Блейк Пирс - Le Quartier Idéal стр 8.

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Elles étaient assises sur le sofa. Elles dévoraient la nourriture chinoise qu’on venait de leur livrer et avaient déjà bu la moitié d’une bouteille de vin rouge. Il était plus de vingt heures et Jessie était épuisée. C’était la journée la plus longue qu’elle ait connue depuis des mois.

“Je compte encore le faire mais pas tout de suite. Ils m’ont accordé un report unique. Je peux m’inscrire à un autre cours de l’Académie du moment que j’y vais dans les six mois. Autrement, il faudra que je postule à nouveau. Comme j’avais eu de la chance d’être admise cette fois-ci, tu peux être sûre que j’irai bientôt.”

“Et tu renonces à ça pour être flic de base à la Police de Los Angeles ?” demanda Lacy, incrédule.

“Une fois de plus, je ne renonce pas”, signala Jessie en prenant une gorgée dans son propre verre, “je remets à plus tard. J’ai déjà dû assurer la vente de la maison et ma guérison physique. Cette proposition a juste été l’élément décisif. En plus, ça a l’air cool !”

“Non”, dit Lacy, “ça a l’air complètement barbant. Même ton copain flic a dit que tu allais accomplir des tâches de routine et t’occuper des enquêtes inintéressantes dont personne ne veut.”

“Au début, oui, mais quand j’aurai un peu d’expérience, je suis sûre qu’ils me confieront quelque chose de plus intéressant. On est à Los Angeles, Lace. Ils ne pourront pas m’empêcher de m’occuper des fous.”

*

Deux semaines plus tard, quand voiture de patrouille déposa Jessie à un pâté de maisons de la scène du crime, elle remercia les agents de police et se dirigea vers la ruelle où elle avait vu qu’on avait déjà installé le cordon de police. Quand elle traversa la rue en évitant les conducteurs qui semblaient avoir plus envie de l’écraser que de l’éviter, elle se rendit compte que cela allait être sa première affaire de meurtre.

Quand elle repensa au peu de temps qu’elle avait passé à Central Station, elle comprit qu’elle avait eu tort de croire qu’ils ne pourraient pas l’empêcher de s’occuper des fous. D’une façon ou d’une autre, au moins jusque-là, ils l’avaient fait. En fait, ces jours-ci, elle passait le plus clair de son temps au poste et elle fouillait dans des caisses ouvertes pour vérifier si les papiers que Josh Caster avait remplis avant son départ étaient à jour. C’était une triste corvée.

Ce qui rendait les choses encore pires, c’était que Central Station donnait l’impression d’être une gare routière pleine de monde. Le bureau principal était immense. Elle était tout le temps noyée dans une masse de gens et elle n’était jamais tout à fait sûre si c’étaient des membres du personnel, des civils ou des suspects. Il fallait constamment qu’elle change de bureau car les profileurs qui n’avaient pas le signe “intérim” profitaient de leur ancienneté pour occuper les bureaux qu’ils préféraient. Quel que soit l’endroit où elle s’asseyait, Jessie avait toujours l’impression d’être juste au-dessous d’un néon qui clignotait.

Aujourd’hui, tout allait changer. Quand elle entra dans la ruelle qui partait de East 4th Street, elle vit l’inspecteur Hernandez à l’autre bout et espéra que cette enquête serait différente de celles qu’on lui avait attribuées jusque-là. Lors de toutes ces enquêtes, elle avait accompagné des inspecteurs mais on ne lui avait pas demandé son opinion. En fait, cela n’avait pas vraiment été nécessaire.

Des trois enquêtes sur le terrain qu’elle avait observées, deux avaient été des vols et une un incendie criminel. À chaque fois, le suspect avait avoué quelques minutes après son arrestation et l’un d’eux l’avait même fait sans qu’on l’interroge. L’agent devait déclarer ses droits au coupable et lui demander de répéter ses aveux.

Cependant, aujourd’hui, tout allait peut-être s’avérer différent. C’était le lundi d’avant Noël et Jessie espérait que l’esprit de cette période de l’année allait rendre Hernandez plus généreux que certains de ses collègues. Elle devait passer la journée avec lui et son collègue, un homme à lunettes dans les quarante ans du nom de Callum Reid. Ils devaient enquêter sur la mort d’un junkie qui avait été découvert au bout de la ruelle.

