Gustave Aimard - Le fils du Soleil стр 6.

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-Ma foi! je l'ignore. J'ai des bourdonnements dans les oreilles. Me tuer adroitement! Mato et Chillito sont bien les plus hideux sacripants de la pampa.

-Caramba! je les connais de longue date; à cette heure ils m'inquiètent médiocrement.

-Mais moi?

-Bah! vous n'êtes pas encore mort.

-Je n'en vaux guère mieux.

-Auriez vous peur, vous le plus hardi chasseur de panthère que je sache?

-Une panthère n'est, après tout, qu'une panthère, on en a raison avec une balle; mais les deux gaillards que don Juan a lâchés après moi sont des démons.

-C'est vrai; donc allons au plus pressé. Don Luis Munoz dont je suis le capataz, est mon frère de lait, c'est vous dire que je lui suis dévoué à la vie à la mort. Don Juan ourdit contre la famille de mon maître quelque infernal complot que je veux faire échouer. Etes-vous décidé à me prêter main-forte? Deux hommes peuvent beaucoup qui, à eux deux, n'ont qu'une seule volonté.

-Franchise pour franchise, don José, reprit le Pavito après un instant de réflexion. Ce matin, j'aurais refusé; ce soir, j'accepte, car je ne risque plus de trahir les gauchos mes camarades. La position est changée. Me tuer adroitement! Vrai Dieu, je me vengerai! Je suis à vous, capataz, comme mon couteau est à sa poignée, à vous corps et âme, foi de gaucho!

-A merveille! fit don José; nous saurons nous entendre. Montez à cheval et allez m'attendre à l'Estancia: j'y retournerai après le coucher du soleil, et là, nous dresserons le plan de contre-mine.

-D'accord. De quel côté vous dirigez-vous?

-Je me rends chez don Luis Munoz.

-A ce soir, alors!

-A ce soir!

Ils se séparèrent. Le Pavito, dont le cheval était caché à peu de distance, galopa vers l'estancia de San-Julian, dont José était le capataz, tandis que celui-ci descendait à grands pas le chemin de la Poblacion.

Don Luis Munoz était un des plus riches propriétaires du Carmen, où sa famille s'était établie depuis la fondation de la colonie. C'était un homme d'environ quarante-cinq ans. Originaire de la vieille Castille, il avait gardé le beau type de cette race, type qui sur son visage se reconnaissait aux grandes lignes vigoureusement accusées, avec un certain air de majesté fière auquel ses yeux un peu tristes ajoutaient une expression de bonté et de douceur.

Resté veuf, après deux courtes années de mariage, don Luis avait enfermé dans son coeur le souvenir de sa femme comme une relique sacrée, et il croyait que c'était l'aimer encore que de se vouer tout entier à l'éducation de leur fille Linda.

Don Luis habitait, dans la Poblacion du vieux Carmen, à peu de distance du fort, une des plus belles et des plus vastes maisons de la colonie.

Quelques heures après les événements que nous avons rapportés, deux personnes étaient assises auprès d'un brasero dans un salon de cette habitation.

Dans ce salon, élégamment meublé à la française, un étranger, en soulevant la portière, aurait pu se croire transporté au faubourg Saint-Germain: même luxe dans les tapisseries, même goût dans le choix et l'arrangement des meubles. Rien n'y manquait, pas même un piano d'Erard chargé de partitions d'opéras chantés à Paris; et, comme pour mieux prouver que la gloire va loin et que le génie a des ailes, les romanciers et les poètes à la mode encombraient un guéridon de Boule. Là tout rappelait la France et Paris; seul, le brasero d'argent, où achevaient de se consumer des noyaux d'olives, indiquait L'Espagne. Des lustres garnis de bougies roses éclairaient cette magnifique retraite.

Don Luis Munoz et sa fille Linda étaient assis auprès du brasero.

