Alors qu’ils s’approchaient du côté Est du jardin, Mackenzie fut envahie par les odeurs enivrantes de fleurs. Elle reconnut des roses, des hortensias et de la lavande. Elle pouvait facilement imaginer qu’il s’agisse là d’un endroit bien agréable pour une personne aveugle – une façon de profiter pleinement de tous les autres sens.
Lorsqu’ils atteignirent un tournant du sentier qui menait plus profondément vers le côté de la roseraie, Jones se retourna et pointa un doigt derrière eux. « Si vous regardez à travers ces arbres de l’autre côté de la route, vous pouvez voir l’arrière de la résidence Wakeman, » dit-il tristement. « Elle était vraiment très près de nous quand elle est morte. »
Puis il sortit du sentier et passa à côté de deux grands pots de fleurs contenant des roses rouges. Mackenzie et Ellington le suivirent. Ils arrivèrent à un portail arrière qui était partiellement dissimulé par toutes les fleurs, les arbres et la végétation. Il y avait un espace vide d’environ quatre mètres, envahi de mauvaises herbes.
En traversant cet espace, Mackenzie put facilement imaginer qu’il s’agisse là d’un endroit parfait pour un meurtre. Randall Jones l’avait dit lui-même – personne ne venait jusqu’ici quand il faisait aussi chaud. L’assassin le savait probablement et avait utilisé cette information à son avantage.
« C’est ici que je l’ai trouvée, » dit Jones, en montrant du doigt l’espace vide entre les gros pots de fleurs et le portail noir en fer forgé. « Elle était couchée sur le ventre et pliée légèrement en deux. »
« C’est vous qui l’avez trouvée ? » demanda Ellington.
« Oui. Vers vingt et une heures quarante-cinq hier soir. Quand elle n’est pas rentrée à l’heure du couvre-feu, j’ai commencé à m’inquiéter. Après une demi-heure, je me suis dit qu’il valait mieux que je vienne voir si elle n’était pas tombée quelque part ou si elle ne s’était pas perdue. »
« Elle avait toujours tous ses habits ? » demanda Mackenzie.
« Oui, je pense que oui, » dit Randall, visiblement surpris par la question. « Mais sur le moment, ce n’est pas non plus la première chose que j’ai pensé à vérifier. »
« Et il n’y a absolument personne d’autre qui apparaît sur les enregistrements des caméras de surveillance de la résidence ? » demanda Ellington. « Personne ne la suivait ? »
« Personne. Vous pourrez visionner les enregistrements vous-mêmes quand nous rentrerons. »
Alors qu’ils rebroussaient chemin à travers la roseraie, Ellington posa une question qui turlupinait Mackenzie depuis déjà quelques minutes. « La résidence a vraiment l’air très calme aujourd’hui. C’est toujours comme ça ? »
« J’imagine qu’on peut dire que c’est une période de deuil. Notre communauté est très soudée à Wakeman et Ellis était vraiment très appréciée. Très peu de nos pensionnaires sont sortis de leur chambre aujourd’hui. De plus, nous les avons également informés que des agents de Washington allaient venir enquêter sur le meurtre d’Ellis. Depuis lors, plus personne n’est sorti de sa chambre. J’imagine qu’ils ont peur… qu’ils sont paniqués. »
Ça, plus le fait que personne ne l’ait suivie quand elle est sortie de la résidence, élimine la possibilité que l’assassin soit un pensionnaire, pensa Mackenzie. Le maigre dossier qu’ils avaient reçu sur la première victime indiquait que le meurtre avait eu lieu entre vingt-trois heures et minuit… et à une bonne distance de Stateton.
« Serait-il possible que nous parlions avec certains de vos pensionnaires ? » demanda Mackenzie.
« Je n’ai aucun problème avec ça, » dit Jones. « Mais bien entendu, s’ils sont mal à l’aise à l’idée que vous les interrogiez, je devrai vous demander d’arrêter. »
« Bien sûr. Je pense que je pourrais… »
Elle fut interrompue par la sonnerie de son téléphone. Elle y jeta un œil et vit qu’il s’agissait d’un numéro inconnu.
