Шодерло де Лакло Пьер - Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке стр 21.

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Convenez-en, Madame, vous craignez moins un public trop accoutumé à vous respecter pour oser porter de vous un jugement désavantageux, que vous nêtes gênée par la présence dun homme quil vous est plus facile de punir que de blâmer. Vous méloignez de vous comme on détourne ses regards dun malheureux quon ne veut pas secourir.

Mais tandis que labsence va redoubler mes tourments, à quelle autre quà vous puis-je adresser mes plaintes ? de quelle autre puis-je attendre des consolations qui vont me devenir si nécessaires ? Me les refuserez-vous, quand vous seule causez mes peines ?

Sans doute vous ne serez pas étonnée non plus, quavant de partir jaie à cœur de justifier auprès de vous les sentiments que vous mavez inspirés ; comme aussi que je ne trouve le courage de méloigner quen en recevant lordre de votre bouche.

Cette double raison me fait vous demander un moment dentretien. Inutilement voudrions-nous y suppléer par lettres : on écrit des volumes, et lon explique mal ce quun quart dheure de conversation suffit pour faire bien entendre. Vous trouverez facilement le temps de me laccorder : car quelque empressé que je sois de vous obéir, vous savez que Mme de Rosemonde est instruite de mon projet de passer chez elle une partie de lautomne, et il faudra au moins que jattende de recevoir une lettre pour pouvoir prétexter une affaire qui me force à partir.

Adieu, Madame ; jamais ce mot ne ma tant coûté à écrire que dans ce moment où il me ramène à lidée de notre séparation. Si vous pouviez imaginer ce quelle me fait souffrir, jose croire que vous me sauriez quelque gré de ma docilité. Recevez au moins, avec plus dindulgence, lassurance et lhommage de lamour le plus tendre et le plus respectueux.

De , ce 26 août 17**.

Suite de la lettre XL. Du Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil

A présent, raisonnons, ma belle amie. Vous sentez comme moi que la scrupuleuse, lhonnête Mme de Tourvel, ne peut pas maccorder la première de mes demandes, et trahir la confiance de ses amis, en me nommant mes accusateurs ; ainsi en promettant tout à cette condition, je ne mengage à rien. Mais vous sentez aussi que ce refus quelle me fera deviendra un titre pour obtenir tout le reste ; et qualors je gagne, en méloignant, dentrer avec elle, et de son aveu, en correspondance réglée : car je compte pour peu le rendez-vous que je lui demande, et qui na presque dautre objet que de laccoutumer davance à nen pas refuser dautres quand ils me seront vraiment nécessaires.

La seule chose qui me reste à faire avant mon départ, est de trouver un moyen de savoir quels sont les gens qui soccupent à me nuire auprès delle. Je présume que cest son pédant de mari ; je le voudrais : outre quune défense conjugale est un aiguillon au désir, je serais sûre que du moment quelle aura consenti à mécrire, je naurais plus rien à craindre de ce côté, puisquelle se trouverait déjà dans la nécessité de le tromper.

Mais si elle a une amie assez intime pour avoir sa confidence, et que cette amie-là soit contre moi, il me paraît nécessaire de les brouiller, et je compte bien y réussir : mais avant tout il faut être instruit.

Jai bien cru que jallais lêtre hier ; mais cette femme ne fait rien comme une autre. Nous étions chez elle au moment où on vint avertir que le dîner était servi. Sa toilette se finissait seulement, et tout en se pressant, et en faisant des excuses, je maperçus quelle laissait la clef à son secrétaire ; et je connais son usage de ne pas ôter celle de son appartement. Jy rêvais pendant le dîner, lorsque jentendis descendre sa femme de chambre : je pris mon parti sur le champ ; je feignis un saignement de nez, et sortis. Je volai au secrétaire ; mais je trouvai tous les tiroirs ouverts, et pas un papier écrit. Cependant on na pas doccasion de les brûler dans cette saison. Que fait-elle des lettres quelle reçoit ? et elle en reçoit souvent ! Je nai rien négligé ; tout était ouvert, et jai cherché partout ; mais je ny ai rien gagné, que de me convaincre que ce dépôt précieux reste dans ses poches.

