin, peut-être. »
Tout le monde rit. Sauf Bryn, évidemment. Elle regardait fixement son verre de vin en boudant.
« Quoi qu’il en soit », dit Keira, « nous pourrons passer un super Thanksgiving ensemble. Je serai de retour d’ici là. »
La tête de Bryn se releva brusquement. « Nous allons passer Thanksgiving chez maman cette année, tu te souviens ? Juste nous trois. »
« C’est pour le repas », conteste Keira. Elle s’impatientait face à sa sœur difficile. « Je peux passer le reste de la journée avec mes amies, non ? »
« Bien sûr que tu peux », souffla Bryn. Elle se remit à regarder dans son verre.
Maxine haussa les sourcils. Elle et Shelby étaient habitués à l’attitude de Bryn, mais Keira ne pouvait pas comprendre pourquoi Bryn devait être si possessive à son égard. Elle pouvait avoir d’autres personnes dans sa vie ! Bryn était elle-même super-indépendante et avait toujours plein d’amis et de petits-amis, elle passait sa vie à courir pour assister à des événements. Pourtant, dès que Keira voulait passer du temps avec quelqu’un d’autre qu’elle, elle se mettait de mauvaise humeur. Honnêtement, Keira avait parfois l’impression d’être l’aînée des deux. Bryn pouvait se comporter comme une enfant gâtée parfois.
« Thanksgiving semble si loin », songea Shelby.
« Je sais », répondit Keira. « J’ai l’impression d’avoir à peine eu l’occasion d’être à New York. C’est comme si j’étais en vacances ici ! Je pensais avoir plus de temps pour vous retrouver. Je n’ai même pas trouvé un nouvel appartement. »
« En parlant de nouveaux appartements… », dit Bryn.
Elle regardait le téléphone portable de Keira sur le comptoir. L’écran s’était allumé après avoir reçu un message. Et le nom de Zach était clairement visible.
« Il vaudrait mieux que ça concerne la caution », dit Keira.
Juste à ce moment, Maxine et Shelby échangèrent un regard coupable et Keira eut la nette impression qu’elles cachaient quelque chose.
« Qu’est-ce qu’il y a ? », demanda-t-elle.
Elle en avait assez des surprises.
Ce fut Shelby qui avoua finalement. « Je pense que ça pourrait concerner Julia. Ils ont rompu. »
Keira leva un sourcil, surprise. « Ils ont fait ça ? » La liaison qui leur avait coûté leur relation n’avait duré que quelques semaines ?
Elle prit son téléphone et lut le message de Zach. Il confirmait les nouvelles de Shelby.
Salut Keira. Ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas parlés. Je voulais te faire savoir avant que tu ne l’entendes dire que j’ai rompu avec Julia. Ça ne fonctionnait pas. Je me demandais si étais dans les parages pour prendre d’un verre ? Ce soir ? Demain ? Fais le moi savoir. X
« Argh, il est tellement arrogant », marmonna Keira.
« Que dit-il ? », demanda Maxine.
« Rien sur le fait qu’il garde ma caution comme rançon », lui dit Keira d’une voix dégoûtée. « Il veut aller boire un verre. »
Bryn fut bouche-bée de surprise. « Tu ne vas pas y aller, n’est-ce pas ? », demanda-t-elle.
Keira la regarda, choquée. « Bien sûr que non », dit-elle. « À moins que ce soit la seule façon de récupérer cet argent. »
Bryn exprima bruyamment sa désapprobation. « S’il te soudoie pour sortir avec lui, je jure devant Dieu que je vais lui dire ses quatre vérités… »
Shelby fronça les sourcils. « Il ne la soudoie pas. Ne sois pas si dramatique. »
Bryn eut l’air insultée. « Pardon, tu es l’amie de qui ? De lui ou Keira ? »
« Les deux », répondit Shelby, en croisant les bras.
Bryn n’eut pas l’air impressionnée. « Même s’il l’a trompée ? »
« Les filles ! », interrompit Keira. Elle n’était pas d’humeur pour les disputes. Ses yeux étaient toujours rivés sur l’écran de son téléphone portable.
Tout à coup, Bryn lui arracha son téléphone.
« Arrête de l’envisager ! », ordonna-t-elle à Keira.
« Je ne suis pas en train de le faire ! », cria Keira, qui essayait de se défendre.
Mais Bryn avait raison, il y avait une petite partie d’elle qui y songeait. Zach, malgré tous ses défauts, s’était soucié d’elle. Ils avaient passé deux ans ensemble, avaient vécu dans un appartement. Il avait été engagé, fiable. Et il était définitivement familier. C’était juste le fait qu’elle fasse passer le travail avant lui qui avait gâché les choses entre eux, enfoncé le coin qui l’avait poussé dans les bras attirants de Julia.
L’expression de Bryn ressemblait au tonnerre. Elle pendit le téléphone de Keira au-dessus de son verre de vin.
« Ne m’oblige pas à l’y tremper », dit-elle.
Du coin de l’œil, Keira pouvait voir Maxine et Shelby secouer la tête en signe d’incrédulité face au comportement de diva de Bryn.
Elle soupira bruyamment. « OK OK. Je ne vais pas le voir. C’est ce que tu veux entendre ? »
Bryn hocha de la tête, satisfaite, et rendit son téléphone à sa sœur.
« Maintenant, supprime le message et élimine le de tes contacts. »
Keira souffla bruyamment.
« C’est ridicule », murmura Shelby entre ses dents.
Keira regarda son téléphone, les coordonnées de Zachary. Ils avaient été là depuis des années. Elle ne pouvait pas simplement le supprimer comme s’il n’avait jamais existé.
Mais elle devait accepter que Bryn avait raison, encore une fois, malgré ses tactiques brutales. Car raviver le contact avec Zach reviendrait à faire un pas en arrière. La vie de Keira avait tellement changé en si peu de temps, qu’il y revienne à n’importe quel titre serait comme une régression. Elle devait passer à autre chose, avancer. Pas seulement vis-à-vis de Zach, mais aussi de Shane. Il était à présent temps pour elle de briller, de voler de ses propres ailes et de devenir indépendante.
Résolue, elle effaça ses informations, et regarda son nom disparaître de son téléphone. Elle se sentit bien, c’était stimulant. Si seulement elle pouvait avoir le courage de supprimer Shane aussi, alors elle aurait vraiment réussi. Mais non, pas encore, la douleur de leur rupture était encore trop réelle.
Keira leva les yeux vers sa sœur.
« Contente maintenant ? »
Bryn esquissa un grand sourire. « Bien évidemment. Je suis toujours contente quand je gagne. », puis elle ajouta malicieusement, « Et je m’assure toujours de gagner. »
Shelby grogna. Maxine plongea la tête dans ses mains, et la secoua théâtralement. Keira se contenta de rire, heureuse et soulagée d’avoir franchi la première étape pour passer à autre chose dans sa vie.
CHAPITRE CINQ
Keira découvrit vite que mettre le passé derrière elle était beaucoup plus facile à dire qu’à faire, et impliquerait bien plus que de supprimer symboliquement des contacts de son téléphone. Car à l’instant où elle arriva à l’aéroport de Newark le lendemain matin, elle fut assaillie de souvenirs de Shane, de l’Irlande.