– Peu après qu’Israël a commencé ses frappes aériennes, le Hezbollah a lancé des missiles sur Israël. Ce n’est pas inhabituel, surtout s’il y a échange de tirs entre les deux forces. La guerre de 2006 avait suivi plus ou moins la même trajectoire. Mais un problème est survenu. Dans l’intervalle, le Hezbollah a augmenté sa puissance de feu.
S’afficha une photo d’un grand missile sur une plateforme de lancement mobile.
– Voici un missile Fateh-200. C’est une arme construite en Iran, un missile à longue portée et à têtes multiples, doté d’un puissant impact. Lancé depuis le Liban, il peut frapper presque n’importe où en Israël, à part peut-être le désert du Néguev au sud, faiblement peuplé. Il possède des systèmes de contrôle et de guidage sophistiqués, qui donnent pour la première fois au Hezbollah une capacité de frappes précises.
Kurt marqua une pause.
– D’après ce qu’on a pu collecter, il apparaît désormais que le Hezbollah possède le Fateh-200. On pense qu’ils ont tiré entre vingt et trente de ces missiles jusqu’à présent, chacun comportant jusqu’à douze têtes. Ils ont ciblé des infrastructures civiles et militaires dans des agglomérations à travers Israël, y compris Tel-Aviv, la limite ouest de Jérusalem et le centre d’Haïfa, entre autres. Le système de défense antimissiles à moyenne portée d’Israël, dénommé Fronde de David, a contré en plein ciel la moitié voire les deux tiers de ces missiles. Mais ça n’a pas suffi. Plusieurs quartiers civils ont été frappés et de nombreux bâtiments détruits. Une tête est tombée à moins d’un kilomètre de la Knesset, le parlement israélien, pendant qu’il était en séance.
– Combien de pertes humaines actuellement ? s’enquit Haley Lawrence, le secrétaire à la Défense.
– Jusqu’à présent, on n’a que les chiffres officiels publiés. Plus de 4000 civils tués, des milliers de blessés, panique et destructions largement répandues. Aucun chiffre n’a été publié sur les pertes militaires, mais les Israéliens ont mobilisé pour une guerre totale, rappelant tous les réservistes et les vétérans valides des guerres passées. Ils ont considérablement intensifié le bombardement du Liban, sans doute en vue de détruire le plus de Fateh-200 possible avant qu’ils ne soient lancés.
– Est-ce que ça marche ? intervint Luke – qui connaissait déjà la réponse.
Kurt secoua la tête.
– On n’en sait rien. J’en doute. À l’heure actuelle, le Hezbollah lance toujours des roquettes et de petits missiles non guidés sur le nord d’Israël, démontrant que leurs capacités de représailles existent encore. Nous pensons qu’ils réservent les Fateh-200 pour l’instant, mais qu’ils reprendront leurs tirs au moment de leur choix.
« Israël a reproché publiquement à l’Iran d’avoir fourni ces nouveaux missiles au Hezbollah. Selon toute vraisemblance, cette accusation est exacte. Le Hezbollah est un pion de l’Iran. Il y a trente minutes, Israël a menacé d’attaquer l’Iran si un autre Fateh-200 ou un missile similaire était lancé sur le territoire israélien.
Kurt fit une nouvelle pause.
– Dix minutes plus tard, l’Iran a informé les Israéliens qu’ils allaient contrer toute attaque israélienne par des armes nucléaires. Dans la même déclaration, ils ont indiqué que toute attaque israélienne serait un motif pour l’Iran de lancer des armes nucléaires sur la base aérienne américaine de Doha, au Qatar, ainsi que sur le grand complexe de l’ambassade américaine à Bagdad.
Un silence de mort plana dans la salle durant quelques secondes. Debout dans un coin, Luke observait les expressions sur les visages. Plusieurs rougissaient, comme s’ils étaient embarrassés. D’autres avaient le regard fixe et la mâchoire qui pendait légèrement.
– L’Iran n’a pas d’armes nucléaires, lança quelqu’un. Ce n’est pas possible.
– Tous les accords et traités internationaux stipulent que l’Iran n’est pas une puissance nucléaire, et qu’il n’a pas le droit de le devenir, précisa Kurt. Mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas acquis d’armes nucléaires. Amy, montre-nous l’Iran, s’il te plaît.
