Un homme arriva par-dessus le mur avec une hachette en métal.
Luke lui tira dans le visage. L’homme tomba mort contre les sacs de sable. Maintenant, Luke avait la hachette. Il s’immisça entre les combattants qui entouraient Martinez en donnant sauvagement des coups à gauche et à droite. Le sang gicla. Il les tailladait, les découpait.
Martinez réapparut, debout, en train de donner ces coups de baïonnette.
Luke enfonça la hachette dans le crâne d’un homme, mais trop profondément pour pouvoir l’en ressortir. Même avec toute l’adrénaline qui faisait rage dans son corps, il n’avait pas la force de l’en arracher. Il regarda Martinez.
— Ça va ?
Martinez haussa les épaules. Il désigna les corps qui les entouraient.
— Je peux te dire que j’allais mieux avant.
Il y avait un AK-47 aux pieds de Luke. Il le souleva et vérifia le chargeur. Vide. Luke jeta l’AK-47 et sortit son arme de poing. Il tira dans la tranchée, qui grouillait d’ennemis. Une ligne d’ennemis courait vers lui. D’autres glissaient, tombaient et sautaient par-dessus le mur.
Où étaient ses hommes ? Étaient-ils tous morts ?
Il tua l’homme le plus proche d’un coup de feu au visage. La tête explosa comme une tomate cerise. Il saisit l’homme par sa tunique et s’en servit de bouclier. L’homme sans tête était léger, comme si le cadavre était constitué de vêtements vides.
Il tua quatre hommes avec quatre coups de feu. Il continua à tirer.
Alors, il se retrouva à court de balles. Encore.
Un taliban chargea avec un AK-47, la baïonnette attachée. Luke poussa le cadavre contre lui puis jeta son arme comme un tomahawk. Il rebondit sur la tête de l’homme, le distrayant pendant une seconde. Luke se servit de cette seconde. Il se rapprocha de son ennemi en glissant le long de la baïonnette. Il plongea profondément deux doigts dans les yeux de l’homme puis tira.
L’homme hurla et leva les mains au visage. Maintenant, Luke avait l’AK. Il tua son ennemi avec la baïonnette de deux, trois, quatre coups profonds à la poitrine.
L’homme expira tout contre le visage de Luke.
Luke fouilla le corps de l’homme. Le cadavre tout frais avait une grenade dans sa poche de poitrine. Luke la prit, la dégoupilla et la jeta par-dessus le rempart, au milieu des hordes qui arrivaient.
Il se jeta à plat ventre.
BOUM.
L’explosion éclata juste à côté. Elle envoya voler de la terre, des pierres, du sang et des os. Le mur de sacs de sable s’effondra à moitié sur lui.
Luke se releva comme il put. À présent, il était sourd et avait les oreilles qui sifflaient. Il ouvrit le chargeur de l’AK. Vide. Cependant, il avait encore la baïonnette.
— Venez, bande de salauds ! cria-t-il. Venez !
D’autres hommes arrivèrent par-dessus le mur et il les poignarda frénétiquement. Il les déchira à mains nues. Il les abattit avec leurs propres armes.
Un homme franchit ce qui restait du mur. Il n’était pas un homme, mais un garçon. Il n’avait pas de barbe. Il n’avait pas besoin de rasoir. Sa peau était lisse et sombre. Ses yeux marrons étaient ronds de terreur. Il serrait les mains contre la poitrine.
Luke affronta cet enfant, qui avait peut-être quatorze ans. D’autres arrivaient derrière lui. Ils glissaient et tombaient par-dessus la barrière. Le passage était encombré de cadavres.
Pourquoi ses mains sont-elles comme ça ?
Luke savait pourquoi. C’était un kamikaze.
— Grenade ! cria Luke, même s’il ne restait personne de vivant pour l’entendre.
Il plongea en arrière et se réfugia sous un corps puis sous un autre. Il y en avait tant qu’il rampa toujours plus, s’enfouissant toujours plus près du centre de la Terre, plaçant une couverture d’hommes morts entre lui et le garçon.
BOUM !
Il entendit l’explosion, étouffée par les corps, et il sentit la vague de chaleur. Il entendit les hurlements de ceux qui allaient mourir. Soudain, une autre explosion arriva, puis une autre.
Et encore une autre.
Luke perdait peu à peu conscience sous les secousses violentes. Il était peut-être touché. Il était peut-être mourant. Si c’était ça, la mort, ce n’était pas si terrible. Il ne ressentait aucune douleur.
