« Ne vous tracassez pas. Merci beaucoup, monsieur Atkins. »
« Vous savez, » dit-il, « peut-être que vous devriez parler à Amy Lucas. Vous vous rappelez d’elle ? »
Mackenzie essaya de se rafraîchir la mémoire mais n’y parvint pas. « Le nom me dit vaguement quelque chose, mais non… je ne me rappelle pas d’elle. »
« Elle vit sur Dublin Road… la maison blanche avec la vieille Cadillac posée sur des blocs dans l’allée. Cette carcasse se trouve là depuis des lustres. »
Il n’en fallut pas plus pour que Mackenzie se rappelle. Bien qu’elle ne connaisse pas personnellement Amy Lucas, elle se rappelait bien de la maison. La Cadillac en question datait des années 60. Elle était placée sur des blocs depuis une éternité. Mackenzie se rappelait très bien l’avoir souvent vue, durant ces années à Belton.
« Pourquoi elle ? » demanda Mackenzie.
« Elle et votre mère étaient vraiment de très bonnes amies à un moment donné. Le mari d’Amy est mort d’un cancer il y a trois ans. Depuis lors, elle ne vient plus aussi souvent en ville. Mais je me rappelle qu’elle et votre mère passaient beaucoup de temps ensemble. Elles allaient au bar ou jouaient aux cartes sur le porche d’Amy. »
Comme si monsieur Atkins avait comme par magie appuyé sur un bouton, Mackenzie se rappela soudain bien plus de choses qu’auparavant. Elle pouvait à peine visualiser le visage d’Amy Lucas, illuminé par une cigarette qu’elle tenait en bouche. C’est l’amie au sujet de laquelle papa et maman se disputaient souvent, pensa Mackenzie. Les soirs où maman rentrait saoule ou était absente le weekend, elle était avec Amy. J’étais trop jeune pour vraiment comprendre.
« Savez-vous où elle travaille ? » demanda Mackenzie.
« Nulle part. Je suis prêt à parier qu’elle est actuellement chez elle. Quand son mari est mort, elle a reçu un petit pécule. Elle se contente de rester chez elle et de se morfondre toute la journée. Mais s’il vous plaît… si vous allez la voir, je vous en supplie, ne lui dites pas que c’est moi qui vous y ai envoyé. »
« Je ne lui dirai rien. Encore merci, monsieur Atkins. »
« Pas de problème. J’espère que vous trouverez ce que vous cherchez. »
« Moi aussi. »
Elle sortit du magasin et se dirigea vers sa voiture. Elle scruta Main Street tout en se demandant : Mais qu’est-ce que je cherche exactement ?
Elle entra dans sa voiture et démarra en direction de Dublin Road, en espérant y trouver un début de réponse.
CHAPITRE SIX
Dublin Road était une route à deux bandes qui serpentait à travers bois. Des arbres gigantesques s’élevaient des deux côtés et escortèrent Mackenzie jusqu’à la maison d’Amy Lucas. Elle eut l’impression de voyager dans le temps, particulièrement quand elle arriva à proximité de la maison et vit la vieille Cadillac, posée sur ses blocs au bout de l’allée en graviers.
Elle se gara derrière la seule autre voiture présente dans l’allée, une Honda beaucoup plus récente, et sortit du véhicule. Au moment où elle posa le pied sur le porche, elle pensa à ce que monsieur Atkins lui avait dit concernant le fait que sa mère et Amy jouaient bien souvent aux cartes à cet endroit même. Le simple fait de savoir que sa mère avait un jour occupé ce porche la fit frissonner.
Mackenzie frappa à la porte qui s’ouvrit immédiatement. La femme qui se trouvait de l’autre côté n’était plus qu’un pâle souvenir de la personne dont Mackenzie se rappelait. Amy Lucas devait avoir la cinquantaine et avait le type de regard qui semblait perpétuellement méfiant. La plupart de ses cheveux châtains avaient tourné au gris. Ils étaient tirés en arrière et révélaient un front parsemé de vieilles cicatrices d’acné. Elle tenait une cigarette entre les doigts de sa main droite, dont la fumée dessinait des volutes.
