Альбер Камю - Le minotaure. La peste / Минотавр. Чума. Книга для чтения на французском языке стр 10.

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Du reste, le narrateur, quon connaîtra toujours à temps, naurait guère de titre à faire valoir dans une entreprise de ce genre si le hasard ne lavait mis à même de recueillir un certain nombre de dépositions et si la force des choses ne lavait mêlé à tout ce quil prétend relater. Cest ce qui lautorise à faire œuvre dhistorien. Bien entendu, un historien, même sil est un amateur, a toujours des documents. Le narrateur de cette histoire a donc les siens: son témoignage dabord, celui des autres ensuite, puisque, par son rôle, il fut amené à recueillir les confidences de tous les personnages de cette chronique, et, en dernier lieu, les textes qui finirent par tomber entre ses mains. Il se propose dy puiser quand il le jugera bon et de les utiliser comme il lui plaira. Il se propose encore Mais il est peutêtre temps de laisser les commentaires et les précautions de langage pour en venir au récit lui-même. La relation des premières journées demande quelque minutie.

* * *

Le soir même, Bernard Rieux, debout dans le couloir de limmeuble, cherchait ses clefs avant de monter chez lui, lorsquil vit surgir, du fond obscur du corridor, un gros rat à la démarche incertaine et au pelage mouillé. La bête sarrêta, sembla chercher un équilibre, prit sa course vers le docteur, sarrêta encore, tourna sur elle-même avec un petit cri et tomba enfin en rejetant du sang par les babines entrouvertes. Le docteur la contempla un moment et remonta chez lui. []

Le lendemain 17 avril, à huit heures, le concierge arrêta le docteur au passage et accusa des mauvais plaisants davoir déposé trois rats morts au milieu du couloir. On avait dû les prendre avec de gros pièges, car ils étaient pleins de sang. Le concierge était resté quelque temps sur le pas de la porte, tenant les rats par les pattes, et attendant que les coupables voulussent bien se trahir par quelque sarcasme. Mais rien nétait venu.

«Ah! ceux-là, disait M. Michel, je finirai par les avoir.»

Intrigué, Rieux décida de commencer sa tournée par les quartiers extérieurs où habitaient les plus pauvres de ses clients. La collecte des ordures sy faisait beaucoup plus tard et lauto qui roulait le long des voies étroites et poussiéreuses de ce quartier frôlait les boîtes de détritus, laissées au bord du trottoir. Dans une rue quil longeait ainsi, le docteur compta une douzaine de rats jetés sur les débris de légumes et les chiffons sales [].

Rieux neut pas de peine à constater ensuite que tout le quartier parlait des rats.

[Vers onze heures, le docteur accompagne à la gare sa femme, qui, malade depuis un an, doit effectuer un séjour en montagne.]

«Certes, dit lautre.

Je veux dire, pouvez-vous porter condamnation

un mauvais plaisant любитель глупых шуток

totale?

Totale, non, il faut bien le dire. Mais je suppose que cette condamnation serait sans fondement.»

Doucement, Rieux dit quen effet une pareille condamnation serait sans fondement, mais quen posant cette question il cherchait seulement à savoir si le témoignage de Rambert pouvait ou non être sans réserves.

«Je nadmets que les témoignages sans réserves. Je ne soutiendrai donc pas le vôtre de mes renseignements.

Cest le langage de Saint-Just», dit le journaliste en souriant.

Rieux dit sans élever le ton quil nen savait rien, mais que cétait le langage dun homme lassé du monde où il vivait, ayant pourtant le goût de ses semblables et décidé à refuser, pour sa part, linjustice et les concessions. Rambert, le cou dans les épaules, regardait le docteur.

«Je crois que je vous comprends», dit-il enfin en se levant.

Le docteur laccompagnait vers la porte:

«Je vous remercie de prendre les choses ainsi.»

Rambert parut impatienté:

«Oui, dit-il, je comprends, pardonnez-moi ce dérangement.»

Le docteur lui serra la main et lui dit quil y aurait un curieux reportage à faire sur la quantité de rats morts quon trouvait dans la ville en ce moment.

«Ah! sexclama Rambert, cela mintéresse.»

À dix-sept heures, comme il sortait pour de nouvelles visites, le docteur croisa dans lescalier un homme encore jeune, à la silhouette lourde, au visage massif et creusé, barré dépais sourcils. Il lavait rencontré, quelquefois, chez les danseurs espagnols qui habitaient le dernier étage de son immeuble. Jean Tarrou fumait une cigarette avec application en contemplant les dernières convulsions dun rat qui crevait sur une marche, à ses pieds. Il leva sur le docteur le regard calme et un peu appuyé de ses yeux gris, lui dit bonjour et ajouta que cette apparition des rats était une curieuse chose.

«Oui, dit Rieux, mais qui finit par être agaçante.

Dans un sens, Docteur, dans un sens seulement.

Nous navons jamais rien vu de semblable, voilà tout. Mais je trouve cela intéressant, oui, positivement intéressant.»

Tarrou passa la main sur ses cheveux pour les rejeter en arrière, regarda de nouveau le rat, maintenant immobile, puis sourit à Rieux:

«Mais, en somme, Docteur, cest surtout laffaire du concierge.»

[Les rats meurent de plus en plus nombreux. Les Oranais commencent à sinquiéter.

Mais, le 28 avril, le docteur est appelé par un de ses anciens malades auprès dun personnage singulier]

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