Comme déjà dit, il était à peine la cinquième heure et le soleil encore une fois frappait fort sur la tête de Conrad. Il passait parmi les tentes bon-dées de soldats de toute sorte, avec partout des groupes en conversation dans leur propre idiome et parmi les prêtres qui prêchaient, debout et en position élevée, qui faisaient une grosse voix, après des décennies de prières dites à voix basse. En bénissant chaque soldat qui passait sous leurs tabourets, ils sanctifièrent également un jeune garçon quand il fut proche deux.
Conrad entra donc dans la taverne et ce fut alors quil se trouva devant le sinistre vice qui domine les adultes, calices pleins de vin, joueurs de dés à chaque table et plein de prostituées, celles qui simprovisent pour de largent et celles obligées, car maintenant les jeunes filles du peuple devaient se donner aux conquérants. Conrad senfuit craignant de trouver son père parmi ces hommes.
Chapitre 6
Hiver 1060 ( 452 de lhégire ), Raba de Qasr Yanna
Umar ferma la porte avec impatience. Les requêtes de la pauvre fille chrétienne, qui sétait même humiliée au point de lui embrasser les pieds, furent définitivement interrompues.
Je nai pas le temps pour les parasites. Si elle se représente chassez-la ! Ordonna til à la dame de la servitude qui dans un premier temps lui avait ouvert.
Les sanglots désespérés des pleurs dApollonia de lautre côté de la porte furent ignorés encore plus facilement que les requêtes verbales faites juste avant.
Nadira était restée dans un angle obscur de la pièce dentrée avec lintention dobserver la scène, qui se consommait sur la porte de la maison, mais maintenant que la porte avait été fermée, laissant la voix et les espoirs de la pauvre fille à lextérieur, elle sapprocha de son frère et fâchée, elle lui dit :
La honte de laquelle tu tes déjà couvert ne suffit pas ?
Et lui, extrêmement ennuyé par le jugement de sa sœur, déjà en colère pour la discussion de laprès-midi, et pour le fait que sa mère était intervenue pour défendre sa fille, il menaça :
Attention, Nadira attention attention car je pourrais tenvoyer chez ton Qāid sur une civière !
Je serai heureuse daller chez mon Qāid , juste pour ne plus te voir !
Pourquoi nes-tu donc pas partie quand il est venu demander ta main ? Il me semble quil voulait tamener dans son palais déjà le jour suivant. répondit Umar, en indiquant du doigt vers le haut la direction de Qasr Yanna, siège du palais de ibn al-awwās.
Parce que jai demandé dattendre que ta femme accouche, pour voir ton troisième fils.
Comme si Ghadda avait besoin dune fillette qui se monte la tête pour être aidée durant sa grossesse
Tu nas même pas hérité dun seul cheveux de notre père répondit Nadira, qui en sapprochant encore un peu, lui pointa le doigt sur le visage et poursuivit :
Tu es un ingrat avec moi comme avec ces pauvres citoyens qui servent cette maison depuis quils sont nés. Si tu ne létais pas tu naurais pas ignoré cette malheureuse qui pleure encore derrière notre porte.
Lappel du muezzin se leva alors sur tout le Raba ; le dernier rayon de soleil avait disparu derrière le mont de Qasr Yanna.
Cest une malheureuse, tu as bien dit, et elle le sera toujours. Explique moi pourquoi tu prends cette histoire tant à cœur.
Car si tu avais été lié à ce poteau, moi je me serais jetée aux pieds de ton bourreau avec encore moins de dignité que cette fille chrétienne.
Après ces mots Nadira seffondra en larmes, tout en continuant, tandis que Umar était bouleversé par cette inattendue déclaration de dévotion en-vers lui.
Et tu me demandes pourquoi jai demandé au Qāid de mattendre pendant trois mois
Toutefois Umar devint sérieux, et recueilli en lui toute la force quil avait pour se montrer dur.
Toi et tes pleurs, Nadira. Tu ne parviendras pas à me faire regretter ! Je me demande combien tu te désoleras puisque nous nous verrons dorénavant uniquement si Allah le voudra .
Alors, jespère alors qu Allah accueillera ma requête de téloigner de moi.
Nadira se mit à pleurer plus fort et, en lui frappant la poitrine, elle hurla : Tu nes rien Umar rien. et si tu deviendras finalement quelquun ça sera uniquement grâce à moi !
Umar, qui ne pouvait supporter ces paroles qui blessaient son orgueil comme une lame, lui flanqua une gifle et lui dit :
Nentends-tu pas quil est lheure de la alāt du coucher du soleil ? Va te purifier avant que la nuit ne tombe complètement.
Et toi vas laver même ton âme !
Ils se quittèrent en vitesse, chacun dans sa chambre, fâchés et en colère lun envers lautre.
Quand Umar termina sa prière il resta pensif, assit sur son lit, il repensait à cette gifle donnée dans un moment de colère.
Que sest-il passé il y a peu sur la porte ? Je tai entendu discuter durant ladhān30 demanda Ghadda, en venant sasseoir à ses côtés tandis quelle tenait son ventre.
Ma sœur me met en colère ! Depuis que le Qāid lui a demandé sa main elle ne cesse de critiquer mes actions.
Et toi, Umar, tu ne cesses de la provoquer Depuis que je vis sous ce toit je navais jamais vu personne lié au poteau de la cour. Nest-ce pas par hasard que depuis que le Qāid a demandé la main de Nadira, tu tiens à bien faire comprendre qui commande dans cette maison et sur le village entier ? Tout le monde parle de ta sœur, beaucoup plus quils ne laient fait de toi. Mais au fond, mon bien aimé, vous êtes semblables têtus et toujours prêts à imposer votre propre parole lun sur lautre. En plus, de-puis ce jour là vous avez changé tous les deux . elle sest montée la tête, et toi tu as oublié la route de ton père. LUmar que je connaissais me manque aussi.
Tu voudrais insinuer que je suis jaloux de Nadira ? Que je crains de perdre le rôle de personne la plus importante de cette maison ? Non seulement de la maison, mais de lentier Raba.
Moi jaloux de Nadira ; quelle bêtise ! conclut Umar, en riant ner-veusement dans la tentative de cacher son malaise face à cette vérité quil savait être exacte.
Maîtresse, la sentinelle sur la terrasse demande à vous parler. inter-rompit une domestique derrière la porte de la pièce.
Umar se leva donc et remercia la chance, du moment quelle le libérait de ce discours embarrassant.
Ghadda le retint alors par le bras et lui dit : Je tai manqué de respect ?
Mais lui sapprocha delle et, dune douce expression, lembrassa sur le front.
Après sêtre couvert la tête et les épaules dune large écharpe en poil de chameau, Umar sorti de chez lui. Il allait se rendre là doù commençait les marches qui portaient à la terrasse, quand il vit que le garde préposé au contrôle du condamné battait violemment la jeune fille chrétienne. Celle-ci était au sol, et maintenant, la tête découverte, elle se cachait la face et criait, tandis que lautre la frappait avec la même corde avec laquelle le jour avant il avait frappé Corrado. Et Corrado, au contraire, restait dans son état d inconscience.
Umar sarrêta et, ayant en tête les paroles fraîches de sa femme, comme sil voulait démontrer à lui même quil nétait jaloux de personne, ordonna au garde :