Альбер Камю - Le minotaure. La peste / Минотавр. Чума. Книга для чтения на французском языке стр 3.

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Jentends dici Klestakoff: «Il faudra soccuper de quelque chose délevé.» Hélas! il en est bien capable. Quon le pousse et il peuplera ce désert avant quelques années. Mais, pour le moment, une âme un peu secrète doit se délivrer dans cette ville facile, avec son défilé de jeunes filles fardées, et cependant incapables dapprêter lémotion, simulant si mal la coquetterie que la ruse est tout de suite éventée. Soccuper de quelque chose délevé! Voyez plutôt: Santa Cruz ciselée dans le roc, les montagnes, la mer plate, le vent violent et le soleil, les grandes grues du port, les trains, les hangars, les quais et les rampes gigantesques qui gravissent le rocher de la ville, et dans la ville elle-même ces jeux et cet ennui, ce tumulte et cette solitude. Peut-être, en effet, tout cela nest-il pas assez élevé. Mais le grand prix de ces îles surpeuplées, cest que le cœur sy dénude. Le silence nest plus possible que dans les villes bruyantes. DAmsterdam, Descartes écrit au vieux Balzac: «Je vais me promener tous les jours parmi la confusion dun grand peuple, avec autant de liberté et de repos que vous sauriez faire dans vos allées.»

Le Désert à Oran

un bal masqué маскарад
qui se donnent le plus grand mal pour paraître de mauvais garçons которые стараются изо всех сил казаться хулиганами

qui sest construite en tournant sur elle-même, à la façon dun escargot. Oran est un grand mur circulaire et jaune, recouvert dun ciel dur. Au début, on erre dans le labyrinthe, on cherche la mer comme le signe dAriane. Mais on tourne en rond dans des rues fauves et oppressantes, et, à la fin, le Minotaure dévore les Oranais: cest lennui.

Depuis longtemps, les Oranais nerrent plus. Ils ont accepté dêtre mangés.

On ne peut pas savoir ce quest la pierre sans venir à Oran. Dans cette ville poussiéreuse entre toutes, le caillou est roi. On laime tant que les commerçants lexposent dans leurs vitrines pour maintenir des papiers, ou encore pour la seule montre. On en fait des tas le long des rues, sans doute pour le plaisir des yeux, puisque, un an après, le tas est toujours là. Ce qui, ailleurs, tire sa poésie du végétal, prend ici un visage de pierre. On a soigneusement recouvert de poussière la centaine darbres quon peut rencontrer dans la ville commerçante. Ce sont des végétaux pétrifiés qui laissent tomber de leurs branches une odeur âcre et poussiéreuse. À Alger, les cimetières arabes ont la douceur que lon sait. À Oran, au-dessus du ravin Ras-el-Aïn, face à la mer cette fois, ce sont, plaqués contre le ciel bleu, des champs de cailloux crayeux et friables où le soleil allume daveuglants incendies. Au milieu de ces ossements de la terre, un géranium pourpre, de loin en loin, donne sa vie et son sang frais au paysage. La ville entière sest figée dans une gangue pierreuse. Vue des Planteurs, lépaisseur des falaises qui lenserrent est telle que le paysage devient irréel à force dêtre minéral. Lhomme en est proscrit. Tant de beauté pesante semble venir dun autre monde.

Si lon peut définir le désert un lieu sans âme où le ciel est seul roi, alors Oran attend ses prophètes. Tout autour et au-dessus de la ville, la nature brutale de lAfrique est en effet parée de ses brûlants prestiges. Elle fait éclater le décor malencontreux dont on la couvre, elle pousse ses cris violents entre chaque maison et au-dessus de tous les toits. Si lon monte sur une des routes, au flanc de la montagne de Santa-Cruz, ce qui apparaît dabord, ce sont les cubes dispersés et coloriés dOran. Mais un peu plus haut, et déjà les falaises déchiquetées qui entourent le plateau saccroupissent dans la mer comme des bêtes rouges. Un peu plus haut encore, et de grands tourbillons de soleil et de vent recouvrent, aèrent et confondent la ville débraillée, dispersée sans ordre aux quatre coins dun paysage rocheux. Ce qui soppose ici, cest la magnifique anarchie humaine et la permanence dune mer toujours égale. Cela suffit pour que monte vers la route à flanc de coteau une bouleversante odeur de vie.

Le désert a quelque chose dimplacable. Le ciel minéral dOran, ses rues et ses arbres dans leur enduit de poussière, tout contribue à créer cet univers épais et impassible où le cœur et lesprit ne sont jamais distraits deux-mêmes, ni de leur seul objet qui est lhomme. Je parle ici de retraites difficiles. On écrit des livres sur Florence ou Athènes. Ces villes ont formé tant desprits européens quil faut bien quelles aient un sens. Elles gardent de quoi attendrir ou exalter. Elles apaisent une certaine faim de lâme dont laliment est le souvenir. Mais comment sattendrir sur une ville où rien ne sollicite lesprit, où la laideur même est anonyme, où le passé est réduit à rien? Le vide, lennui, un ciel indifférent, quelles sont les séductions de ces lieux? Cest sans doute la solitude et, peut-être, la créature. Pour une certaine race dhommes, la créature, partout où elle est belle, est une amère patrie. Oran est lune de ses mille capitales.

Les Jeux

Apparemment, ceux-ci ne réclament jamais de confort. On a, en effet, dressé un ring au fond dune sorte de garage crépi à la chaux, couvert de tôle ondulée et violemment éclairé. Des chaises pliantes ont été rangées en carré autour des cordes. Ce sont les «rings dhonneur». On a disposé des sièges dans la longueur, et, au fond de la salle,

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