« Madame Lucas ? » demanda Mackenzie. « Amy Lucas ? »
« C’est moi, » dit-elle. « Qui êtes-vous ? »
Mackenzie sortit son badge et répéta la même phrase de routine. « Mackenzie White, du FBI. J’espérais pouvoir vous poser… »
« Mac ! Merde ! Qu’est-ce que tu fais en ville ? »
Le fait que cette femme se rappelle visiblement très bien d’elle prit un peu Mackenzie par surprise mais elle parvint à garder sa contenance. « J’enquête sur une affaire et j’espérais que vous pourriez m’aider. »
« Moi ? » Elle se mit ensuite à rire du genre de rire qui était depuis longtemps devenu le son d’innombrables cigarettes lui affectant les poumons.
« Et bien, c’est au sujet de mon père. Et pour être tout à fait franche, je ne suis plus en très bons termes avec maman. Alors j’espérais que vous pourriez peut-être m’éclairer concernant quelques détails. »
Ses yeux méfiants rétrécirent durant un instant puis Amy hocha la tête et fit un pas de côté. « Viens, entre, » dit-elle.
Mackenzie entra et fut instantanément envahie par l’odeur nauséabonde de la fumée de cigarette. C’était comme un nuage suspendu dans la maison. Elle suivit Amy à travers un petit vestibule et jusque dans le salon, où elle s’assit dans un vieux fauteuil en lambeaux.
Mackenzie s’assit au bord d’un divan collé au mur du fond et fit de son mieux pour dissimuler le fait que la fumée de cigarette lui donnait envie de tousser.
« J’ai appris la nouvelle concernant votre mari, » dit Mackenzie. « Toutes mes condoléances. »
« Oui, c’était triste, mais on savait que ça allait arriver. Le cancer, c’est vraiment une merde. Mais… il était prêt à partir. La douleur était vraiment insoutenable vers la fin. »
Aucune phrase de transition ne vint ensuite à l’esprit de Mackenzie et vu qu’elle ne s’était jamais considérée comme étant très douée dans l’art de la conversation, elle fit de son mieux pour arriver dans le vif du sujet sans avoir l’air trop impolie.
« Et bien, je suis revenue en ville en espérant trouver davantage d’informations sur le meurtre de mon père. Pendant de longues années, l’enquête était restée en stand-by mais une autre série de meurtres ailleurs au Nebraska ont fait que nous nous y intéressions à nouveau. Je voulais vous parler car il semblerait que vous ayez été proche de ma mère. Je me demandais si vous pouviez m’en dire plus concernant l’état dans lequel elle se trouvait dans les jours précédents et suivants la mort de mon père. »
Amy aspira une bouffée de sa cigarette et s’enfonça dans son fauteuil. Elle n’avait plus l’air méfiant maintenant, mais plutôt triste.
« Mon dieu, ta mère me manque. Comment va-t-elle ? »
« Je ne sais pas, » dit Mackenzie. « On ne s’est pas parlé depuis plus d’un an. Il y a quelques problèmes en suspens entre nous, comme vous pouvez l’imaginer. »
Amy hocha la tête. « A-t-elle fini par sortir de cette… résidence ? »
Elle veut parler de l’hôpital psychiatrique, pensa Mackenzie. « Oui. Puis elle a loué un appartement quelque part et a continué à vivre sa vie. Elle nous a plus ou moins abandonnées, Stéphanie et moi. »
« Quand ton père est mort, ça a vraiment été dur pour elle, » dit Amy. « Le fait qu’elle soit là, sur ce divan, quand c’est arrivé – ça l’a vraiment foutue en l’air. »
Ouais, ça m’a pas mal foutue en l’air aussi, pensa Mackenzie. « Oui, on était tous là. Est-ce que maman vous a raconté quoi que ce soit concernant cette nuit-là ? Quelque chose qu’elle aurait vu ou entendu ? »
« Pas que je me rappelle. Je sais qu’elle était hantée par l’idée que la porte avait dû être ouverte – que la personne qui était entrée et avait tué ton père avait juste eu à traverser la maison. Ça la paniquait vraiment que ça ait pu être toi ou ta sœur. »
« Et pour finir, » dit Mackenzie, « tout le monde s’en est sorti sain et sauf. L’assassin voulait uniquement mon père. Est-ce que maman vous a parlé de quoi que ce soit concernant mon père qui ait pu vous sembler bizarre ? Peut-être des raisons pour que quelqu’un souhaite sa mort ? »
« Franchement, ta mère avait surtout parlé de combien elle le trouvait sexy dans son uniforme de police. Mais il était détective vers la fin, n’est-ce pas ? »