Dona Linda, âgée de quinze ans à peine, était admirablement belle. L'arc de jais de ses sourcils, tracés comme avec un pinceau, relevait la grâce de son front un peu bas et d'une blancheur mate; ses grand yeux bleus et pensifs, frangés de longs cils bruns, contrastaient harmonieusement avec ses cheveux d'un noir d'ébène qui se bouclaient autour d'un col délicat, et où des jasmins odorants se mouraient de volupté. Petite comme toutes les Espagnoles de race, sa taille cambrée était d'une finesse extrême; jamais pieds plus mignons n'avaient foulé, en dansant, les pelouses buenos-ayriennes, jamais main plus délicate n'était tombée dans la main d'un amoureux. Sa démarche, nonchalante comme celle de toutes les créoles, avait je ne sais quels mouvements ondulés pleins de désinvolture et de salero, comme on dit en Espagne.

Son costume, d'une charmante simplicité, se composait d'un peignoir de cachemire blanc brodé de larges fleurs en soie de couleurs vives, serré aux hanches par une torsade. Un voile de maline était négligemment ajusté sur ses épaules. Ses pieds, emprisonnés dans des bas de soie à côtés, étaient chaussés de pantoufles naines roses et bordées de duvet de cygne.

Dona Linda fumait un mince cigarillo de maïs, tout en causant avec son père.

-Oui, père, disait-elle, aujourd'hui est arrivé au Carmen un navire de Buenos-Ayres, chargé des plus jolis oiseaux du monde.

-Eh bien! chica (petite)?

-Il me semble que mon cher petit père, fit-elle avec une admirable moue, n'est guère galant, ce soir.

-Qu'en savez-vous, mademoiselle? répondit don Luis en souriant.

-Comment! vrai! s'écria-t-elle en bondissant de joie sur un fauteuil et en frappant ses mains l'une contre l'autre, vous auriez pensé?

-A vous acheter des oiseaux? Vous verrez demain votre volière peuplée de perruches, d'aras, de bengalis, de colibris, enfin plus de quatre cents, vilaine ingrate!

-Oh! que vous êtes bon, mon père, et que je vous aime! reprit la jeune fille en jetant ses bras autour du cou de don Luis et en l'embrassant à plusieurs reprises.

-Assez! assez! follette! Vas-tu m'étouffer avec tes caresses?

-Que faire pour reconnaître vos prévenances?

-Pauvre chère, je n'ai que toi à aimer désormais.

-Dites donc à adorer, mon excellent père, car c'est de l'adoration que vous avez pour moi. Aussi je vous aime de toutes les forces aimantes que Dieu a mises dans mon âme.

-Et pourtant, dit Luis d'un ton doux de reproche, tu ne crains pas, méchante, de me causer des inquiétudes.

-Moi? demanda Linda avec un tressaillement intérieur.

-Oui, vous, vous, fit-il en la menaçant tendrement du doigt. Tu me caches quelque chose.

-Mon père!

-Allez, ma fille, les yeux d'un père savent lire jusqu'au fond d'un coeur de quinze ans, et, depuis quelques jours, si je ne me trompe, je ne suis plus seul dans ta pensée.

-C'est vrai, répondit la jeune fille avec une certaine résolution.

-Et à qui rêves-tu ainsi, petite fille? dit don Luis en cachant son inquiétude sous un sourire.

-A don Juan Perez.

-Ah? cria le père d'une voix étranglée, et tu l'aimes?

-Moi? Non, répondit-elle. Ecoutez, mon père, je ne veux rien vous cacher. Non, continua-t-elle en posant la main sur son coeur, je n'aime pas don Juan Perez; cependant, il occupe ma pensée; pourquoi? je ne saurais le dire; mais son regard me trouble et me fascine; sa voix me cause un sentiment de douleur indéfinissable. Cet homme est beau, ses manières sont élégantes et nobles, il a tout d'un gentilhomme de haute caste, et pourtant quelque chose en lui, je ne sais quoi de fatal, me glace et m'inspire une répulsion invincible.

-Tête romanesque!

-Riez, moquez-vous de moi; mais, dit-elle avec un tremblement de voix, vous avouerai-je tout, mon père?

-Parle avec confiance.

-Eh bien! j'ai un pressentiment que cet homme me sera funeste.

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