Elle regarda sa montre et vit qu’il était encore très tôt. Elle savait que Gabriela était déjà debout pour préparer le petit-déjeuner, mais les enfants devaient encore être au lit. Riley n’avait pas vraiment envie de leur expliquer sa décision, mais elle savait que Gabriela comprendrait si elle descendait et lui disait. Riley pouvait prendre quelque chose à manger et partir, et Gabriela le dirait aux filles avant de les envoyer à l’école.
Pendant ce temps, Riley devait s’habiller et préparer son bagage. Alors qu’elle se levait de son lit et se dirigeait vers la salle de bain, elle se rendit compte qu’elle se sentait mieux que depuis des jours.
Elle ferait bientôt quelque chose pour quoi elle était douée – même si cela pouvait être extrêmement dangereux.
CHAPITRE TROIS
Alors que l’avion du BAC décollait de Quantico, Riley commença à étudier les dossiers sur son ordinateur. Elle était sur le point de faire un commentaire sur un point particulier quand elle réalisa que Jenn Roston, assise à côté d’elle, ne faisait pas attention. Jenn regardait fixement par le hublot, apparemment perdue dans ses propres pensées.
— J’imagine qu’on ferait mieux de s’y mettre, dit Riley.
Mais elle n’eut pas eu de réponse de sa jeune coéquipière.
— Tu m’as entendue, Jenn ? dit Riley.
Encore une fois, il n’y eut pas de réponse.
Puis Riley dit plus sèchement :
— Jenn.
Jenn se tourna vers Riley avec une expression effrayée.
— Quoi ? dit-elle.
Riley avait l’impression que Jenn avait oublié où elle était.
Qu’est-ce qui se passe avec elle ? se demanda Riley.
Elles s’étaient dépêchées pour prendre l’avion à l’instant. Meredith n’avait même pas appelé les deux agents dans son bureau pour un briefing sur l’affaire. Au lieu de cela, il les avait retrouvées sur le tarmac à côté de l’avion en attente. Juste avant leur embarquement, Meredith avait fourni à la hâte des instructions à Riley sur comment télécharger les rapports de police pertinents. Elle l’avait à peine fait avant le décollage.
Maintenant, à mesure que l’avion prenait de l’altitude, elle s’attendait à tout revoir avec sa coéquipière. Mais Jenn n’avait pas l’air d’être elle-même.
Avec sa peau sombre, ses cheveux courts et raides et ses grands yeux intenses, la jeune partenaire de Riley ressemblait à une femme qui savait ce qu’elle faisait. Et c’était le cas d’habitude, mais aujourd’hui Jenn semblait distraite.
Riley montra son ordinateur.
— On a une affaire à résoudre.
Jenn acquiesça d’un signe de tête hâtif.
— Je sais. Qu’est-ce qu’on a ?
Tandis qu’elle parcourait les rapports de police, Riley dit :
— Pas grand-chose, du moins pas encore. Il y a une semaine, il y a eu un meurtre à Peterborough, dans la banlieue de Philadelphie. Justin Selves, un mari et père, a été tué dans sa maison. On lui a tranché la gorge.
— Quel était le mobile ? demanda Jenn.
— Au début, la police a supposé qu’il s’agissait d’un cambriolage qui avait mal tourné. Puis, pas plus tard qu’hier, une femme nommée Joan Cornell a été retrouvée morte dans sa propre maison à Springett, une banlieue juste à côté de Peterborough. On lui a aussi tranché la gorge, dit Riley.
Jenn inclina la tête.
— Peut-être que c’était juste un autre vol loupé. La cause de la mort pourrait n’être qu’une coïncidence. On dirait que ça devrait être facile à gérer sans notre aide pour les policiers locaux. On dirait pas que c’est un tueur en série.
En continuant à parcourir le rapport, Riley dit :
— Peut-être pas – sauf pour une chose étrange. Une chaise a été volée sur chaque scène de crime.
— Une chaise ? demanda Jenn.
— Oui, une chaise de salle à manger.
— Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? demanda Jenn.
— Rien encore, peut-être. C’est notre boulot de donner un sens à tout ça, dit Riley.
Jenn secoua la tête et marmonna :
— Des chaises. Nous enquêtons sur des chaises volées.