Une carte de l’Iran apparut à l’écran. Luke sentit son cœur se serrer. Il était déjà allé en Iran. Ce n’était pas son endroit préféré dans le monde.
– L’État islamique d’Iran est une théocratie musulmane chiite. On sait qu’ils nourrissent l’ambition d’acquérir des armes nucléaires au moins depuis la révolution islamique de 1979.
– Mais s’ils avaient testé une arme nucléaire, on l’aurait su, remarqua Susan.
C’était la première fois qu’elle prenait la parole depuis le début de la réunion.
– Ce serait bien si c’était vrai, rétorqua Kurt. Des installations d’essais souterrains profonds prolifèrent partout dans le monde, très difficiles à repérer et cartographier. Des systèmes avancés de détection des radiations peuvent mesurer des radiations émises dans l’atmosphère, jusqu’à de très faibles quantités. Nous pouvons combiner ça avec notre capacité à mesurer la force et la direction des vents dominants, et déterminer avec une bonne précision d’où proviennent les radiations. Mais quand je dis une bonne précision, je veux dire dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Étant donné la proximité de l’Iran avec le Pakistan – qui est une puissance nucléaire connue et acceptée –, il est difficile de localiser une source de radiations et d’affirmer avec certitude qu’elle se trouve en Iran.
– Mais ces tests ont des signatures sismiques, argua Susan. Presque comme des tremblements de terre.
Kurt hocha la tête.
– Et c’est ce qui rend l’Iran doublement problématique. C’est l’un des endroits les plus actifs sismiquement sur la planète. Les séismes y sont courants et fréquemment dévastateurs. La catastrophe la plus récente s’est produite en 2003, quand un séisme de magnitude 6,6 a tué au moins 23 000 personnes dans la ville de Bam. Mais les catastrophes mises à part, l’activité sismique en Iran est quasiment constante. On la surveille quotidiennement. Écouter un grondement souterrain en Iran, c’est comme écouter les vagues rouler sur une plage. Ça arrive en permanence.
– Qu’est-ce que tu essaies de dire, Kurt ? lança Susan. Dis-le, simplement.
– L’Iran pourrait fabriquer et tester des armes nucléaires, répondit Kurt. Et on pourrait bien ne pas les découvrir.
Une idée s’imposa aussitôt à Luke. C’était juste un de ces trucs : il y a une question, et l’esprit crache la réponse. On n’aime pas la réponse, mais elle est là, évidente.
– Pourquoi n’enverrait-on pas une équipe d’infiltration ? proposa-t-il. Elle pourrait découvrir sur place si c’est du bluff ou non. Si ce n’est pas du bluff, elle repèrerait l’emplacement des armes nucléaires et y faire venir des frappes aériennes.
Certes, il n’avait pas encore en tête le plan tout entier, mais une fois prononcé à voix haute, il devinait que c’était la voix de la sagesse.
– Nous n’avons pas les personnes nécessaires sur place pour ce type de déploiement, remarqua un homme en uniforme kaki. Ça prendrait des semaines, voire des mois…
– Général, je ne suis pas de votre avis, le coupa Luke. Nous aurons des personnes sur place. Ma propre organisation, la Special Response Team, est prête à y aller.
CHAPITRE NEUF
08:15, heure normale de l’Est
Aile ouest
Maison-Blanche, Washington DC
– C’est une catastrophe, dit Susan. C’est dingue. Je ne vais pas le permettre.
Susan, Kurt et Kat Lopez retournaient à travers l’aile ouest vers le Bureau ovale. Les chaussures de Susan et de Kat claquaient sur le sol en marbre. Trois mastards du Secret Service marchaient dans leur sillage, et deux autres les précédaient.
Ils rejoignirent les doubles portes du Bureau ovale, flaquées de chaque côté d’un massif agent du Secret Service. Susan et la petite troupe qui l’entourait marchaient si vite qu’elle avait l’impression d’être transportée vers le bureau sur un tapis roulant. Elle sentait qu’elle perdait le contrôle. Elle n’avait pas voulu cette réunion. Deux mois plus tôt, envoyer ses meilleurs agents dans une mission potentiellement mortelle ne l’aurait pas autant secouée.