– Merci.
– On vous recontacte dès que possible. » Il lui indiqua où envoyer la photo avant de raccrocher.
Ellington avait consulté le dossier du coroner pendant qu’elle parlait avec Manning. « Tu as eu ce que tu voulais, hein ?
– Est-ce qu’il n’y a jamais un doute que ça se passerait ainsi ? »
Il secoua la tête et lui tendit le rapport du coroner. « C’est le plus récent, fraîchement sorti des presses il y a environ cinq heures. Plutôt intéressant, tu ne trouves pas ? »
Elle survola le rapport, parcourant le contenu le plus évident jusqu’à tomber sur les plus récents développements. Ce qu’elle y vit était effectivement intéressant. Selon les dernières mises à jour du coroner et des médecins légistes, il apparaissait que la victime avait souffert de plusieurs fractures par le passé, qui n’avaient pas été soignées correctement. Deux côtes, le poignet droit, ainsi qu’une le long de son bras droit. Selon les notes du coroner, les os de son poignet gauche semblaient même n’avoir jamais été soignés.
« Tu crois qu’elle était victime de violence conjugale ? demanda Mackenzie.
– Je pense qu’elle fuyait quelqu’un et qu’elle a souffert par le passé de fractures multiples qui n’ont pas été guéries correctement. Alors en effet… de la violence conjugale, peut-être même quelque chose d’encore plus dramatique. Je me demande si elle n’était pas retenue prisonnière. Elle n’a pas l’air d’avoir été en très bonne santé, tu vois. Le rapport indique qu’elle pesait environ cinquante kilos. Et tu as vu son visage sur les photos… elle avait l’air de… Je ne sais pas…
– Endurcie, termina Mackenzie à sa place.
– Oui, c’est un bon terme.
– Alors peut-être qu’elle était captive ou prisonnière, qu’elle a réussi à échapper à son bourreau. Et lorsqu’il l’a rattrapée, il s’est dit que mieux valait la tuer plutôt que de la retenir enfermée à nouveau.
– Mais pour qu’il agisse de manière aussi désinvolte, ça veut dire qu’il devait savoir qu’elle n’avait pas d’identité connue. »
C’était un bon point, qui les laissa réfléchir en silence chacun de leur côté. Mackenzie pensa à la fille, qui avait peut-être couru à travers un champ mouillé puis sur une route luisante de pluie. Elle avait été pied nus, portant semble-t-il ses sandales à la main. Cette hypothèse soulevait deux questions.
La première était de savoir ce qu’elle fuyait ?
La seconde, pensa-t-elle, commençait à devenir plus pressante. « Où se rendait-elle ? » demanda Mackenzie à voix haute. Ca ne peut pas être une coïncidence qu’elle ait choisi ce quartier. Je sais qu’il n’y aucune preuve que ce soit elle qui ait traversé le champ dont a parlé le Sheriff Burke, mais si c’était bien le cas ? Elle aurait pu partir dans n’importe quelle direction et choisir n’importe quel quartier. Alors pourquoi celui-ci ? »
Ellington sourit tout en hochant la tête, s’enthousiasmant à son tour. « Et pourquoi ne pas aller enquêter sur tout ça ? »
CHAPITRE SEPT
Ils eurent de la chance car l’on était samedi et la plupart des voitures du voisinage étaient garées dans des allées privées ou des garages ouverts. Ils regagnèrent le quartier de Plainsview vers quinze heures dix et se garèrent au même endroit que là où ils avaient fait connaissance avec le Sheriff Burke. C’était un après-midi ensoleillé de mars, pas très frais mais assurément pas chaud non plus. En tout cas, Mackenzie ne s’attendait pas à avoir de difficultés particulières à trouver des gens avec qui parler.
« Tu prends à droite et moi à gauche » dit Ellington tandis qu’ils sortaient de la voiture.
Mackenzie acquiesça, sachant que la plupart des coéquipiers choisissaient souvent de ne pas se séparer ainsi. Mais Ellington et elle se faisait réciproquement confiance à ce niveau pour s’autoriser cela. Cela provenait non seulement de leur forte relation de travail mais également du lien créé par leur mariage. Ils se séparèrent sans tambour ni trompette et partirent chacun d’un côté de la rue.
