Federico Montuschi - Deux. Impair стр 3.

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Duke Nukem, sil se rappelait bien.

Le jeune homme voyageait avec un seul bagage et narrêtait pas de regarder autour de lui avec des yeux de furet, qui se déplaçaient de gauche à droite avec une incroyable rapidité, alors que sa tête restait immobile.

« Il ny a pas de quartier italien à San José, monsieur », avait déclaré le chauffeur, sans se tourner.

Depuis le siège arrière, aucun commentaire ne lui était parvenu.

Incertain sur la conduite à suivre, le chauffeur observait la réaction du jeune homme dans le miroir du rétroviseur.

Rien.

Aucun mouvement des muscles du visage, aucune réaction émotive.

Aucun tic nerveux.

Le chauffeur avait pris une profonde respiration, le mégot de cigarette toujours suspendu et il avait attendu, tambourinant les doigts sur l'accoudoir de sa Citroën Picasso bleue.

La pluie insistait sur le pare-brise et sur la vitre arrière avec un martellement monotone, mais cela ne semblait pas déranger le passager.

Le chauffeur sétait senti obligé de rompre ce silence qui le mettait étrangement mal à laise :

« Je ne veux pas vous presser, mais je dois de vous dire que le compteur tourne.

Je vous remercie. Vous pouvez démarrer.

Et où allons-nous ? Comme je vous lai dit, il ny a pas de communauté italienne à San José, je suis désolé.

Démarrez, sil vous plaît. Nous ferons un tour dans la zone environnant la ville. Je vous dirai quand vous arrêter, ne vous inquiétez pas. »

Le jeune homme semblait gentil.

Le chauffeur navait pas lhabitude davoir des passagers qui utilisaient fréquemment des formules telles que « je vous remercie », « sil vous plait » ou « ne vous inquiétez pas ».

Il avait enclenché la première et était parti, accélérant doucement, cherchant à détacher le moins possible son regard du miroir du rétroviseur.

Dun côté, cet homme l'intriguait, mais dun autre, il leffrayait, ou quelque chose de similaire.

Il avait un regard furtif et anormalement rapide et il ne cessait de caresser imperceptiblement sa valise, quil navait pas voulu mettre dans le coffre, presque en transe.

« Vous avez fait un long voyage ? » avait demandé le taxi, plus par politesse que par réel intérêt.

Cétait la demande la plus banale que lon pouvait faire à un passager débarquant dun vol international.

« Oui. Cest la première fois que je prends lavion. À dire vrai, cest aussi la première fois que je sors de lEurope.

Vous êtes italien ?

Oui... », avait répondu le jeune homme distrait, pour ensuite se corriger immédiatement « ...en fait non. Je suis slave, mais jai toujours vécu en Italie. Je ne parle pas la langue, le slave, jai vécu en Yougoslavie jusquà lâge de quatre ans, puis la guerre civile a éclaté et mes parents se sont enfuis en Italie. Jai appris litalien et jai oublié le slave.

Il y a eu une guerre civile en Yougoslavie ? »

Le taxi sétait senti gêné par son ignorance à peine avait-il terminé de formuler sa question, mais il était trop tard et la réponse du jeune homme ne sétait pas fait attendre.

« Bien sûr, qu'il y a eu une guerre, il y en a même eu plusieurs...et quelles guerres ! La fédération a été littéralement anéantie, dans les années quatre-vingt-dix. Dabord la Slovénie, puis la Serbie, la Croatie, le Monténégro...et toutes les autres régions suivirent de près lune après lautre, des guerres terribles ! Et la communauté internationale était là à regarder le spectacle. Mieux vaut ne pas en parler, vraiment. »

Le chauffeur, regrettant davoir posé cette question si gênante dans une conversation avec un inconnu, avait décidé de laisser passer quelques instants de silence, lourd de pensées pour chacun deux.

Ce fut le jeune homme qui reprit la conversation.

« Chez vous en revanche cest plus tranquille, non ?

Eh bien nous, nous sommes les Suisses de lAmérique centrale, vous ne le saviez pas ?

Franchement, non.

Nous, depuis la guerre civile de 1948, nous avons supprimé larmée. À quoi sert une armée dans un pays comme le nôtre ? Le gouvernement a utilisé les ressources militaires pour léducation et la culture. Nous en sommes très fiers. Nos enfants étudient, au lieu de combattre. Pura vida , monsieur, pura vida ».

Les yeux du chauffeur de taxi sétaient illuminés.

Il était extrêmement fier de sa nationalité et il ne perdait pas une occasion, pendant un trajet entre laéroport et la ville, de chanter à ses passagers les louanges du Costa Rica, terre unique, constellée de richesses naturelles et dun patrimoine culturel, ainsi que d'un peuple, hors du commun.

« Et savez-vous, monsieur, que le Costa Rica a lindice moyen de bonheur le plus élevé du monde ? », avait-il poursuivi, enthousiaste.

Le jeune homme avait répondu sans trop demphase.

« Et cest quoi cet indice moyen de bonheur ?

Cest simple. », avait repris le chauffeur, « Il sagit de statistiques élaborées au niveau mondial dans cent-quarante-neuf pays, basées sur un questionnaire qui comprend une seule question : sur une échelle de zéro à dix, à quel point êtes-vous globalement satisfait de votre vie ?

Intéressant ; et quels sont les résultats ?

Eh bien, le Costa Rica arrive en tête du classement. Indice moyen de bonheur supérieur à neuf points. Pura vida , hein ?

Cest ça... », avait brièvement conclu le passager, en contraste avec lenthousiasme du chauffeur, tout en continuant à caresser sa valise.

Il navait pas poursuivi la discussion, distrait par larrivée dun orage et dun éclair qui avait subitement fendu le ciel obscur.

Le chauffeur aurait aimé continuer à citer les merveilles de sa terre bien aimée, dont il ne sétait jamais éloigné en trente ans de vie, mais, malgré ses efforts, il navait trouvé aucune occasion intéressante pour combler le silence qui sétait installé, perturbé uniquement par le tapotement des grosses gouttes de pluie sur les vitres du véhicule.

La voiture sétait arrêtée à un feu.

Le chauffeur sétait tourné un instant vers le jeune homme, il lavait observé à la dérobée et son sourire indéchiffrable avait provoqué en lui un malaise dont il se serait bien passé.

Il était reparti en appuyant à fond sur laccélérateur, comme s'il voulait fuir la situation qui sétait créée et, en suivant une route presque déserte immergée dans lobscurité, il avait atteint en peu de temps les campagnes environnant laéroport.

Le jeune homme navait cessé de regarder autour de lui et il semblait apprécier ce vagabondage sans but.

« Où sommes-nous ? », avait-il demandé après quelques minutes de silence.

« Nous sommes près de Burgos, monsieur. »

Le passager avait scruté lhorizon par la fenêtre du taxi, apercevant au loin un petit village accroché aux basses montagnes du Costa Rica central.

Lobscurité feutrait les quelques bruits provenant de lextérieur.

Lorage avait laissé place à un magnifique ciel étoilé et à une forte odeur de soufre, qui avait rappelé au jeune homme son enfance à la montagne.

La mémoire olfactive est profondément ancrée dans les sens de lhomme.

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