Jack aurait alors volontiers disparu sous le sol, sil lavait pu.
Il ny a aucune justification, parvint-il à dire dun filet de voix. Nous ne sommes quun ramassis dêtres décérébrés, plein de morgue, arrogants, vantards et inintéressants.
Élisa, qui avait écouté en silence tous les reproches dAtzakis, avala le dernier morceau de foie de Nebir, sessuya la bouche du revers de la main, puis dit tranquillement :
Mais nous ne sommes pas tous comme ça, tu sais ?
Lextraterrestre la regarda avec surprise, mais elle continua avec assurance :
Ce sont les soi-disant « puissants » qui nous ont mis dans cette situation. La majeure partie des personnes normales se bat tous les jours pour la défense de lenvironnement et de toutes les formes de vie qui peuplent notre planète bien-aimée. Cest un peu facile darriver après des milliers dannées dun endroit qui est à des millions de kilomètres et de nous faire la morale. Vous nous avez peut-être donné lintelligence, mais vous ne nous avez pas donné le début du commencement des consignes dutilisation !
Jack la regarda et comprit quil était éperdument amoureux de cette femme.
Atzakis était resté bouche bée. Il ne sattendait pas à une réaction de ce genre. Face à lui, Élisa continua, lancée.
Si vous voulez vraiment nous aider, il faudra mettre à notre disposition toutes vos connaissances technologiques, médicales et scientifiques, le tout le plus rapidement possible, vu que vous ne resterez pas très longtemps sur cette planète dévastée.
Daccord, daccord. Ne ténerve pas, essaya de la contrer Atzakis. Il me semble que nous nous sommes mis à votre disposition sans hésitation pour vous donner un coup de main, non ?
Cest vrai, tu as raison. Je te demande pardon. Dans le fond, vous auriez pu prendre votre plastique et rentrer là doù vous veniez sans même nous dire bonjour ; mais vous êtes là, et vous allez risquer votre peau avec nous.
Élisa regrettait sincèrement son éclat. Pour dédramatiser un peu la situation, elle sécria alors joyeusement :
Mais le repas était vraiment bon.
Puis elle sapprocha de lextraterrestre, et le regardant de bas en haut, elle lui dit doucement :
Excuse-moi, je naurais pas dû.
Ne tinquiète pas, je comprends parfaitement. Et pour te prouver que je ne ten tiens pas rigueur, je toffre ceci.
Élisa tendit sa main ouverte, et Atzakis y déposa une minuscule chose foncée.
Merci, mais quest-ce que cest ? demanda-t-elle, intriguée.
La solution à vos problèmes avec le plastique.
Nassiriya Le dîner
Après que le sénateur eut brusquement mit fin à la conversation, ils continuèrent tous les trois à regarder un moment lécran devant eux, qui affichait des dessins abstraits multicolores se croisant dans un mouvement sans fin.
Quest-ce quon fait maintenant ? demanda le grand maigre, mettant fin à cette espèce dhypnose collective.
Moi jaurais une idée, répondit le gros. Ça fait un bon moment quon ne sest rien mis sous la dent et je vois des burgers partout.
Et où penses-tu trouver un burger à cette heure-ci ?
Je ne sais pas, mais ce que je sais cest que si je ne mange pas tout de suite, je vais mévanouir.
Oh, le pauvre, il va sévanouir, commenta le maigre en contrefaisant une voix denfant.
Puis son intonation changea :
Avec toutes les réserves que tu as sur les hanches, tu pourrais rester un mois sans manger.
Ok, arrêtez tous les deux avec ces bêtises, sécria le général, irrité. Nous devons arrêter un plan daction.
Mais moi je réfléchis mal, lestomac vide, dit tout bas le gros.
Daccord, sécria Campbell, en levant les mains pour indiquer quil renonçait. Allons manger quelque chose. On cherchera un plan à table, de toute façon, on a encore pas mal de temps avant larrivée du sénateur.
