« Bien sûr que non. Je nen ai pas. Les questions sont sans importance ici, aussi les réponses sont inutiles. »
« Elles ne le sont pas. Je dois savoir »
« Correction : Java-10 doit savoir. Tu nas rien dautre à faire que de tamuser. » asséna Bael avec sympathie. « Vous êtes un pauvre bougre muet, vous avez eu un tel lavage de cerveau que vous ne reconnaissez même plus la Liberté quand elle vient vous prendre la main. Asseyons-nous et parlons un moment. »
Deux chaises dallure confortable apparurent derrière eux. Bael en pris une et fit signe à Ryan de prendre lautre. Léclaireur la testa inquiet avant de mettre tout son poids dessus. « De quoi veux-tu me parler » demanda-t-il après sêtre installé.
« Commençons avec pourquoi êtes-vous ici ? »
« La même raison que toi : explorer la cité. »
« Pourquoi ? »
« La technologie, principalement. Quiconque peut bâtir un tel endroit doit être si avancé sur nous, que nous sommes prêts à apprendre quelque chose juste en examinant leurs artefacts. Nous devons trouver »
« Nous ?» interrompit Bael. « Est-ce que tu tinclus réellement là-dedans ? »
Linterruption fit perdre à Ryan le fil de ses pensées, et il ne put que cligner des yeux avec incompréhension.
« Sois honnête. Étais-tu personnellement si curieux de savoir ce qui se trouvait dans cette ville pour risquer de perdre ta santé mentale en venant ici ? » Les yeux de Bael étaient remplis de vie alors quil faisait mouche. « Tes-tu porter volontaire pour cette mission, ou Java-10 te la ordonné ? Ah, remarques quil se fâche. Ce nétait pas ton idée, nest-ce pas ? »
« Cela na rien à voir avec ça »
« Cela a tout à voir avec. Jeff, tu es une marionnette, un esclave pour ce vaisseau là-haut. Fais un bon travail, effectue ta mission bien, et tu obtiendras une tape sur le dos, une recommandation, peut-être même une médaille. Est-ce que toute ta vie en vaut la peine ? »
« Jai une responsabilité envers le Corps, sur Terre. »
« Envoie-les balader ! Quen est-il de votre responsabilité envers le bon vieux numéro un ? Que diriez-vous dapprendre à vous amuser ? »
« La terre a besoin de moi »
« Bien sûr, tout comme le président Ferguson a besoin dun nouveau trou au cul. » Bael regarda autour de lui. « Hé, venez par ici, les potes, rejoignez la fête. »
Quinze autres hommes se promenaient dans lespace ouvert où Ryan et Bael étaient assis. Ils venaient de toutes les directions, et leurs allures étaient aussi paisible que celle de Bael. Il sagissait du reste des explorateurs qui étaient venus dans cette cité lors des expéditions précédentes. Ryan connaissait la plupart dentre eux, si ce nétait pas personnellement, du moins par leur réputation. Ils avaient été durs, des hommes expérimentés avant de venir dans cette cité. Maintenant ils avaient lair, mous, relaxés, et très satisfaits. Ils saluèrent Bael et sourirent chaleureusement à Ryan
« Sans aucun doute, » dit Bael, « tu veux sortir ton communicateur et dire à Java-10 la bonne nouvelle, comme quoi tout le monde est en vie et rassemblé ici au même endroit. »
En fait, cétait exactement ce que Ryan voulait faire. En dépit de lexpression amicale sur leurs visages, Il se sentait vraiment mal à laise entourés par seize déserteurs. Il voulait plus que tout maintenant tenir cette boîte de métal froid dans ses mains, lui donnant le réconfort chaleureux quil y avait quelquun là-haut qui sintéressait à son bien-être. Mais cette conversation semble virer au duel personnel entre Bael et lui-même, et il refusait de donner à son adversaire la satisfaction davoir raison. Aussi, il dit à la place, « Je peux faire mon rapport plus tard. »
« Bravo garçon ! » murmura Bael. « Tu commences à apprendre. Dici deux trois jours, tu seras aussi libre que nous. »
Ryan avait la sensation désagréable dêtre tombé dans le piège de lautre. « Mais je nai pas deux jours, » répondit-il avec méchanceté. « Si je ne pars pas dici demain midi, je serais considéré comme perdu, tout comme vous. Et si je le suis, Java-10 va bombarder cette cité et la réduire en particules subatomiques. »
Les autres hommes arrêtèrent de sourire. Tous à lexception de Bael, dont la bonne humeur semblait inébranlable. « Je ne pense pas, » dit-il calmement, « que la cité le permettra. »
Cétait le tour de Ryan dêtre silencieux un moment. « Tu parles comme si cétait un être vivant. »
« Je nai pas la moindre idée si elle lest ou non. Mais après un moment passé ici, tu commenceras à te le demander. Elle sait certainement ce qui se passe dans ta tête. Elle agit sur nos pensées et moule nos rêves. Elle nous aime, Jeff, et ne laissera rien nous blesser. »
Un frisson remonta le long de la colonne vertébrale de Ryan. Bael était sérieux, comme seul un fou aurait pu lêtre. Il déglutit et dit, « Néanmoins, je naimerai être là pour tester son amour lorsque les bombes vont commencer à tomber. »
« Tu es libre de partir quand tu veux, » remarqua Bael. « Personne ne tarrêteras. »
Ryan réalisa avec surprise que Bael avait raison. Il était certain quil trouverait quelque force diabolique se cachant quelque part dans la ville qui essayerait de le retenir ici contre sa volonté. Au lieu de cela, tout ce quil avait trouvé était une merveilleuse technologie et seize fous amicaux. Il navait pas-encore succombé à la folie des autres, et il ne ressentait aucune pulsion lempêchant de partir. Il était libre de partir quand il voulait.
« Bien sûr, » dit Tashiro Surakami, un des explorateurs que Ryan connaissait vaguement, « Java-10 pourrait ne pas être tout à fait heureux avec vous si vous le faisiez. ».
Cétait le couac. Sil partait maintenant, il naurait rien de signifiant à rapporter. Il avait été envoyé pour découvrir pourquoi ces hommes ne sont pas retournés sur leur vaisseau. Jusque-là, mis à part quelques considérations hédonistes que Bael avait émises, il navait toujours aucune idée quant aux raisons. Sil quittait la cité maintenant et retournait sur le vaisseau, il aurait mieux fait de ne pas venir.
« Jai toujours mon travail à faire, » insista Ryan obstinément. « Je ne vais pas partir en plein milieu. Je dois trouver pourquoi... » et il sarrêta.
« Pourquoi sommes-nous devenus fous ? » Bael finit la phrase pour lui. « De notre côté de la barrière, cest pourquoi sommes-nous devenus sain desprit. La réponse est tout autour de toi, si tu tarrêtes pour la regarder. Les autres gars et moi-même sommes probablement en train de te distraire. Cela taiderait peut-être dêtre seul un moment. Les gars, laissons Jeff ici un peu. Souviens - toi, Jeff, si tu veux parler à quelquun tu nas quà appeler. Quelquun tentendra.
Bael et les autres commencèrent à partir tranquillement, parlant et riant ensemble. Cétait comme si Ryan avait subitement cessé dexister pour eux. En moins dune minute, ils étaient tous partis. Le silence suffocant revint, laissant Ryan assit au milieu dune cité paraissant déserte.
Léclaireur atteint rapidement son communicateur et déblatéra un rapport désespéré au vaisseau au-dessus. Il espérait un conseil, mais le vaisseau confirma la réception du message laconiquement, lui disant de rester prudent, puis coupa.