Miriam Mastrovito - Reborn стр 10.

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«Maman, je ne sais pas de quoi tu parles» linterrompit Elga, qui ne comprenait pas du tout son discours. Martina était ma fille, elle est morte avec son père et cest une calèche qui a provoqué laccident en nous coupant la route. Malheureusement, elle ne sest pas arrêtée et na jamais été retrouvée, et le salopard qui la conduisait est resté impuni.

«Martina? Martina? Tu persistes à sortir ce prénom imaginaire?» La voix dElisa se fit perçante. Tu confonds réalité et imagination, ma chère, tu perds la boule et tu sais pourquoi? Parce que tu as quitté la voie du Seigneur. Si tu avais la foi, Jésus taiderait à surmonter ton deuil et te donnerait la force daimer ta fille, ta vraie fille, comme il convient. Le douleur vient du ciel, cest le moyen dont se sert Dieu pour te mettre à lépreuve et tu Tu tes laissée prendre au dépourvu!

«Je nai pas demandé à être mise à lépreuve.»

«Chuuuut! Ne blasphème pas Faisons ceci, on se prépare une bonne camomille, on se calme, puis tu prends un bain et tu commences à te préparer pour accueillir dignement la petite quand elle sortira de lécole. Je sais que tu le veux aussi. Même si tu nas pas les idées claires, essaie de ne pas y penser, comporte-toi en bonne maman et prends les médicaments que le docteur ta prescrits. Tu verras que ta mémoire te reviendra petit à petit et alors, tu auras honte des méchancetés que tu dis Si Dieu le veut, on en rira même.»

«Non.» Elga secoua violemment la tête. Je ne peux pas.

«Pardon?»

«Ce nest pas ma fille. Je ne veux pas delle ici.»

«Et que voudrais-tu faire?»

«Je ne sais pas. Je te dis quelle nest pas ma fille, ses vrais parents sont sûrement quelque part Peut-être que quelquun la cherche. Je pourrais la signaler à la police ou me tourner vers les services sociaux»

«Tu es folle. Tu es complètement folle! Rea est ta fille, que ça te plaise ou non, et tu ne te tourneras vers personne. Les services sociaux, la police? Mais tu te rends compte? Tu veux provoquer un scandale? Tu veux quon finisse tous dans les journaux et salir définitivement le nom de la famille?»

Elga sentit un profond sentiment de panique gonfler sa poitrine. Ce ne pouvait être réel. Cétait un cauchemar, un horrible cauchemar dont elle devait absolument se réveiller. «Ce nest pas ma fille! Ce nest pas ma fille!» hurla-t-elle.

Elisa lissa méticuleusement des plis imaginaires sur sa jupe. Elle fit encore quelques fois le tour de la pièce, reprenant sa litanie silencieuse, sarrêta et défia Elga dun froncement de sourcils combattif. «Jai compris que tu ne veux pas collaborer, admit-elle. Dans ce cas, faisons ainsi : je prends la petite chez moi quelques jours, pour que tu puisses te soigner, te reposer et téclaircir les idées. Jattendrai patiemment que tu reprennes tes esprits avant de te la rendre, mais essaie de ne pas trop te la couler douce. Tu sais que je suis très occupée et que la paroisse a besoin de moi. Il y a une vente de charité à organiser, jai les tours pour la récitation du rosaire et les cours de formation continue pour les catéchistes. Je nai pas beaucoup de temps à consacrer à Rea, donc agis en conséquence.»

La femme ny réfléchit quun instant. Un peu de temps pour rassembler ses idées et découvrir ce quil se passait réellement était exactement ce dont elle avait besoin. Dautre part, elle ne pourrait tolérer la présence de cette étrangère qui se faisait passer pour sa fille et cétait bien que sa mère lemmène, même provisoirement.

«Jaccepte, répondit-elle simplement. On fera comme tu dis.»

Dun coup, les traits crispés dElisa se détendirent en un sourire radieux.