Voilà qui est parler, Général, sécria le gros, satisfait. Je connais un petit endroit pas mal du tout, où ils font un magnifique ragoût de mouton aux patates, carottes et petits pois, en sauce curry.
Eh bien je dois avouer quaprès cette description détaillée, jai un peu faim moi aussi, dit le maigre en se frottant les mains.
Cest bon, vous mavez convaincu, ajouta le général en se levant. Allons-y, mais tâchons de ne pas nous faire prendre. Même sils ne sen sont pas encore rendu compte, je suis bel et bien un évadé.
Et pas nous, peut-être ? répliqua le maigre. Nous nous sommes échappés du camp, et ils doivent nous chercher partout. Ça ne fait rien, on na quà sen fiche pour linstant.
Quelques minutes plus tard, une voiture sombre avec trois personnages louches à son bord filait dans la nuit, dans les rues presque désertes de la ville, soulevant sur son passage un nuage de fine poussière.
Nous y sommes, cest là ! sécria le gros, assis à larrière. Cest un peu tard, mais je connais le propriétaire. Il ny aura pas de problème.
Le maigre, au volant, chercha une place pour garer la voiture. Il fit le tour du pâté de maisons, puis se glissa sous lauvent branlant dune petite bicoque abandonnée. Il descendit rapidement de la voiture, et, circonspect, observa attentivement les alentours. Il ny avait personne.
Il fit le tour de la voiture, ouvrit la portière passager et dit :
Tout est tranquille, mon Général. Nous pouvons y aller.
Le gros descendit lui aussi de la voiture et se dirigea à grands pas vers lentrée principale du restaurant. Il essaya de tourner la poignée, sans résultat. La porte était fermée, mais il y avait encore de la lumière à lintérieur. Il essaya alors de regarder à travers la fenêtre, mais lépaisse tenture de couleur ne lui permit pas de voir grand chose. Sans perdre davantage de temps, il se mit à frapper énergiquement, et ne cessa que quand il vit un petit homme, aux cheveux noirs et bouclés, apparaître derrière la tenture.
Mais qui diable sexclamait-il, très irrité, mais il reconnut son corpulent ami, évita de terminer sa phrase et ouvrit.
Ah, mais cest toi. Mais quest-ce que tu fais ici à cette heure-ci ? Et qui sont ces deux messieurs ?
Eh, vieux larron, comment vas-tu ? Ce sont deux amis et nous avons tous les trois une faim de loup.
Mais le restaurant est fermé, jai déjà nettoyé la cuisine et jallais partir.
Je pense que cet autre ami sera plus convaincant que moi, dit-il en lui faisant voleter sous le nez un billet de cent dollars.
Eh bien, en effet, je dois dire quil sait sy prendre, répondit le petit homme, semparant rapidement du billet et le faisant disparaître dans la poche de sa chemise.
Je vous en prie, entrez donc, ajouta-t-il en ouvrant grand la porte et en sinclinant légèrement.
Après avoir jeté un rapide coup dœil derrière eux pour sassurer que personne ne les observait, les trois hommes se glissèrent lun après lautre dans le petit restaurant.
Il était organisé en deux ambiances différentes et ne semblait pas être particulièrement entretenu. Le sol était en briques sombres et rugueuses. Dans la pièce la plus grande, trois tables basses et rondes, posées chacune sur un tapis usé et aux couleurs largement passées, étaient entourées de coussins également en mauvais état. Dans lautre pièce, en revanche, lameublement était dun style un peu plus occidental et semblait même beaucoup plus « intime ». Damples tentures aux couleurs chaudes recouvraient les murs. Léclairage était tamisé, et latmosphère nettement plus accueillante. Deux petites tables avaient déjà été dressées, prêtes pour le lendemain. Sur chacune delle étaient posées une nappe dun vert foncé aux broderies bariolées, des serviettes assorties, des assiettes de service en céramique aux bords argentés, des fourchettes à gauche, des cuillers et des couteaux à droite, et au centre, une longue bougie jaune foncé sur un petit bougeoir de pierre noire.