Il pensa à l’enfant, à cet adolescent maigre à la taille consistante comme un homme corpulent. Cet enfant avait porté un gilet de suicide.
Il pensa à Rebecca, qui portait son enfant.
L’obscurité l’emporta.
* * *
À un moment ou à un autre, le soleil s’était levé, mais sans dégager de chaleur. D’une façon ou d’une autre, les combats avaient cessé et il ne pouvait se souvenir quand ou comment. Le sol était accidenté et dur. Il y avait des cadavres partout. Des hommes maigres et barbus gisaient partout, les yeux écarquillés, le regard fixe.
Luke. Il s’appelait Luke.
Il était assis sur un tas de corps. Il s’était réveillé sous eux et il avait rampé de sous eux comme un serpent.
Ils étaient empilés comme du bois de corde. Il n’aimait pas être assis sur eux, mais c’était commode. Le tas était assez haut pour lui donner une vue de la colline au travers des restes du mur de sacs de sable, mais probablement assez bas pour que seul un très bon tireur d’élite puisse lui tirer dessus.
Les talibans n’avaient pas beaucoup de très bons tireurs d’élite. Ils en avaient, mais pas beaucoup, et la plupart des talibans des alentours semblaient être morts, maintenant.
Pas très loin, il en repéra un qui descendait la colline en rampant, laissant derrière lui une ligne de sang comme un escargot sa bave. Luke aurait vraiment dû sortir et tuer ce gars, mais il ne voulait pas s’aventurer dans un endroit dégagé.
Luke regarda son propre corps. Il n’avait pas l’air en bonne forme. Sa poitrine était toute rouge. Il était trempé du sang d’hommes morts. Son corps tremblait de faim et de fatigue. Il regardait fixement les montagnes environnantes, qui devenaient visibles à mesure que le jour s’éclaircissait. C’était vraiment un beau jour. C’était un beau pays.
Combien d’autres hommes restait-il ? Dans combien de temps viendraient-ils ?
Il secoua la tête. Il ne savait pas. Ça ne comptait pas vraiment. Quel que soit leur nombre, ils seraient probablement trop nombreux.
Martinez était allongé sur le dos aux alentours, dans la tranchée. Il pleurait. Il n’arrivait pas à bouger ses jambes. Il en avait assez. Il voulait mourir. Luke se rendit compte qu’il faisait exprès de ne pas entendre Martinez depuis un certain temps.
— Stone, dit-il. Hé, Stone. Hé ! Tue-moi, mec. Tue-moi, c’est tout. Hé, Stone ! Écoute-moi, mec !
Luke était apathique.
— Je ne vais pas te tuer, Martinez. Tu vas te remettre. Nous allons sortir d’ici et les toubibs vont te remettre en état. Donc, attends un peu, OK ?
À côté, assis sur un affleurement rocheux, Murphy regardait dans le vide. Il n’essayait même pas de s’abriter.
— Murph ! Viens ici. Tu veux qu’un tireur d’élite te loge une balle dans la tête ?
Murphy se tourna et regarda Luke. Ses yeux étaient comme … morts. Il secoua la tête. Il laissa échapper un souffle. On aurait presque dit un rire. Il resta où il était.
Alors que Luke regardait, Murphy sortit un pistolet. Il était incroyable qu’il ait encore une arme sur lui. Luke s’était battu à mains nues, avec des pierres et des objets tranchants pendant …
Il ne savait pas pendant combien de temps.
Murphy plaça le canon de l’arme contre le côté de sa tête sans quitter Luke du regard. Il appuya sur la gâchette.
Clic.
Il appuya sur la gâchette plusieurs autres fois.
Clic, clic, clic, clic … clic.
— Vide, dit-il.
Il jeta l’arme au loin. Elle tomba sur la colline en produisant un cliquetis.
Luke regarda l’arme rebondir. Cela sembla durer plus longtemps qu’il ne l’aurait cru. Finalement, elle glissa puis s’arrêta dans un éboulis de rochers branlants. Il regarda Murphy à nouveau. Murphy était juste assis là et il ne regardait rien.
Si d’autres talibans venaient, ils étaient perdus. Aucun de ses deux compagnons n’avait la force de se battre et la seule arme que Stone possédait encore était la baïonnette pliée qu’il tenait. L’espace d’un instant, il envisagea paresseusement de fouiller les morts pour leur prendre leurs armes. Il ne savait pas s’il aurait la force de tenir debout. Il faudrait peut-être qu’il rampe.