«Viens ici, dit-elle joyeusement, embrasse-moi, ma petite. Tu verras quavec laide du Seigneur, on résoudra tout.»

Elle serra Elga dans ses bras. «Sur la table, il y a les médicaments que ta prescrits le docteur Abruzzo. Je te les ai achetés après avoir accompagné Rea à lécole. Promets-moi de les prendre et daller le voir pour la visite de contrôle dans deux jours. Je tai noté la date et lheure du rendez-vous, jai collé un post-it sur le frigo.»

«Je te le promets» affirma sa fille dune voix atone. Le fait que sa mère ait utilisé un post-it signifiait quelle avait fouillé dans ses tiroirs pour trouver le bloc, ce qui lennuyait beaucoup. Elle ne commenta pas toutefois, ayant des questions plus importantes dont se préoccuper.

«Si nous sommes daccord, je men vais dans ce cas. Je suis très inquiète pour Fernando, tu sais quil nest pas habitué à rester avec des étrangers.»

«Bien sûr, pas de problème.» Vu les circonstances, linquiétude de sa mère pour son perroquet lui sembla presque grotesque, mais elle lenvia un instant. Bien quun temps elle aurait vendu son âme pour bénéficier des mêmes attentions, elle devait reconnaître quelle ne pouvait pas rivaliser avec sa diligence. Quoi quil en soit, Fernando connaissait par cœur plus de prières quelle.

«Je vais dans la chambre de Rea prendre quelques vêtements, ils lui seront utiles dans les prochains jours» reprit Elisa en changeant de sujet.

«Non!» explosa Elga en se raidissant. La chambre de Martina était un lieu sacré, inviolable. Je ne veux pas que cette enfant porte les vêtements de ma fille.

Lautre haussa les épaules, consternée.

«En effet, joubliais que tu es encore en proie aux hallucinations. Ça ne fait rien, laisse tomber, conclut-elle. Je lui achèterai de nouveaux vêtements, elle aura ainsi loccasion de se changer les idées avec la douleur que tu lui causes mais, le moment venu, je te présenterai la facture.»

Bien sûr, maman, avec largent on résout toujours tout, cest toi qui me las appris.

***

Restée seule, Elga éteignit la télévision. Elle se prépara un café pour chasser sa torpeur, jeta les boîtes de médicaments laissées bien en vue sur la table, choisit un CD dans sa collection et alluma la chaîne-hifi; très soigneusement, elle remit en place les poupées malmenées par sa mère, ne laissant quun petit espace pour elle au milieu.

Elle attendit que la voix de Valor Kand ait empli chaque coin de la pièce et libéra enfin ses pensées pour les réordonner.

Dès que tu peux, va voir Costanza, dis-lui que tu as un fait un malaise mais que tout va bien, même si ce nest pas vrai. Tu sais combien cette femme est bavarde, je ne voudrais pas quelle aille raconter partout que tu ne reconnais plus ta fille. Ce fut la dernière recommandation dElisa avant de la laisser et cest à partir de là quElga voulut recommencer à reconstituer les évènements.

La voisine navait pas hésité à reconnaître Rea comme sa fille. Si elle était victime dun complot ourdi par sa mère et le médecin, pour des raisons quelle narrivait pas à deviner, Costanza en aurait été exclue. En outre, Elisa lui avait dit avoir accompagné la petite à lécole ce matin-là et ceci signifierait limplication dautres personnes dans la mise en scène, sil sagissait de cela. Était-il possible quautant de personnes se soient accordées pour se moquer delle? Et dans quel but?

Elle nen avait aucune idée, et pourtant La seule alternative plausible lui semblait encore plus insensée. Elga ne nourrissait aucun doute quant à lauthenticité de ses souvenirs, elle était certaine de ne pas avoir perdu la tête et, en se le répétant, comprit la nécessité de le prouver au monde, parce que dans le cas contraire Et bien, dans ce cas, elle deviendrait vraiment folle.

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