Puis elle haussa les épaules et ajouta :
— Je parie que ce n’est rien. Rien à examiner pour le BAC, en tout cas. Juste quelques meurtres stupides et méchants. Nous rentrerons probablement à Quantico avant même de nous en rendre compte.
Riley ne savait pas quoi dire. Elle n’avait pas l’habitude de se forger une opinion avant même qu’une affaire soit en cours. Ce n’était pas le cas de Jenn non plus, mais pour une raison ou une autre, Jenn semblait inhabituellement indifférente en ce moment.
Riley dit d’une voix prudente :
— Jenn, quelque chose ne va pas ?
— Non, dit Jenn. Pourquoi cette question ?
Riley tâtonna pour trouver les bons mots.
— Eh bien, c’est juste que… tu as l’air un peu…
Riley s’interrompit, puis dit :
— Tu me le dirais si quelque chose n’allait pas, n’est-ce pas ?
Jenn sourit faiblement.
— Qu’est-ce qui pourrait ne pas aller ? demanda-t-elle à Riley. Puis elle se tourna et regarda de nouveau par le hublot.
Riley se sentit mal à l’aise face la réponse évasive de Jenn. Elle se demandait si elle ne devrait pas insister. Jenn pouvait devenir susceptible quand les gens posaient trop de questions indiscrètes. Riley essaya de se convaincre que tout allait bien. C’est peut-être une humeur passagère de la part de Jenn.
Mais quand même.
Riley en savait beaucoup sur Jenn, surtout sur son passé. Elle savait que Jenn avait grandi dans une soi-disant “famille d’accueil” dirigée par une femme brillante et sinistre qui se faisait appeler “Tante Cora”. Tante Cora avait formé tous ses enfants placés à jouer un rôle dans son propre réseau criminel.
Jusqu’à présent, Jenn avait été la seule enfant adoptive à s’être échappée des griffes de tante Cora. Avec son esprit vif et sa personnalité décidée, elle avait gagné le respect en tant que policière, puis en tant qu’agente du BAC. Mais Riley savait que tante Cora avait pris contact avec Jenn pendant qu’elles travaillaient ensemble. Ces contacts avaient toujours semblé déranger la jeune agente, mais ils ne l’avaient jamais empêchée de faire son travail.
Qu’est-ce qui se passait maintenant ? Tante Cora essayait-elle de ramener Jenn dans sa sphère d’influence ?
Elle me le dirait sûrement, pensa Riley.
Toutes deux s’étaient méfiées l’une de l’autre lorsqu’elles avaient commencé à travailler ensemble, mais certaines affaires dangereuses les avaient beaucoup rapprochées. Elles avaient appris à se faire confiance au travers de sombres secrets. Jenn en savait même plus que Bill sur les fréquentations passées de Riley avec un génie criminel nommé Shane Hatcher.
Riley et Jenn avaient convenu de ne rien se cacher d’important. Riley hésitait donc à demander une explication maintenant.
Non, décida-t-elle. Je dois lui faire confiance.
Riley fronça les sourcils à sa propre pensée.
Sa rupture avec Blaine était encore très fraîche dans son esprit. Tout comme le comportement irresponsable d’April avec l’arme, et la bouderie de Jilly pour ne pas avoir eu d’arme elle-même.
Riley soupira silencieusement et pensa, La confiance me manque un peu en ce moment.
*
L’avion ne resta dans les airs qu’une heure avant d’atterrir à l’aéroport international de Philadelphie. Là-bas, les agentes furent accueillies par un policier qui les conduisit vers Springett, une banlieue aisée de Philadelphie. La voiture s’arrêta devant une charmante maison de trois étages, où deux autres véhicules officiels étaient déjà garés.
Riley et Jenn sortirent de la voiture et marchèrent vers la maison. Leur chauffeur sortit lui aussi et les suivit.
Un homme en uniforme aux cheveux blancs sortit de la maison et passa le ruban en travers du porche d’entrée. Il se présenta sous le nom de Jeremy Kree, le chef de la police de Peterborough, où le premier meurtre avait eu lieu.
En lui serrant la main, Riley dit :
— L’agente Roston et moi aurons besoin d’un véhicule pour nous déplacer pendant que nous sommes dans le secteur.