Il y a eu malgré tout quelques réussites en dépit du carnage. Lattaque de nuit du 4 juillet prend les Allemands par surprise et les tranchées allemandes de la ligne de front sont envahies sur 8 kilomètres. Le lendemain matin, cette percée est suivie d'une charge de cavalerie - la tactique standard utilisée dans les guerres du XIXème siècle - lorsque la ligne de front de l'ennemi est percée. Les cavaliers n'avaient pas l'air aussi fringants qu'auparavant. Les vestes rouges avaient été remplacées par du kaki fadasse. Le clairon sonnait pourtant toujours et les lances scintillaient sous le chaud soleil d'été. Comme toutes les charges de cavalerie, c'était un spectacle magnifique, jusqu'à ce qu'il se termine dans une grêle de balles de mitrailleuses, de chevaux qui se débattent et de corps qui tremblent.
Même les troupes australiennes étaient arrivées le front occidental et combattaient avec un grand courage. Trois semaines après le début de la bataille, un village local fut repris, mais à un prix terrible pour cette maigre victoire. Tant d'hommes avaient été tués qu'un soldat australien m'a décrit l'opération comme :
La plus sanglante, la plus lourde et la plus pourrie des histoires dans lesquelles les Australiens avaient jamais été impliqués.
Le 15 septembre 1916, les chars d'assaut sont utilisés pour la première fois dans l'histoire. Nous avions fondé de grands espoirs sur ces nouvelles armes, des « mitrailleuses destructrices » comme on les appelait à l'époque. En effet, le plus terrifiant pour un mitrailleur allemand dans sa tranchée, était de se trouver nez à nez à un énorme char, ses chenilles métalliques cliquetant et grinçant avançant lentement pour écraser la défense de barbelés, et les balles rebondissant sur son lourd flanc d'acier. Le char d'assaut s'est finalement révélé être l'une des armes les plus efficaces du siècle, malheureusement pas lors de la bataille de la Somme. La plupart tombaient en panne avant même d'avoir pu atteindre la ligne de front.
Après cent quarante jours, lorsque la bataille s'arrête finalement en novembre 1916, plus d'un million d'hommes ont été tués ou blessés. Au total, il y eu plus de 400 000 pertes britanniques, 200 000 pertes françaises et un demi-million de pertes allemandes. Les adversaires, pour la plupart des soldats de la deuxième armée allemande, avaient subi dénormes pertes à cause de leurs propres généraux, qui avaient donné lordre que tout terrain gagné par les Britanniques ou les Français devait être repris à tout prix. Le haut commandement allemand avait également interdit l'évacuation volontaire des tranchées. Les soldats avaient lordre de maintenir fermement leurs positions dans les tranchées, et lorsquils pouvaient en sortir, ils devaient se frayer un chemin en piétinant les cadavres qui les jonchaient.
Après que nos troupes avaient été fauchées par milliers lors de l'attaque des tranchées allemandes de première ligne, les soldats britanniques prenaient finalement une sinistre revanche alors que nos ennemis s'exposaient à un carnage similaire pour regagner le terrain perdu. Je me souviens avoir pensé : « Vous nous en avez fait voir, maintenant cest vous qui allez prendre ». Les mitrailleurs fauchaient impitoyablement et sans relâche les soldats allemands qui se précipitaient aveuglément vers nos balles. Tout avantage militaire positif de cette destruction était imperceptible.
Dans certaines zones le long de la ligne de front de 30 kilomètres avait été redessinée de quelques kilomètres ici et là mais, comme tant d'autres batailles de la première guerre mondiale, la mort à une telle échelle industrielle navait servi à rien. Les soldats de l'armée britannique ne montreront plus jamais un tel enthousiasme pour la bataille. À partir de ce moment-là, les simples soldats évoqueront la campagne sur la Somme avec un dégoût sincère et amer. Aujourd'hui encore, l'horreur et le carnage des premières heures de ce samedi matin me choquent lorsque je pense à la guerre.
Pour ceux qui ont participé et ont survécu, il s'agissait du moment déterminant de leur vie. Je me souviens de la façon dont le premier jour a fusionné avec le second, jétais sinistrement planté dans une tranchée endommagée et je voyais jour après jour mes camarades soldats vieillir et subissait des grêles de bombardements qui duraient des jours entiers. Pendant des heures, nous avons prié, transpiré et juré en travaillant sur les tas de craie boueuse et les corps mutilés.
À l'aube du lendemain matin, nous étions de retour dans la verdure. Je mappuie pensivement sur mon fusil et je regarde bêtement les hommes épuisés et sales qui dorment autour de moi.
Il ne me vient pas à l'esprit de m'allonger jusqu'à ce que quelqu'un me pousse dans les fougères. Il y avait des fleurs parmi les fougères, et l'une de mes dernières pensées fut de me demander si les fleurs allaient un jour repousser dans les champs du carnage.
Mutinerie sur le front occidental
Le mot « mutinerie » évoque des images de violence alcoolique et de descente dans l'anarchie. C'est un mot qui ferait tourner le sang des officiers en bloc de glace. Sans ordre et sans obéissance, un homme ne peut pas donner dordres à un autre homme pour effectuer des actions qui entraîneront la mort et des blessures dautres êtres humains. La mutinerie rend une armée inefficace plus rapidement qu'un barrage de mitrailleuses ou même d'artillerie. Elle peut conduire à une défaite totale en quelques jours, c'est pourquoi ils elle est généralement punie avec une grande sévérité.
Dans la Rome antique, les mutins de l'armée qui revenaient au régime militaire étaient soumis à la décimation : un homme sur dix était arraché des rangs et exécuté publiquement. Qui aurait pu deviner que cette réaction antique et barbare serait à nouveau employée au XXème siècle pour rétablir l'ordre dans l'armée française.
Les mutineries françaises de 1917 trouvent leur origine dans la décision de l'armée allemande de mener la guerre en prenant des vies françaises plutôt que des territoires français. En février 1916, les Allemands avaient choisi la forteresse française de Verdun pour mettre leurs plans en action. Pendant 10 mois dhorreur, les Français et les Allemands saffrontèrent pour le contrôle de la forteresse. La plupart des combats sétaient déroulés dans des forts de béton humides, éclaboussés de sang, et respirant la terreur des hommes devant affronter le combat au corps à corps.
Lorsque la bataille se termine en décembre de la même année, plus de 350 000 soldats français et 330 000 soldats allemands auront été tués ou blessés.
Il n'y avait rien de satisfaisant dans ce massacre.
Aucun territoire n'avait été gagné ni perdu. Chaque camp avait perdu un nombre presque égal de troupes. Le commandement et les tactiques des Allemands avaient été quelque peu modifiés, mais leur stratégie qui consistait à saigner à blanc l'armée française avait eu plus d'effet qu'ils ne l'avaient réalisé.