Comment len tirer ? depuis hier je moccupe inutilement den trouver les moyens : cependant je ne peux en vaincre le désir. Je regrette de navoir pas le talent des filoux. Ne devrait-il pas, en effet, entrer dans léducation dun homme qui se mêle dintrigues ? ne serait-il pas plaisant de dérober la lettre ou le portrait dun rival, ou de tirer des poches dune prude de quoi la démasquer ? Mais nos parents ne songent à rien ; et moi jai beau songer à tout, je ne fais que mapercevoir que je suis gauche, sans pouvoir y remédier.

Quoi quil en soit, je revins me mettre à table, fort mécontent. Ma belle calma pourtant un peu mon humeur, par lair dintérêt que lui donna ma feinte indisposition ; et je ne manquai pas de lassurer que javais, depuis quelque temps, de violentes agitations qui altéraient ma santé. Persuadée, comme elle est, que cest elle qui les cause, ne devrait-elle pas en conscience travailler à les calmer ? Mais, quoique dévote, elle est peu charitable ; elle refuse toute aumône amoureuse, et ce refus suffit bien, ce me semble, pour en autoriser le vol. Mais adieu ; car tout en causant avec vous, je ne songe quà ces maudites lettres.

De , ce 27 août 17**.

Lettre XLIII. La Présidente de Tourvel au Vicomte de Valmont

Pourquoi chercher, Monsieur, à diminuer ma reconnaissance ? Pourquoi ne vouloir mobliger quà demi, et marchander en quelque sorte un procédé honnête ? Il ne vous suffit donc pas que jen sente le prix ? Non seulement vous demandez beaucoup, mais vous demandez des choses impossibles. Si en effet mes amis mont parlé de vous, ils ne lont pu faire que par intérêt pour moi : quand même ils se seraient trompés, leur intention nen était pas moins bonne ; et vous me proposez de reconnaître cette marque dattachement de leur part, en vous livrant leur secret ! Jai déjà eu tort de vous en parler, et vous me le faites assez sentir dans ce moment. Ce qui neût été que de la candeur avec tout autre, devient une étourderie avec vous, et me mènerait à une noirceur, si je cédais à votre demande. Jen appelle à vous-même, à votre honnêteté ; mavez-vous cru capable de ce procédé ? avez-vous dû me le proposer ? Non sans doute ; et je suis sûre quen y réfléchissant mieux, vous ne reviendrez plus sur cette demande.

Celle que vous me faites de mécrire nest guère plus facile à accorder ; et si vous voulez être juste, ce nest pas à moi que vous vous en prendrez. Je ne veux point vous offenser ; mais avec la réputation que vous vous êtes acquise, et que, de votre aveu même, vous méritez, du moins en partie, quelle femme pourrait avouer être en correspondance avec vous ? et quelle femme honnête peut se déterminer à faire ce quelle sent quelle serait obligée de cacher ?

Encore, si jétais assurée que vos lettres fussent telles que je neusse jamais à men plaindre, que je pusse toujours me justifier à mes yeux de les avoir reçues ! peut-être alors le désir de vous prouver que cest la justice et non la haine qui me guide, me ferait passer par-dessus ces considérations puissantes, et faire beaucoup plus que je ne devrais, en vous permettant de mécrire quelquefois. Si en effet vous le désirez autant que vous me le dites, vous vous soumettrez volontiers à la seule condition qui puisse my faire consentir ; et si vous avez quelque reconnaissance de ce que je fais pour vous dans ce moment, vous ne différerez plus de partir.

Permettez-moi de vous observer à ce sujet, que vous avez reçu une lettre ce matin, et que vous nen avez pas profité pour annoncer votre départ à Mme de Rosemonde, comme vous me laviez promis. Jespère quà présent rien ne pourra vous empêcher de tenir votre parole. Je compte surtout que vous nattendrez pas, pour cela, lentretien que vous me demandez et auquel je ne veux absolument pas me prêter ; et quau lieu de lordre que vous prétendez vous être nécessaire, vous vous contenterez de la prière que je vous renouvelle. Adieu, Monsieur.

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