Il était organisé en deux ambiances différentes et ne semblait pas être particulièrement entretenu. Le sol était en briques sombres et rugueuses. Dans la pièce la plus grande, trois tables basses et rondes, posées chacune sur un tapis usé et aux couleurs largement passées, étaient entourées de coussins également en mauvais état. Dans lautre pièce, en revanche, lameublement était dun style un peu plus occidental et semblait même beaucoup plus « intime ». Damples tentures aux couleurs chaudes recouvraient les murs. Léclairage était tamisé, et latmosphère nettement plus accueillante. Deux petites tables avaient déjà été dressées, prêtes pour le lendemain. Sur chacune delle étaient posées une nappe dun vert foncé aux broderies bariolées, des serviettes assorties, des assiettes de service en céramique aux bords argentés, des fourchettes à gauche, des cuillers et des couteaux à droite, et au centre, une longue bougie jaune foncé sur un petit bougeoir de pierre noire.
On peut sinstaller là-bas ? demanda le gros qui indiquait la petite salle de sa main épaisse.
Sans répondre, lhomme bouclé bondit vers la petite salle, rapprocha les deux tables, plaça les chaises, et, après un grand salut de la tête et un geste théâtral des bras, leur dit :
Je vous en prie, Messieurs, vous serez mieux comme ça.
Ils sinstallèrent tous trois autour de la table, et le gros dit :
Prépare-nous ta spécialité et amène-nous trois bières en attendant.
Puis, sans lui laisser la possibilité de répliquer :
Ne fais pas le malin. Je sais que tu en as plusieurs caisses, cachées quelque part.
Le général attendit que le propriétaire file en cuisine, puis il revint sur la conversation quils avaient eue plus tôt.
Le sénateur est un homme sans scrupules. Nous devons faire très attention à lui. Si quelque chose devait aller de travers, il nhésiterait pas un instant à nous envoyer quelquun qui nous ferait la peau.
Nous voilà bien, commenta le gros. On dirait que tout le monde nous aime à la folie, ici.
Essayons de faire le boulot de notre mieux et il ne nous arrivera rien, affirma le maigre, qui avait gardé le silence jusqualors. Je connais bien ce genre de personnages. Si on ne lui fait pas de problèmes et quon obéit aux ordres, tout se passe bien, et chacun de nous aura la récompense quil mérite.
Oui, une bonne petite balle au milieu du front, commenta tout bas le gros.
Allez, ne fais pas ton oiseau de mauvais augure. Pour linstant, on sen est bien tirés, non ?
Oui, pour linstant.
Pendant ce temps, caché dans sa cuisine, le propriétaire du restaurant parlait à voix basse au téléphone, en arabe.
Cest lui, je te dis que cest lui.
Cest incroyable quil soit venu chez toi sans escorte.
Il y a deux autres hommes. Il y en a un que je connais très bien, et je suis sûr quil appartient à une organisation bizarre qui pourrait être liée à lui, dune manière ou dune autre.
Tu pourrais prendre une photo et me lenvoyer ? Je ne voudrais pas préparer une armée pour me rendre compte quil sagit dune banale confusion entre deux personnes.
Daccord, je vais voir ce que je peux faire. Laisse-moi quelques minutes.
Lhomme coupa la communication, activa la caméra de son téléphone, le glissa dans la poche de sa chemise de façon à ce que lobjectif dépasse légèrement, et posa trois grands verres sur un plateau daluminium. Il déboucha trois bouteilles de bière et en disposa une à côté de chaque verre. Il souleva le plateau de sa main droite, respira un grand coup et se dirigea vers la table occupée par les trois convives.
Jespère que cette marque vous conviendra, dit-il en servant les boissons. Nous navons malheureusement pas beaucoup de choix. Ici, les lois sont très sévères en matière dalcool.
Oui, oui, ne tinquiète pas, dit le gros en attrapant une bouteille quil vida dans son verre, le remplissant de mousse.
L'homme, mettant tout son soin à se placer juste en face du général, prit un verre, linclina légèrement et y versa délicatement une petite moitié de la bouteille. Puis il fit de même avec le verre du maigre, et sécria :
Cest comme ça quon fait. Ce nest pas un pauvre Irakien qui va devoir apprendre à trois Américains comment on sert la bière, non ?
Un gros éclat de rire spontané partit de la table, et les trois convives, levant leur verre, les firent tinter dans un toast qui devait leur porter chance.
Le propriétaire, après avoir ébauché son salut habituel, se retira en cuisine. Dès quil en eut franchi le seuil et quil se fut assuré que personne ne le regardait, il regarda son portable pour vérifier la qualité du film. Les images tremblaient un peu, mais le visage épais du général Campbell était bien visible. Il envoya aussitôt le film au numéro quil avait appelé auparavant et attendit patiemment. Moins dune minute après, la légère vibration de son téléphone lavertit dun appel.
Cest lui, dit la voix à lautre bout du fil. On sera là dans une heure au plus tard. Ne les laisse partir sous aucun prétexte.
Ils viennent juste darriver et ils nont pas encore commencé à manger. Vous avez largement le temps.
Et il raccrocha.
Vaisseau Théos L'amiral
Élisa regardait encore létrange petit objet quAtzakis avait laissé tomber dans sa main, quand la porte de la capsule de transport interne numéro six souvrit. Pétri en sortit, rayonnant, le téléphone du colonel à la main.
Jai réussi ! sexclama-t-il. Enfin, jespère.
Il rejoignit rapidement les autres au centre du pont de commandement, et expliqua :
Cest un système franchement dépassé, mais je pense que jai compris le principe de fonctionnement. Je me suis connecté à un de ces satellites qui tournent autour de la planète sur une orbite plus basse que la nôtre et je crois quon peut maintenant passer un « appel ».
Tu es le meilleur, compagnon, sécria Atzakis. Jétais sûr que tu réussirais.
Avant de crier victoire, voyons si ça fonctionne vraiment, dit Jack, récupérant son téléphone des mains de lextraterrestre.
Le colonel en observa attentivement lécran, puis dit, émerveillé :
Incroyable, il y a trois barres de réseau.
Allez, essaie ! lui dit Élisa, tout excitée.
Jack parcourut rapidement son répertoire et trouva le numéro de lamiral Wilson. Un doute lassaillit cependant :
Mais quelle heure est-il à Washington ?
Voyons, il devrait être deux heures et demi, répondit Élisa après avoir jeté un coup dœil à sa montre.
Cest bon, jessaie, alors.
Jack prit une profonde inspiration puis appuya sur la touche « APPEL ».
Le téléphone sonnait. Incroyable.
Il attendit patiemment, et ce nest quau bout de la septième sonnerie quune voix rauque et profonde répondit :
Amiral Benjamin Wilson, qui est à lappareil ?
Amiral. Cest Jack Hudson. Vous mentendez ?
Bien sûr, mon garçon, je tentends parfaitement. Cest un plaisir dentendre ta voix depuis tout ce temps. Tout va bien ?
Amiral Oui, oui, merci.
Jack était extrêmement embarrassé et ne savait pas par où commencer.