Il y a encore aujourd'hui des hommes et des femmes dont les parents ont été fusillés pendant la guerre parce qu'ils souffraient de troubles mentaux dus à la tension des combats dans les tranchées. Même ceux qui ont survécu sans lésions physiques ou psychologiques apparentes ont été tourmentés par ce qu'ils ont vu et fait. Un homme sur huit ayant participé à la guerre a été tué. La plupart avaient moins de 30 ans, et beaucoup étaient encore adolescents.
Des centaines de milliers de femmes du même âge n'ont pas pu se marier parce qu'il n'y avait tout simplement pas assez d'hommes. La guerre fait désormais partie de notre histoire et fait encore partie d'une mémoire vivante. En 1998, lors du 18ème anniversaire de l'armistice, la Grande-Bretagne comptait 160 hommes encore en vie qui avaient combattu pendant la Grande Guerre. Des chiffres similaires existent peut-être en Allemagne, en France, en Amérique et en Russie.
À l'heure actuelle, en 2021, je suis sûr qu'ils sont tous morts. La Première Guerre mondiale est toujours un sujet fréquent de romans, de films et de documentaires télévisés. Il est difficile de trouver quelque chose de positif à raconter à son sujet. Mais peut-être que cette génération malchanceuse née à la fin du XIXème siècle pourra se consoler en se disant que le massacre qu'elle a subi nous hante encore aujourd'hui,
comme un rappel brutal de l'horreur de la guerre.
Deuxième partie
Ailes brisées
L'histoire de l'évasion et de la survie d'un as de la chasse de la Première Guerre mondiale
Gagner mes ailes
J'ai commencé à voler à Chicago en 1912. J'avais 18 ans et j'avais toujours voulu être pilote. Quand j'étais plus jeune, j'avais suivi les exploits des frères Wright avec beaucoup d'intérêt. Je dois admettre que j'avais parfois espéré qu'ils n'auraient pas conquis les airs jusqu'à ce que j'aie moi-même une chance de le faire.
J'ai eu ma chance plus tard dans la vie. Mes parents étaient opposés à ce que je risque ma vie dans ce qu'ils considéraient comme le passe-temps le plus dangereux qu'un jeune homme puisse choisir. Chaque fois que j'avais un accident ou une collision, on m'ordonnait de ne plus jamais m'approcher du terrain d'aviation. Alors je suis allé en Californie.
Jai fait équipe avec un ami, et nous avons construit notre propre avion. Nous avons volé dans tout l'état. Au début de l'année 1916, des troubles se préparaient au Mexique. J'ai rejoint l'American Flying Corps et j'ai été envoyé à San Diego, où se trouvait à l'époque l'école de pilotage de l'armée. J'y ai passé huit mois, mais j'étais impatient d'entrer en service actif. Il ne semblait pas que l'Amérique ait beaucoup de chances de s'impliquer dans la guerre. J'ai décidé de démissionner et de passer au Canada. J'ai rejoint le RFC (Royal Flying Corps) à Victoria, en Colombie-Britannique. J'ai été envoyé à Toronto pour recevoir des instructions.
Quand j'étais cadet, j'ai fait la première boucle jamais faite par un cadet au Canada. Après avoir fait cette cascade, j'ai pensé que j'allais sûrement être viré du service pour ça. À ma grande surprise, ils m'ont permis d'enseigner la boucle dans le cadre d'un cours régulier d'instructions pour les cadets du Royal Flying Corps.
En moins de neuf mois, dix-huit de nos officiers sont partis en Angleterre. Si l'un d'entre nous avait plus de vingt-cinq ans, il s'était bien caché. Le RFC n'acceptait pas les hommes plus âgés comme pilotes. Nous étions composés de neuf Anglais et de neuf Américains. La plupart de mes compatriotes américains étaient fatigués d'attendre que notre pays se joigne à la guerre, et nous avons pu rejoindre les couleurs britanniques depuis le Canada.
En mai 1917, nous sommes partis pour gagner nos ailes. C'était une qualification que nous devions obtenir avant d'être autorisés à chasser les Allemands sur le front occidental. Quelques semaines après notre arrivée en France, nous avions gagné nos ailes. Nous portions notre insigne avec fierté sur notre poitrine gauche. En août, la majorité d'entre nous étaient des pilotes à part entière et engageaient activement l'ennemi dans des conflits quotidiens.
En France, on nous a envoyés dans un endroit appelé le Mess des pilotes. C'est là que nous nous réunissions avec les escadrons d'entraînement du Canada et de l'Angleterre pour attendre les affectations aux escadrons particuliers que nous devions rejoindre. Le Mess des pilotes était situé à quelques kilomètres à l'arrière des lignes. Chaque fois qu'un pilote était abattu ou tué, le Mess des pilotes était informé pour envoyer un autre pilote à sa place.
Le taux de pertes dans le RFC était atroce. La demande de nouveaux pilotes était exigeante. Tous les nouveaux pilotes avaient envie de se battre autant que moi. Nous devenions impatients. Nous avons réalisé que chaque fois qu'ils appelaient un nouvel homme, cela signifiait que quelqu'un d'autre avait probablement été tué, capturé ou blessé. Tôt un matin, un ordre est arrivé pour un pilote éclaireur, et un de mes amis a été affecté. Je me souviens à quel point je l'enviais. À l'époque, j'avais l'impression que c'était la dernière chance pour chacun d'entre nous d'aller au front.
Trois heures seulement sétaient écoulées lorsquun télégramme arriva au Mess. On mordonnait de suivre mon ami. J'ai appris par la suite que dès son arrivée à l'escadron, il avait demandé au commandant de me télégraphier pour que je le rejoigne. Au Mess des pilotes, les officiers avaient l'habitude de porter des shorts. Ils étaient très court, comme ceux que portaient les scouts. Cela laissait une vingtaine de centimètres de peau entre le haut des chaussettes et le bas du short.
Les Australiens en portaient aux Dardanelles. Je portais ce short lorsque lordre est arrivé, et je n'ai pas eu le temps de me changer. J'avais hâte d'être sur le front. Si j'avais été en pyjama, jy serai allée de la même façon. Il pleuvait, et jai enfilé un long pardessus. Je suis arrivé en un temps record à l'aérodrome où lon m'avait ordonné de me présenter. J'ai sauté de ma voiture, et mon pardessus s'est ouvert, montrant mon short, au lieu des pantalons de vol réglementaires que j'étais censé porter. Cela a fait un peu de bruit dans le camp.