Miriam Mastrovito - Reborn стр 7.

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«Maman, tu te sens mieux maintenant?» Rea entra dans la pièce, interrompant le discours à mi-chemin. Elle tenait un flacon de désinfectant; Elisa la suivait silencieusement avec un étrange sourire sur le visage.

Le regard dElga se remplit de terreur, comme si elle avait vu un fantôme. «Tu nes pas ma fille! Ce nest pas TOI ma fille!» commença-t-elle à hurler, en proie à la panique.

La petite fondit en larmes, laissa tomber la bouteille et courut se réfugier dans les bras de sa grand-mère.

Le docteur Abruzzo bondit sur ses pieds, clairement énervé. Il ramassa le flacon dalcool sur le sol, et rejoignit la femme. « Vous êtes contente maintenant?

«Elle nest pas guérie, nest-ce pas? Tout est redevenu comme avant» commenta-t-elle dun air accablé.

«Ce nest pas le moment, vous comprenez? Occupez-vous plutôt de la petite» répliqua-t-il en lui montrant la porte.

Chapitre 5

All my senses rebel [4] under the scrutiny of their persistent gaze. It took a lifetime to get here, A journey Ill never make again.

The Trial - Dead can dance

Lorage avait cessé depuis peu. Iuri inspira à fond en sortant de la loge du gardien et se dirigea à pas lents vers la fontaine située au-delà de lentrée du cimetière monumental. Il tenait de la main droite un bouquet de chrysanthèmes et une cannette vide de lautre. Il la remplit en faisant attention à ne pas se mouiller et emprunta le petit escalier qui conduisait à la zone souterraine. Si les décès le permettaient, il aimait commencer sa journée de cette façon. Un café en compagnie du brave Filippo et une promenade entre les tombes de gens quil navait jamais connus de leur vivant mais qui, depuis quelque temps, soulageaient sa solitude. Un nom, deux dates, parfois une épitaphe et une photo étaient tout ce quil connaissait deux. Ils semblaient pourtant le scruter depuis ces images et, dans certains cas, lui sourire. Iuri aimait sarrêter sur les détails et imaginer leur existence. Les pierres tombales étaient comme des livres codés qui, si on savait les lire attentivement, révélaient bien plus quon ne pouvait le penser.

Giovanni Liuzzi, par exemple, était né en 1920 et décédé en 1943. Sur la photo en noir et blanc qui le représentait, il portait un uniforme militaire. Lire linscription tombé au champ dhonneur gravée sur la plaque de marbre était inutile pour deviner quil sagissait dune victime de la dernière guerre mondiale. À en juger par son regard triste, en opposition avec le sourire quil affichait, il navait pas dû senrôler le cœur léger. Comment len blâmer dailleurs?

Iuri posa la cannette et le bouquet de chrysanthèmes au sol, changea leau dans le vase posé sur la tombe, remplaça lunique fleur sèche par un chrysanthème frais et passa à la suivante. Il répéta lopération en lhonneur du petit Matteo, décédé en 1971 à seulement dix-huit mois. Le bas-relief dun petit ange veillait sur son portrait. Ne le réveillez pas, laissez-le dormir disait lépitaphe ternie par les ans.

Les tombes abandonnées à la négligence étaient nombreuses, surtout dans le vieux cimetière. Très souvent, les années écoulées depuis le décès se traduisaient par une distance infranchissable entre les morts et leurs parents encore en vie. Parfois, le manque dentretien nétait imputable quà un manque de temps. Dans un cas comme dans lautre, cela provoquait un sentiment de mal-être chez Iuri. Lidée quun de ces disparus puisse sêtre évanoui des souvenirs de ceux quil avait aimés pendant sa vie le rendait triste, raison pour laquelle il prenait soin deux comme il pouvait. Tour à tour, il nettoyait les tombes, les ornait dune fleur, contrôlait que les veilleuses étaient toujours allumées. Cette longue file de petits yeux rouges était presque la seule source de lumière disponible dans cette zone souterraine et, en tant que telle, devait être préservée.

Deux ans à peine sétaient écoulés depuis que Iuri avait emménagé à Gioia et, durant cette période, il avait passé plus de temps au cimetière quen-dehors mais, paradoxalement, cétait là quil avait retrouvé lenvie de vivre. Sétant enfui de chez lui à quinze ans pour des raisons que personne naurait pu comprendre, il avait coupé tout lien avec sa famille. Il avait longuement voyagé, se laissant guider par ses rêves et son instinct, sarrêtant dans des lieux différents juste assez longtemps pour comprendre quil devait encore chercher. Où quil soit, il avait toujours gagné de quoi vivre en faisant le même métier, celui quil navait appris de personne et qui était pour lui une vocation. Préparer les défunts pour leur ultime voyage : cétait sa spécialité et, sagissant dune occupation peu convoitée, il navait jamais eu de mal à trouver du travail. À trente ans passés, il pouvait désormais se targuer dune vaste expérience dans ce domaine. Monsieur Di Spirito avait immédiatement reconnu son talent le jour où il avait frappé à sa porte dans lespoir dêtre embauché. En bon chef dentreprise, il ne lavait pas laissé séchapper et la satisfaction des clients avait été sa meilleure récompense. Il navait pas fallu longtemps pour que la nouvelle quétait arrivé en ville un croque-mort jeune et beau, capable de préparer les morts si bien quils semblaient encore vivants soit connue de tous. Bien entendu, depuis quil était là, les Pompes Funèbres Di Spirito avaient battu la concurrence. Les autres pouvaient proposer de meilleurs cercueils ou voitures, mais lamour et le professionnalisme de Iuri pour lhabillage des corps étaient incomparables.

En dépit de lestime dont il jouissait dans le cadre professionnel, il était toujours resté en marge de la société. Par-dessus tout, son contact permanent avec les défunts poussait la plupart des gens à garder leurs distances, à le regarder de façon soupçonneuse, jusquà faire des gestes de conjuration sur son passage, comme sil portait malheur. Non que cela le dérange. Au fond, Iuri était un misanthrope et il ne voyait aucun intérêt à socialiser. En fréquentant le cimetière, il sétait lié avec Filippo, le gardien, et le vieux Santino qui était presque chez lui dans ce lieu; deux amis étaient déjà plus quil ne pouvait en désirer. Mais ce qui lavait convaincu de rester était de lavoir trouvée elle, justement là, dans le cimetière de cette petite ville dont il ignorait lexistence il y a peu encore. Cétait pour elle quil avait voyagé si longtemps, lavait cherchée pendant une éternité et quand il lavait enfin eue face à lui, il avait compris avoir retrouvé sa place dans le monde.

Son téléphone vibra dans sa poche. Aucun appel, il sagissait uniquement de lalarme programmée pour lui rappeler que lheure douverture au public était proche et que lenterrement de madame Rosetta aurait lieu dans une heure.

Il déposa le dernier chrysanthème sur la tombe de Felice Natale, mort à lâge vénérable de quatre-vingts ans un 15 août, puis tapa du poing sur le caveau situé à côté, le seul fermé par un panneau provisoire en carton sur lequel était écrit : Nallumez pas de veilleuse, je ne dois pas lire! Une main desséchée jaillit dun coin et détacha laffiche de fortune avec délicatesse, la déposa soigneusement à lintérieur du compartiment, puis se tendit de nouveau vers lextérieur.

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