Шодерло де Лакло Пьер - Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке стр 23.

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Jusque-là jétais tout entier à lamour ; bientôt il fit place à la fureur. Qui croyez-vous qui veuille me perdre auprès de cette femme que jadore ? quelle furie supposez-vous assez méchante, pour tramer une pareille noirceur ? Vous la connaissez : cest votre amie, votre parente ; cest Mme de Volanges. Vous nimaginez pas quel tissu dhorreurs linfernale mégère lui a écrit sur mon compte. Cest elle, elle seule, qui a troublé la sécurité de cette femme angélique ; cest par ses conseils, par ses avis pernicieux, que je me vois forcé de méloigner ; cest à elle enfin que lon me sacrifie. Ah ! sans doute il faut séduire sa fille : mais ce nest pas assez, il faut la perdre ; et puisque lâge de cette maudite femme la met à labri de mes coups, il faut la frapper dans lobjet de ses affections.

Elle veut donc que je revienne à Paris ! elle my force ! soit, jy retournerai ; mais elle gémira de mon retour. Je suis fâché que Danceny soit le héros de cette affaire ; il a un fond dhonnêteté qui nous gênera : cependant il est amoureux, et je le vois souvent ; on pourra peut-être en tirer parti. Je moublie dans ma colère et je ne songe pas que je vous dois le récit de ce qui sest passé aujourdhui. Revenons.

Ce matin jai revu ma sensible prude. Jamais je ne lavais trouvée si belle. Cela devait être ainsi : le plus beau moment dune femme, le seul où elle puisse produire cette ivresse de lâme, dont on parle toujours et quon éprouve si rarement, est celui où, assurés de son amour, nous ne le sommes pas de ses faveurs ; et cest précisément le cas où je me trouvais. Peut-être aussi lidée que jallais être privé du plaisir de la voir servait-elle à lembellir. Enfin, à larrivée du courrier, on ma remis votre lettre du 27 ; et pendant que je la lisais, jhésitais encore pour savoir si je tiendrais ma parole : mais jai rencontré les yeux de ma belle, et il maurait été impossible, dans ce moment, de lui rien refuser.

Jai donc annoncé mon départ. Un moment après, Mme de Rosemonde nous a laissés seuls : mais jétais encore à quatre pas de la farouche personne, que se levant avec lair de leffroi : « Laissez-moi, laissez-moi, Monsieur, ma-t-elle dit, au nom de Dieu, laissez-moi. » Cette prière fervente, qui décelait son émotion, ne pouvait que manimer davantage. Déjà jétais auprès delle, et je tenais ses mains quelle avait jointes avec une expression tout à fait touchante ; là je commençais de tendres plaintes, quand un démon ennemi a ramené Mme de Rosemonde. La timide dévote, qui a en effet quelque raison de craindre, en a profité pour se retirer.

Je lui ai pourtant offert la main quelle a acceptée ; et augurant bien de cette douceur, quelle navait pas eue depuis longtemps, tout en recommençant mes plaintes jai essayé de la serrer. Elle a dabord voulu la retirer ; mais sur une instance plus vive, elle sest livrée dassez bonne grâce, quoique sans répondre ni à ce geste, ni à mes discours. Arrivés à la porte de son appartement, jai voulu baiser cette main, avant de la quitter. La défense a commencé par être franche ; mais un songez donc que je pars, prononcé bien tendrement, la rendue gauche et insuffisante. A peine le baiser a-t-il été donné, que la main a retrouvé sa force pour échapper, et que la belle est entrée dans son appartement où était sa femme de chambre. Là finit mon histoire.

Comme je présume que vous serez demain chez la Maréchale de, où sûrement je nirai pas vous trouver ; comme je me doute bien aussi quà notre première entrevue nous aurons plus dune affaire à traiter, et notamment celle de la petite Volanges, que je ne perds pas de vue, jai pris le parti de me faire précéder par cette lettre ; et toute longue quelle est, je ne la fermerai quau moment de lenvoyer à la poste : car au terme où jen suis, tout peut dépendre dune occasion ; et je vous quitte pour aller lépier.

