« Et comment le sais-tu ? » demanda Mackenzie, préoccupée.
Ellington haussa les épaules et eut un sourire en coin. « Je garde un œil sur toi depuis que tu es arrivée ici. C’est un peu devenu mon hobby. Je t’ai recommandée, alors ma carrière est aussi un peu en jeu. Tes performances impressionnent tous les gens qui comptent vraiment. À ce stade, ce n’est vraiment plus qu’une formalité. À moins que tu parviennes à échouer totalement ces dernières huit semaines, je dirais que tu fais déjà partie du Bureau. »
Il prit une profonde inspiration et se prépara à continuer.
« Ce qui nous amène à la raison pour laquelle je voulais te parler. L’agent Bryers se trouve dans une situation un peu délicate et pourrait avoir besoin de ton aide. Mais je vais le laisser te l’expliquer. »
Bryers avait toujours l’air incertain concernant la situation. Ça se traduisait même dans la manière qu’il eût de reposer sa tasse de café et d’attendre quelques secondes avant de commencer à parler.
« Et bien, comme l’agent Ellington vous le disait, vous avez vraiment impressionné les personnes qui comptent. Durant ces deux derniers jours, votre nom m’a été présenté à trois reprises. »
« À quel sujet ? » demanda-t-elle un peu nerveusement.
« Je suis pour l’instant sur une affaire qui a amené l’agent qui était mon partenaire depuis treize ans à quitter le Bureau, » expliqua Bryers. « Il est proche de l’âge de la retraite de toutes façons, alors ce n’est pas vraiment une surprise. J’adore ce gars comme si c’était mon frère, mais il en a assez. Il en a vu de trop durant ses vingt-huit ans de service en tant qu’agent et il ne voulait pas d’un autre cauchemar qui le poursuive jusqu’à la retraite. Du coup, ça laisse une possibilité ouverte pour qu’un nouveau partenaire prenne sa place. Ce ne serait pas permanent – juste le temps de clôturer l’affaire qui nous occupe. »
Mackenzie sentit son coeur battre d’excitation et elle sut qu’elle devait se contrôler avant que son besoin de plaire et d’impressionner ne prenne le dessus. « C’est pour ça que mon nom vous a été présenté ? » demanda-t-elle.
« C’est ça, » dit Bryers.
« Mais il doit y avoir d’autres agents avec de l’expérience et qui pourraient mieux convenir que moi, non ? »
« Il y a probablement des agents qui conviendraient mieux, » dit Ellington sur un ton neutre. « Mais, autant qu’on puisse en juger, cette affaire a beaucoup de similarités avec celle du tueur épouvantail. Ça, plus le fait que ton nom apparaît régulièrement, fait que nos supérieurs pensent que tu es la candidate parfaite. »
« Mais je ne suis pas encore agent, » dit Mackenzie. « Je veux dire par là, qu’avec ce que vous me dites, pouvez-vous vraiment vous permettre d’attendre huit semaines ? »
« On n’attendrait pas, » dit Ellington. « Et au risque de paraître prétentieux, ce n’est pas une offre que le Bureau ferait à n’importe qui. Une opportunité comme celle-là – et bien, je suis sûr que tous ceux qui étaient en cours tout à l’heure avec toi sauteraient dessus. C’est tout à fait contraire aux règles et quelques personnes importantes ont décidé de regarder ailleurs. »
« Ça paraît vraiment… contraire à l’éthique, » dit Mackenzie.
« Ça l’est, » dit Ellington. « C’est même techniquement illégal d’une certaine manière. Mais on ne peut pas ignorer les similarités entre cette affaire et celle que tu as résolue au Nebraska. Soit on fait discrètement tout de suite appel à toi, soit on attend encore trois ou quatre jours en espérant trouver un nouveau partenaire à l’agent Bryers. Et le temps joue contre nous. »
Elle avait bien sûr envie de sauter sur l’occasion, mais tout était trop rapide. C’était précipité.
« Est-ce que je peux y réfléchir ? » demanda-t-elle.
« Non, » dit Ellington. « En fait, après cette réunion, je vais envoyer tous les dossiers de l’affaire à ton appartement pour que tu les révises. Je te laisse quelques heures pour que tu prennes connaissance du dossier et je te contacterai à la fin de la journée pour avoir ta réponse. Mais, Mackenzie… Je te recommande vivement d’accepter. »
Elle savait déjà qu’elle accepterait mais elle n’avait pas envie d’avoir l’air trop impatiente ou prétentieuse. En plus, il y avait un certain degré de nervosité qui commençait à s’installer en elle. C’était vraiment une opportunité énorme. Et pour qu’un agent aussi expérimenté que Bryers ait envie de son aide… et bien, c’était tout simplement incroyable.