« Un instant, » dit-elle, en décrochant. Elle tourna le dos à Jones et répondit : « Agent White. »
« Agent White, c’est le shérif Clarke. Écoutez, je sais que vous venez juste de partir mais ce serait vraiment bien si vous pouviez revenir au commissariat aussi vite que possible. »
« Bien sûr. Tout va bien ? »
« Ça pourrait aller mieux, » dit-il. « Je viens d’avoir la visite de cet inutile de Langston Ridgeway, il veut parler avec vous concernant l’enquête sur le meurtre de sa mère et il commence à causer un peu un esclandre. »
Même au fin fond des bois, pas moyen d’échapper à la politique, pensa Mackenzie.
Exaspérée, elle fit de son mieux pour répondre sur un ton professionnel. « On sera là dans une dizaine de minutes, » dit-elle et elle raccrocha.
« Monsieur Jones, il faut que nous retournions chez le shérif, » dit-elle. « Pourriez-vous préparer ces enregistrements des caméras de sécurité pour quand nous reviendrons ? »
« Bien sûr, » dit Randall, en les accompagnant vers sa voiture.
« Et entre temps, » ajouta Mackenzie, « pourriez-vous également préparer une liste de toutes les personnes au sujet desquelles vous pourriez avoir le moindre soupçon ? Tant du côté des employés que des pensionnaires. Des gens qui connaîtraient par exemple la portée des caméras de sécurité dans le jardin. »
Jones hocha de la tête d’un air sombre. Mackenzie put voir sur son visage que c’était une idée qu’il avait lui-même prise en compte mais à laquelle il n’avait pas vraiment voulu croire. Cette expression ne le quitta pas lorsqu’il démarra la voiture pour les ramener à la résidence Wakeman. Sur le trajet, Mackenzie put à nouveau remarquer le silence et la tranquillité qui régnaient dans la petite ville – un peu comme le calme avant la tempête.
CHAPITRE QUATRE
La première image qui vint en tête à Mackenzie au moment où elle vit Langston Ridgeway fut qu’il ressemblait beaucoup à une mante religieuse. Il était grand et maigre, et il bougeait les bras comme de bizarres petites pinces quand il parlait. Le fait qu’il ait les yeux rouges de colère et hurle sur tous ceux qui essayaient de lui parler n’arrangeait pas les choses.
Le shérif Clarke les avait fait rentrer dans la petite salle de conférence qui se trouvait au bout du couloir – une pièce qui n’était pas beaucoup plus grande que son bureau. Langston Ridgeway se tenait là, grand comme une perche devant les portes fermées, et faisait passer sa colère sur Mackenzie et Ellington.
« Ma mère est morte, » gémit-il, « et j’aurais plutôt tendance à blâmer l’incompétence du personnel de cette fichue résidence. Et puisque ce semblant de shérif refuse de me laisser parler en personne avec Randall Jones, j’aimerais vraiment beaucoup savoir ce que vous comptez faire à ce sujet. »
Mackenzie attendit un instant avant de répondre. Elle essayait d’évaluer l’intensité de son chagrin. Avec la manière dont il se comportait, il était difficile de savoir si sa colère était provoquée par la perte d’un être cher ou s’il était juste une personne exécrable habituée à hurler des ordres aux autres. Pour l’instant, elle n’était pas certaine de le savoir.
« Pour être tout à fait honnête, » dit Mackenzie, « je suis assez d’accord avec le shérif. Pour l’instant, vous êtes en colère et vous souffrez. Et on dirait que vous cherchez à trouver un responsable. Je suis vraiment désolée pour votre perte. Mais le pire que vous puissiez faire maintenant serait d’attaquer la direction de la résidence. »
« Trouver un responsable ? » dit Ridgeway, visiblement habitué à ce que ses interlocuteurs se contentent de hocher la tête et être d’accord avec lui. « Si cet endroit est responsable de ce qui est arrivé à ma mère, alors je… »
« Nous avons rendu visite à la résidence et nous avons déjà parlé avec monsieur Jones, » dit Mackenzie, en l’interrompant. « Je peux vous assurer que ce qui est arrivé à votre mère est lié à des sources extérieures. Et si jamais il s’avérait que ce soit en interne, alors monsieur Jones n’en a certainement aucune connaissance. Ça, je peux vous l’assurer. »