Federico Montuschi - Deux. Impair стр 7.

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Et quel âge il a maintenant ?

Maintenant ? Il est mort. À quarante ans, dune tumeur aux poumons. Je ne lai jamais connu. »

Il y eut un instant de silence, pendant lequel Ronald aspira profondément une bouffée de fumée.

« Tu plaisantes, nest-ce pas ? », demanda Carmen à voix basse.

« Non, cest vrai quil est mort, mais je suis certain quil a vécu heureux, notamment grâce à ces délicieux cigarillos ...tiens, tu veux essayer ?

Jamais de la vie, Ronald ! Allez, démarre. Jai envie de bouger un peu. Et arrête de te moquer de moi, imbécile que tu es... ». Ronald mit le moteur en route, fit une manœuvre pour sortir du parking et avança tranquillement, en allumant la radio.

La musique de Coldplay enveloppa les pensées légères et parallèles des deux jeunes gens, qui ne parlèrent pas beaucoup pendant le trajet, tous deux absorbés par les mots de Chris Martin et par sa voix parfois grave, parfois aigüe.

En moins dun quart dheure, ils arrivèrent à la fête.

Nelly, la maîtresse de maison, attendait les invités en se dandinant un chandelier à la main devant le grand portail de la propriété, derrière lequel on pouvait entrevoir le majestueux jardin de la résidence secondaire de la famille.

Au centre du jardin, les jets dune vieille fontaine ronde, illuminés den bas par des projecteurs colorés, sélevaient dans le ciel, dépassant la statue placée au centre de cette même fontaine, un Éros improbable mal copié sur celui de Piccadilly Circus.

Dans la partie extérieure, située devant le portail, se trouvait un pré verdoyant que les invités déjà arrivés navaient pas hésité à utiliser comme parking, chose que fit également Ronald, en entrant en marche avant dans lespace libre mais étroit entre une Clio amarante et une Volvo bleue de grosse cylindrée.

« Merci Ronald, mais là, je ne peux pas ouvrir », dit Carmen, après avoir tenté douvrir la portière avec le plus de délicatesse possible, pour éviter dabîmer la Volvo voisine.

« Moi non plus. », répondit-il, « Mais ne tinquiète pas, la Deux-chevaux est une voiture aux ressources infinies ! ».

Il commença à tourner une manivelle qui pendait de la capote, près du miroir du rétroviseur et le toit de la voiture souvrit tout doucement.

« Génial ! En voilà une voiture moderne ! », sexclama Carmen qui, sans se faire prier, sauta avec agilité sur les sièges arrières et depuis ces derniers, atterrit en un clin d'œil sur le gazon, imitée par Ronald.

« Une façon stylée darriver à une fête, non ? »

Nelly sétait approchée, le chandelier toujours allumé entre ses mains pour éclairer le gazon. Elle affichait un sourire radieux, qui était le fruit de cinq années de soins dorthodontie et dune somme non négligeable dépensée par son père.

« Salut Nelly ! Quelle idée splendide cette fête ! On peut déjà entrer ? », demanda Carmen, en embrassant sur les deux joues son amie et se dirigeant vers le chemin daccès avant même de recevoir une réponse.

« Bien sûr, vous passez la fontaine et vous continuez sur la droite. Ensuite vous suivez les lumières, vous ne pouvez pas vous tromper, ok ?

No problem ! Jai fait des choses bien plus compliquées dans ma vie », répondit Ronald avec son habituelle ironie.

Ils sengagèrent dans le jardin en suivant le son de la musique, diffusée par le DJ à un volume assourdissant, plutôt que les lumières indiquées par Nelly ; les seuls voisins de la propriété étant les occupants du cimetière tout proche, il ny avait aucun risque quils se plaignent du bruit.

Misjudged your limits

Pushed you too far

Took you for granted

I thought that you needed me more more more!

« Boys dont cry ! Fantastique ! ».

Lémotion de Carmen surprit Ronald, qui avait pour la musique un simple intérêt superficiel.

« Comment fais-tu pour connaître une chanson qui date dil y a trente ans à partir de deux strophes entendue de loin ? », demanda-t-il en la regardant droit dans les yeux, comme pour souligner son sentiment de surprise.

Carmen répondit avec nonchalance sans se tourner vers lui.

« Cest une passion que mon père ma transmise. Il a une culture musicale infinie et il nous a éduquée ma sœur et moi au pain et au rock depuis lenfance. Et quand nous étions petites, il nous disait le titre et lauteur dune chanson, et la chantait dans son anglais approximatif, ce qui nous permettait cependant de suivre le texte beaucoup plus facilement en écoutant les versions originales, tu comprends ?

Bien sûr. Je comparerais cela à une forme de bilinguisme. Vous avez absorbé presque inconsciemment sa culture musicale, comme les enfants, dont les parents ont deux nationalités différentes, apprennent gratuitement les langues de leur père et de leur mère, sans aucun effort. Une sorte dapprentissage par osmose, voilà.

Plus ou moins... », répondit Carmen sans trop de conviction, juste avant dapercevoir, après une légère courbe du sentier sur la droite, lentrée du salon où se déroulait la fête.

La musique était forte et linstallation diffusait les basses avec une puissance singulière, qui semblaient rebondir dans le ventre des jeunes. Carmen et Ronald se jetèrent sur la piste, illuminés par un stroboscope des années soixante-dix qui lançait par intermittence des rayons de différentes couleurs, dans le plus pur style des épées Jedi de la Guerre des étoiles.

Carmen prit au passage un shot de vodka citron posé sur le plateau d'un serveur qui déambulait dans la foule et le but par petites gorgées rapides, sans sarrêter de danser.

Il lui sembla que le stroboscope augmentait progressivement la fréquence des coups dépées Jedi et cette image la fit sourire ; un sourire qui après cette dose de vodka devint rapidement un éclat de rire.

Un autre serveur avec des petites moustaches qui semblaient peintes sur son visage passa rapidement près deux et Carmen ne laissa pas échapper le verre de téquila quil transportait et quelle avala dun trait sans même y penser.

« Vas-y doucement, Carmen, tu nes pas habituée à boire », cria Ronald, sans sarrêter de suivre le rythme au centre de la piste, essayant de couvrir avec sa voix les décibels de la musique.

Mais Carmen ne sembla pas entendre et, petit à petit, elle disparut dans la cohue dansante, absorbée par lenthousiasme des fêtards.

***

Le taxi arriva sur la place située devant le grand portail de la villa peu avant onze heures.

À lentrée, les allées et venues navaient pas cessé, bien que la majorité des invités se soit déjà dirigée vers la piste de danse et vers le bar adjacent, où lalcool coulait à flot et, surtout, gratuitement.

La formule, barra libre [3] dans les fêtes privées, garantissait un pourcentage de personnes ivres bien supérieur aux normes des fêtes universitaires.

Un homme de taille moyenne descendit du taxi, paya sans demander son reste et sapprocha sans attendre de la grille.

Il savait que son arrivée serait vue par la majorité comme un fait pour le moins étrange, ou peut-être le craignait-il, mais il sefforça de se comporter de la façon la plus naturelle possible.

Il portait un t-shirt en coton bleu avec une petite étoile blanche au dos, un jean foncé moulant et des bottes noires à lacets blancs.

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