Miriam Mastrovito - Reborn стр 11.

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La voisine navait pas hésité à reconnaître Rea comme sa fille. Si elle était victime dun complot ourdi par sa mère et le médecin, pour des raisons quelle narrivait pas à deviner, Costanza en aurait été exclue. En outre, Elisa lui avait dit avoir accompagné la petite à lécole ce matin-là et ceci signifierait limplication dautres personnes dans la mise en scène, sil sagissait de cela. Était-il possible quautant de personnes se soient accordées pour se moquer delle? Et dans quel but?

Elle nen avait aucune idée, et pourtant La seule alternative plausible lui semblait encore plus insensée. Elga ne nourrissait aucun doute quant à lauthenticité de ses souvenirs, elle était certaine de ne pas avoir perdu la tête et, en se le répétant, comprit la nécessité de le prouver au monde, parce que dans le cas contraire Et bien, dans ce cas, elle deviendrait vraiment folle.

Réfléchis, se dit-elle en cherchant une solution. Pour commencer, il lui fallait des preuves de lexistence de Martina, sa seule vraie fille, que tous semblaient avoir écartée. Instinctivement, elle courut recontrôler les photos alignées sur le manteau de la cheminée. Elle espéra un instant quelles seraient redevenues normales, mais limage de la fillette brune revint blesser son regard. Cétait toujours elle qui occupait indignement la place de sa fille sur les clichés et elle paraissait même la défier de ses grands yeux bleus. Elle prit acte du fait que cétait une voie sans issue et dirigea son attention ailleurs.

Elle commença à fouiller partout, cherchant désespérément quelque chose qui ait conservé une trace de son existence. Elle courut vers le buffet et chercha la tasse de Blanche-Neige, celle quelle avait fait personnaliser avec son prénom et remplie de bonbons pour fêter la réussite de son année.

Rea, lut-elle avec horreur. Elle la jeta au sol et se précipita vers la salle de bain. Elle inspecta larmoire pour y récupérer deux serviettes sur lesquelles elle avait fait broder les initiales de la fillette.

R. L. Elle les jeta en lair et poursuivit.

Fébrile, elle sortit de vieux albums photos, des cartes de vœux reçues de Martina, des dessins, des travaux scolaires Rien! Le prénom et limage de Rea saffichaient partout.

Après avoir retourné une bonne partie de la maison de long en large, la femme sobligea à affronter la dernière pièce, celle qui avait exercé sur elle un appel irrésistible dès son réveil, mais qui la terrorisait tout autant.

Elle ouvrit prudemment la porte et entra à petits pas. Son regard tomba immédiatement sur le lit. La poupée manquait, exactement comme le matin précédent. Elga tenta de ne pas y penser et poursuivit sa recherche, attentive à ne rien casser cette fois et à remettre à sa place chaque objet examiné. La petite chambre semblait parfaitement en ordre, mais le fait que le sac à dos de Martina nétait plus à sa place ne lui échappa pas, signe évident que sa mère était visiblement passée par là. En vain, elle examina les initiales imprimées sur le sac que la petite emmenait à lécole de danse, la signature sur quelques vieux cahiers, les petites lettres en bois pendues à un mur et qui composaient son prénom.

Ce fut lorsquelle examina le contenu des tiroirs quelle le remarqua. Au début, elle entendit une sorte de bourdonnement ténu provenant du sol. Elle se pencha pour regarder sous la chaise et la vit. La poupée était là, sur le dos, étendue sur le carrelage. Le bruit étrange semblait provenir de son buste. Lesprit dElga pensa instinctivement à certaines poupées très en vogue dans son enfance, capables de parler ou de chanter grâce à des disques qui sinséraient dans leur dos. Lorsque la voix se taisait et quon ne les arrêtait pas, elles continuaient à tourner à vide en émettant un craquement agaçant. Elle frissonna. Sa poupée nétait pas dotée dun tel mécanisme et ne pouvait émettre aucun son.

Avec beaucoup de précaution, elle leffleura puis la tira délicatement à elle. Lincroyable ressemblance avec Rea latteignit à nouveau comme un coup à lestomac. Elle éprouva de la nausée à la seule idée de la toucher encore; elle prit deux profondes respirations et rassembla son courage. Elle lattrapa et, après lavoir retournée, souleva sa robe. Elle examina le dos à la recherche dune improbable tirette ou autre ouverture.

Crétine! se dit-elle. Il était clair quil ny avait rien et pourtant, il lui sembla encore entendre le bourdonnement en la manipulant. Elle fut prise dun sentiment dhorreur qui lui tordit les intestins. Sans réfléchir, elle se leva dun bond, enferma la poupée dans larmoire et retourna se réfugier dans la cuisine.

Chapitre 7

And when that star goes by [6]

Ill hold it in my hands and cry. Her love was mine. You know my sun will shine.

Eloise - The Damned

Les doigts de Iuri couraient sur les touches du piano. Les notes dune Nocturne de Chopin voltigeaient entre les murs tandis que ses yeux fermés suivaient des images lointaines.

Elle était assise sur le tabouret, à ses côtés, les mains posées sur les genoux, le regard fixé sur les siennes. Elle ne portait quune chemise de coton blanc, ses cheveux, dénoués dans lintimité, tombaient en douces ondulations auburn le long de son dos. Iuri pouvait sentir son souffle chaud lui effleurer le cou et un léger parfum épicé sinsinuer dans ses narines. Le feu allumé dans la cheminée répandait une agréable tiédeur dans la pièce et la réverbération des flammes marbrait les ombres dorange.

Joue encore. Joue encore pour moi semblait demander chaque fibre de son corps, et lui continuait à jouer comme sil ne devait jamais sarrêter, comme si ne pas cesser pouvait suffire à la garder là pour toujours

***

Pour toujours Larrière-goût amer de cette promesse non tenue arrêta ses doigts malgré tout.

Subitement, il se figea, frappa le clavier de la paume des mains, se prit la tête et commença à la secouer lentement.

Il ne lavait plus vue le jour précédent. Il sétait rendu à la boutique mais avait trouvé le rideau baissé et aucun panneau ne justifiait cette fermeture imprévue.

Était-elle malade?

Cela lui semblait improbable car elle lui avait semblé en très bonne forme la veille au soir et cela ne lui ressemblait pas de rester loin de son atelier. Il lavait vue plus dune fois aller travailler le regard fiévreux et le nez qui coulait.

Il devait sêtre passé quelque chose de grave, quelque chose qui lavait empêchée de sortir Oui, car il était passé plusieurs fois devant sa maison, au moment du repas, laprès-midi et à lheure à laquelle elle rentrait habituellement le soir. Il ne lavait croisée en aucune occasion et, encore plus étrange, il avait toujours trouvé lhabitation plongée dans le silence. Normalement, il entendait de la musique sortir par ses fenêtres.

La situation le préoccupait. Surtout, ne pas la voir pendant une si longue période lui procurait un désagréable sentiment de vide au creux de lestomac.

Il se leva, se dirigea vers sa chambre à coucher, fouilla dans le tiroir de la table de nuit et en sortit une boîte. Il louvrit avec délicatesse et y prit un mouchoir en papier froissé. Le porta à son nez et inspira une bonne fois, comme pour remplir ses poumons de son odeur Lodeur dElga, de son gel douche à la noix de coco, de son brillant à lèvres au miel, de ses larmes. Iuri lavait ramassé quelques jours plus tôt au cimetière. Il lui avait échappé après quelle ait pleuré devant la tombe de son mari et il sen était emparé sans se faire voir.

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