Dans linnocence de sa conscience il navait à se reprocher quun sourire, machinal de sa part quand quelque chose ou quelquun lui plaisait ! il se sentit vexé, pensa un instant à la suivre mais maîtrisa cette impulsion et sobligea à rester immobile en face de ce panorama qui lui semblait à présent moins intéressant Finalement, il quitta le lieu à son tour et rejoignit sa calèche. On lemmena admirer encore la belle mosquée Ibn Tulun et la célèbre université Al-Azar qui fut la première de lIslam. Après quoi, il rentra déjeuner à lhôtel.
Il y trouva une lettre de la princesse Shakiar linvitant à dîner le soir même avec quelques amis afin de « faire plus ample connaissance ». On nétait pas plus gracieuse !
Après le déjeuner, il répondit à linvitation par la négative et un remerciement courtois, alléguant quil quittait Le Caire tôt dans la soirée mais ne manquerait pas daller la saluer de nouveau à son retour, fit accompagner son message dun panier de fleurs et partit visiter le fantastique mais décourageant Musée égyptien où les trésors de la terre des pharaons sentassaient à un point tel que ladmiration ne parvenait pas à se fixer. Seul Tout-Ank-Amon que, par solidarité avec Adalbert, il commençait à trouver envahissant, jouissait dune salle lui étant entièrement consacrée, et lhonnêteté obligea Aldo à admirer sincèrement la beauté de certains objets. Sans compter lincroyable accumulation dor.
Il en sortait, lœil encore ébloui, quand il vit soudain la jeune fille de la Citadelle. À deux mètres de lui, elle examinait le contenu dune vitrine. La rencontre lamusa mais, craignant quelle ne simagine quelle nétait pas fortuite, il sapprêtait à changer de direction quand elle abandonna sa contemplation et vint droit à lui.
Vous êtes le prince Morosini, nest-ce pas ? demanda-t-elle dune voix à la fois douce et ferme.
En effet. Comment le savez-vous ? Si lon nous avait présentés, je men souviendrais
Ne cherchez pas ! Cest votre hôtel qui ma renseignée. Ce matin, à la Citadelle, je me suis souvenue dune photo de journal. Jai voulu men assurer et je vous ai suivi jusquau Shepheards.
Il sourit, amusé :
Cest bien la première fois quune jolie femme me suit et cest très flatteur !
Oh, ne croyez pas cela. Je veux seulement savoir si vous avez vu Vidal-Pellicorne ?
les joues. Il allait sélancer vers le bar pour chercher un remontant mais stoppa net en voyant à son côté le vieux gentleman armé dun verre de whisky quil lui tendait sans un mot. Aldo sourit :
Oh, merci, Sir ! Cest juste ce quil lui faut !
Lautre, cependant, se présentait en claquant les talons :
Colonel John Sargent ! En retraite du 17e Gurkas !
Aldo abandonna Adalbert pour une brève inclinaison :
Prince Aldo Morosini, de Venise. Antiquaire. Excusez-moi si jai été un peu vif !
On se serra la main puis on revint à Adalbert qui, sous leffet de lalcool, remontait à la surface sous le regard attentif des deux autres. Finalement, il se redressa :
Où est-il ? grogna-t-il.
Ah, non ! protesta Aldo. Tu ne vas pas recommencer !
Parti ! annonça le colonel. On vient demmener lhonorable Freddy Duckworth à la voiture qui lattendait
Légyptologue regarda autour de lui et fixa Aldo :
Mais dis donc ? Tu mas frappé ? Toi ?
Ben oui ! Cétait la seule façon de te calmer. Et ne me demande pas ce que je fais là. Tu mas donné rendez-vous ici et tu mas même invité à déjeuner.
Cest vrai, mais on verra ça plus tard ! En attendant, il faut à tout prix que je retrouve ce concentré de vipère
Il essayait de se relever mais Aldo le renvoya dans son fauteuil du bout de lindex :
Tu ne feras rien du tout ! Tu as entendu le colonel Sargent ? Il ta dit quil est parti dans une voiture !
Je sais quil partait puisque je lai attrapé au vol, mais où allait-il ?
Au diable, si ça lui chante ! Tu ne crois pas quil a suffisamment occupé le devant de la scène ?
Moi aussi, messieurs ! intervint le colonel Sargent. Japerçois lady Clémentine, mon épouse, qui me cherche. À bientôt, jespère ?
Ce sera avec plaisir ! répondit Aldo. Maintenant, jaimerais prendre, dans lordre : possession de ma chambre, une douche et des vêtements frais. Tu peux maccompagner, si tu veux ?
Non. Je préfère aller fumer une pipe au jardin !
Il boudait visiblement. Aldo sentit un léger parfum de moutarde lui monter au nez :
Tu es bien sûr que je ty retrouverai ? Parce que si cest pour filer je ne sais où sur la trace de ce pauvre type, il vaudrait peut-être mieux que je retourne à la gare ?
Non, mais ce pauvre type comme tu dis
Ça suffit ! Et, à ce propos, qui est donc cette « elle » qui jouait le rôle de pomme de discorde ?
On en parlera plus tard
Ce ne serait pas une jeune fille denviron vingt ans, très brune et aux yeux daigue-marine ?
Adalbert se pétrifia, telle la femme de Loth victime de sa désobéissance :
Tu tu la connais ?
Absolument pas ! Je ne sais même pas son nom. Simplement, jai rencontré hier la personne en question. Et je me permets dajouter que jai tout lieu de croire quil sagit delle parce quelle ma chargé dun message oral pour toi !