La première maison du côté de Mackenzie n’était pas des plus faciles – puisqu’une mère et sa fille se trouvaient dans le jardin. La petite fille devait avoir six ans et faisait du tricycle, descendant et remontant l’allée. La mère était assise sur le porche en train de scroller son téléphone. Lorsque Mackenzie s’approcha, elle leva la tête et sourit.
« Puis-je vous aider ? » demanda-t-elle. Son ton de voix indiquait qu’elle n’avait aucune envie de faire cela, en particulier si Mackenzie était là pour vendre quelque chose.
Mackenzie s’écarta un peu de la petite fille avant de sortir son badge et de se présenter. « Je suis l’agent Mackenzie White du FBI. Mon collège et moi faisons une enquête de voisinage pour voir si nous pouvons apprendre quoi que ce soit au sujet de l’accident qui s’est déroulé il y a deux jours.
– Je n’ai rien vu, dit-elle. J’ai déjà raconté la même chose aux policiers. D’après ce qu’ils disent, ils pensent que cela s’est passé après minuit et tout le monde chez moi dort déjà à vingt-trois heures.
– Savez-vous qui a retrouvé le corps ?
– Je ne sais pas trop. Toutes sortes de rumeurs circulent et je ne sais laquelle croire. Au bout d’un moment, j’ai juste arrêté d’y prêter attention, vous comprenez ?
– Certaines provenant de personnes à qui vous feriez confiance concernant ce genre d’informations ?
– Je crains que non.
– Eh bien, merci de m’avoir accordé votre temps. »
Elle se retourna et salua la petite fille de la main tandis qu’elle se dirigeait vers la maison suivante. Elle frappa trois fois mais n’eut aucune réponse. Elle eut le même résultat à la troisième. Ce fut différent à la quatrième. La porte s’ouvrit juste après qu’elle eut sonné.
Mackenzie se retrouva en face d’une dame plus âgée, peut-être proche des soixante ans. Elle tenait à la main une bouteille de nettoyant ménager et un chiffon. On entendait du rock des années 70 derrière elle, du Peter Frampton, si Mackenzie ne se trompait pas dans ses connaissances musicales, qui étaient plutôt étendues. La femme avait visiblement été interrompue dans son ménage mais accueillit néanmoins Mackenzie avec le sourire.
« Excusez-moi de vous déranger, dit Mackenzie. Je suis l’agent White, du FBI. » Elle présenta son badge et la femme le regarda comme si Mackenzie venait juste de faire un tour de magie. Je fais du porte-à-porte dans le voisinage pour obtenir des informations au sujet de l’accident qui s’est déroulé dans votre rue il y a deux soirs.
– Oh, bien entendu » dit la femme. Elle oublia aussitôt son nettoyage. « Avez-vous trouvé qui est le responsable ?
– Pas encore. C’est pour ça que nous sommes ici, à tenter de trouver des indices. Avez-vous vu ou entendu quoi que ce soit pendant cette nuit-là ?
– Non, et je ne connais personne pour qui ce soit le cas. Ce qui est d’ailleurs le plus effrayant.
– Comment ça ?
– Eh bien, c’est un quartier très tranquille. Mais nous sommes aussi un peu au milieu de nulle part. Bien sûr, Salt Lake City n’est qu’à moins de trente kilomètres mais comme vous pouvez le voir, ce n’est pas vraiment l’atmosphère d’une grande ville par ici.
– Quelle genre de rumeurs a circulé ? demanda Mackenzie.
– Aucune dont je sois au courant. C’est une chose trop dramatique pour qu’on en discute. » Elle s’avança d’un pas en travers de la porte, se rapprochant de Mackenzie afin de pouvoir parler d’un air de conspiratrice. « J’ai l’impression que la plupart des gens du quartier croient que si l’on n’en parle pas, toute cette histoire va juste disparaître – que tout le monde va l’oublier. »
Mackenzie acquiesça. Elle avait mené plusieurs enquêtes dans des villes similaires. Cependant, elle savait également que c’était l’un de ces quartiers de petite taille où les commérages ont tendance à s’enraciner et à se répandre largement.