Il avait encore une seringue qui lui sortait du bras gauche et l’agent en uniforme n’avait appelé les inspecteurs que par formalité. Pendant que Hernandez et Reid parlaient à l’agent, Jessie passa sous le cordon de police et approcha du corps en faisant attention à ne pas marcher sur un endroit sensible.

Elle regarda le jeune homme, qui n’avait pas l’air plus âgé qu’elle. Il était afro-américain avec une coupe afro. Alors qu’il était allongé par terre et sans chaussures, elle voyait quand même qu’il était grand. Il lui paraissait familier.

“Devrais-je savoir qui est ce gars ?” cria-t-elle à Hernandez. “J’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part.”

“Probablement”, répondit Hernandez tout aussi fort. “Vous êtes allée à l’Université de Californie du Sud, n’est-ce pas ?”

“Oui”, dit-elle.

“Il a dû y être en même temps que vous pendant une année ou deux. Il s’appelait Lionel Little. Il y a joué au basket deux ou trois ans avant de se professionnaliser.”

“OK, je crois que je me souviens de lui”, dit Jessie.

“Il avait un service de la main gauche magnifique”, se rappela l’agent Reid. “Il me rappelait un peu George Gervin. C’était un débutant très apprécié mais il a fini par s’en aller au bout de quelques années. Il ne savait pas jouer dans la défense et n’arrivait pas à vivre avec tout cet argent ou selon le style de vie de la NBA. Il n’a duré que trois saisons avant de quitter entièrement la ligue. À ce stade, les drogues ont pris le relais. À un moment, il a fini à la rue.”

“Je le voyais de temps à autre”, ajouta Hernandez. “C’était un gosse sympa. Je ne l’ai jamais cité pour autre chose que vagabondage ou pour avoir uriné en public.”

Jessie se pencha un peu plus et regarda Lionel de plus près. Elle essaya de s’imaginer dans sa position, un enfant perdu, accro mais pas vraiment embêtant, parcourant les ruelles du centre-ville Los Angeles pendant les quelques dernières années. D’une façon ou d’une autre, il avait réussi à continuer à consommer de la drogue sans avoir d’overdose ni finir en prison. Et pourtant, il était là, allongé dans une ruelle, une seringue dans le bras, sans chaussures. Quelque chose n’allait pas.

Jessie s’agenouilla pour mieux observer l’endroit où la seringue lui sortait de la peau. Elle était profondément enfoncée dans sa peau qui, autrement, était lisse.

Sa peau lisse…

“Agent Reid, vous avez bien dit que Lionel avait un beau service de la main gauche, n’est-ce pas ?”

“Magnifique”, répondit-il admirativement.

“Donc, on peut supposer qu’il était gaucher ?”

“Oh oui, il était complètement gaucher. Il avait beaucoup de mal à utiliser la main droite. Les défenseurs en profitaient pour le battre complètement. C’est aussi pour ça qu’il n’a jamais réussi à être pro.”

“C’est bizarre”, marmonna-t-elle.

“Quoi ?” demanda Hernandez.

“C’est juste que … vous pouvez venir, les gars ? Il y a quelque chose qui me trouble dans cette scène de crime.”

Les inspecteurs approchèrent et s’arrêtèrent juste derrière l’endroit où elle était agenouillée. Elle désigna le bras gauche de Lionel.

“Cette seringue a l’air d’avoir été enfoncée très profondément dans le bras et à l’écart de toutes les veines.”

“Peut-être visait-il mal ?” suggéra Reid.

“Peut-être”, concéda Jessie, “mais regardez son bras droit. Il y a une série précise de lignes qui suivent toutes ses veines. C’est très méticuleux pour un drogué et c’est logique parce qu’il était gaucher. Bien sûr, il piquait son bras droit avec sa main dominante.”

“C’est effectivement logique”, convint Hernandez.

“Donc, je me suis dit qu’il était seulement moins adroit quand il utilisait sa main droite”, poursuivit Jessie. “Comme vous l’avez dit, agent Reid, il visait peut-être mal.”

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