P. S. à huit heures du soir.

Rien de nouveau ; pas le plus petit moment de liberté ; du soin même pour léviter. Cependant, autant de tristesse que la décence en permettait, pour le moins. Un autre événement qui peut ne pas être indifférent, cest que je suis chargé dune invitation de Mme de Rosemonde à Madame de Volanges, pour venir passer quelque temps chez elle à la campagne.

Adieu, ma belle amie, à demain ou après-demain au plus tard.

De , ce 28 août 17**.

Lettre XLV. La Présidente de Tourvel à Madame de Volanges

Monsieur de Valmont est parti ce matin, Madame ; vous mavez paru tant désirer ce départ, que jai cru devoir vous en instruire. Madame de Rosemonde regrette beaucoup son neveu, dont il faut convenir quen effet la société est agréable : elle a passé toute la matinée à men parler avec la sensibilité que vous lui connaissez ; elle ne tarissait pas sur son éloge. Jai cru lui devoir la complaisance de lécouter sans la contredire, dautant quil faut avouer quelle avait raison sur beaucoup de points. Je sentais de plus que javais à me reprocher dêtre la cause de cette séparation, et je nespère pas pouvoir la dédommager du plaisir dont je lai privée. Vous savez que jai naturellement peu de gaieté, et le genre de vie que nous allons mener ici nest pas fait pour laugmenter.

Si je ne métais pas conduite daprès vos avis, je craindrais davoir agi peut être un peu légèrement : car jai été vraiment peinée de la douleur de ma respectable amie ; elle ma touchée au point que jaurais volontiers mêlé mes larmes aux siennes.

Nous vivons à présent dans lespoir que vous accepterez linvitation que M. de Valmont doit vous faire, de la part de Mme de Rosemonde, de venir passer quelque temps chez elle. Jespère que vous ne doutez pas du plaisir que jaurai à vous y voir ; et en vérité vous nous devez ce dédommagement. Je serai fort aise de trouver cette occasion de faire une connaissance plus prompte avec Mlle de Volanges, et dêtre à portée de vous convaincre de plus en plus des sentiments respectueux, avec lesquels jai lhonneur dêtre, etc.

De , 29 août 17**.

Lettre XLVI. Le Chevalier Danceny à Cécile Volanges

Que vous est-il donc arrivé, mon adorable Cécile ? qui a pu causer en vous un changement si prompt et si cruel ? que sont devenus vos serments de ne jamais changer ? Hier encore, vous les réitériez avec tant de plaisir ! qui peut aujourdhui vous les faire oublier ? Jai beau mexaminer, je ne puis en trouver la cause en moi, et il mest affreux davoir à la chercher en vous. Ah ! sans doute vous nêtes ni légère, ni trompeuse ; et même dans ce moment de désespoir, un soupçon outrageant ne flétrira point mon âme. Cependant, par quelle fatalité nêtes-vous plus la même ? Non, cruelle, vous ne lêtes plus ! La tendre Cécile, la Cécile que jadore, et dont jai reçu les serments, naurait point évité mes regards, naurait pas contrarié le hasard heureux qui me plaçait auprès delle ; ou si quelque raison que je ne peux concevoir lavait forcée à me traiter avec tant de rigueur, elle neût pas au moins dédaigné de me lapprendre.

Ah ! vous ne savez pas, vous ne saurez jamais, ma Cécile, ce que vous mavez fait souffrir aujourdhui, ce que je souffre encore en ce moment. Croyez-vous donc que je puisse vivre et ne plus être aimé de vous ? Cependant, quand je vous ai demandé un mot, un seul mot, pour dissiper mes craintes, au lieu de me répondre, vous avez feint de craindre dêtre entendue ; et cet obstacle qui nexistait pas alors, vous lavez fait naître aussitôt, par la place que vous avez choisie dans le cercle. Quand, forcé de vous quitter, je vous ai demandé lheure à laquelle je pourrais vous revoir demain, vous avez feint de lignorer, et il a fallu que ce fût Mme de Volanges qui men instruisît. Ainsi ce moment toujours si désiré qui doit me rapprocher de vous demain, ne fera naître en moi que de linquiétude ; et le plaisir de vous voir, jusqualors si cher à mon cœur, sera remplacé par la crainte de vous être importun.

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