« Pour te donner une idée générale, » dit Bryers, en se penchant au-dessus de la table et en baissant le son de sa voix. « Pour l’instant, nous avons retrouvé deux corps dans la même décharge. Les victimes étaient toutes les deux de jeunes femmes – l’une avait vingt-deux ans, l’autre dix-neuf. Elles ont été retrouvées nues et couvertes de bleus. Le corps le plus récent montrait des signes d’attouchements mais aucune trace de fluides corporels n’a été retrouvée. Les corps ont été retrouvés à un intervalle de deux mois et demi mais le fait qu’ils aient été trouvés dans la même décharge avec le même type de bleus… »
« Ce n’est pas une coïncidence, » dit Mackenzie, en y réfléchissant.
« Non, probablement pas, » dit Bryers. « Alors dis-moi… imaginons que ce soit ton affaire. Tu viens juste de la recevoir. Quelle serait la première chose que tu ferais ? »
La réponse lui vint à l’esprit en moins de trois secondes. Et lorsqu’elle la formula, elle se sentit glisser dans une sorte de vide – un endroit où elle savait qu’elle avait raison. Si elle avait eu un quelconque doute concernant le fait d’accepter ou pas cette affaire, il disparut au moment où elle donna sa réponse.
« Je commencerais par la décharge, » dit-elle. « Je voudrais voir la zone de mes propres yeux. Je voudrais également parler avec les membres de la famille. Est-ce que ces femmes étaient mariées ? »
« Celle de vingt-deux ans, » dit Ellington. « Elle était mariée depuis seize mois. »
« Alors oui, » dit Mackenzie. « Je commencerais par la décharge et j’irais parler avec le mari. »
Ellington et Bryers échangèrent un regard entendu. Ellington hocha la tête et pianota des doigts sur la table. « Alors, tu acceptes ? » demanda-t-il.
« J’accepte, » dit-elle, incapable de contenir plus longtemps son enthousiasme.
« Super, » dit Bryers. Il sortit un trousseau de clés de sa poche et le fit glisser à travers la table. « Pas besoin de perdre plus de temps. On y va. »
CHAPITRE TROIS
Il était treize heures trente-cinq quand ils atteignirent la décharge. Les trente degrés de chaleur intensifiaient la puanteur qui y régnait et le bruit des mouches était si intense qu’il résonnait telle une musique bizarre. Mackenzie avait conduit pendant que Bryers la mettait au courant des détails de l’affaire, depuis le siège passager.
Au moment où ils sortirent de voiture et s’approchèrent du dépotoir, Mackenzie pensait avoir une idée assez précise au sujet de Bryers. Il était dans l’ensemble un type du genre réglo. Et bien qu’il ne le dise pas, il était extrêmement nerveux par le fait qu’ils soient embarqués ensemble sur cette affaire, même si la hiérarchie avait approuvé ce choix les yeux fermés. Ça se trahissait dans la manière dont il se tenait et dans les coups d’oeil fugaces qu’il lui jetait de temps à autre.
Mackenzie marcha lentement pendant que Bryers se dirigeait vers les grandes poubelles vertes. Il s’en approcha comme si cet endroit lui était vraiment familier. Elle dut se rappeler qu’il était déjà venu auparavant sur ce site. Il savait à quoi s’attendre et en comparaison, elle se sentit comme une débutante – ce qu’elle était en fait.
Elle prit un moment pour observer l’endroit, vu qu’elle n’avait jamais vraiment eu l’occasion d’étudier des dépotoirs de près dans le passé. L’endroit où ils se trouvaient actuellement – la partie de la décharge qui était ouverte au trafic – n’était rien d’autre qu’un dépotoir. Six bennes à ordures en métal était alignées, placées dans un espace vide du terrain. Derrière le dépotoir, elle put voir la zone en contrebas où les camions à ordures venaient chercher leur charge. Pour arriver à cette zone où se trouvait la plupart des bennes à ordures, la route d’accès traversait une colline bien entretenue. La zone où elle se trouvait actuellement avec Bryers, en constituait le sommet, et la route à travers la décharge continuait en suivant les courbes de la colline pour permettre aux voitures de rejoindre un chemin qui connectait à l’autoroute, située derrière les bennes à ordures.