—Je suis le directeur adjoint Marion Connor, lança-t-il. Et je suis le responsable du programme de stage d’été du FBI. Vous devriez tous être très fiers d’être ici aujourd’hui. Vous êtes un groupe très sélect et exceptionnel, trié sur le volet parmi des milliers de candidats...
Riley déglutit avec difficulté tandis qu’il continuait à féliciter le groupe.
Des milliers de candidats !
Cela lui paraissait tellement étrange. En réalité, elle n’avait pas fait de demande du tout. Elle avait tout simplement été choisie pour le programme à sa sortie de l’université.
Est-ce que j’ai vraiment ma place ici, se demanda-t-elle ?
Le directeur adjoint Connor présenta le groupe à un agent un peu plus jeune, Hoke Gilmer, le superviseur de la formation qui avait appelé Riley la veille. Gilmer demanda aux stagiaires de se lever et de lever la main droite afin de prêter le serment de fonction du FBI.
Riley se sentit étourdie au moment de prononcer les mots…
— Moi, Riley Sweeney, je jure solennellement que je soutiendrai et défendrai la Constitution des États-Unis contre tous les ennemis, étrangers et nationaux...
Elle dut chasser une larme d’un clignement d’œil tandis qu’elle continuait.
C’est réel, se dit-elle. C’est vraiment en train d’arriver.
Elle n’avait aucune idée de ce qui l’attendait à partir de ce moment.
Mais elle était sûre que sa vie ne serait plus jamais la même.
*
Après la cérémonie, Hoke Gilmer emmena les élèves faire une longue visite du bâtiment J. Edgar Hoover. Riley s’étonnait de plus en plus de la taille et de la complexité du bâtiment, et de toutes les activités qui s’y déroulaient. Il y avait diverses salles d’exercice, un terrain de basket-ball, une clinique médicale, une imprimerie, de nombreux laboratoires et salles informatiques, un champ de tir, et même une morgue et un atelier de réparation automobile.
Tout cela lui enivrait l’esprit.
Une fois la visite terminée, le groupe fut emmené à la cafétéria au huitième étage. Riley se sentait épuisée alors qu’elle posait de quoi manger sur son plateau, pas tant à cause des kilomètres de marche qu’elle avait faits, mais à cause de tout ce qu’elle avait vu et essayé d’assimiler.
A quel point allait-elle pouvoir profiter de cette merveilleuse installation au cours de ces dix prochaines semaines qu’elle devait passer ici ? Elle voulait apprendre tout ce qu’elle pouvait, aussi vite que possible.
Et elle voulait commencer tout de suite.
Alors qu’elle portait son plateau à la recherche d’un endroit pour manger, elle se sentait étrangement mal à l’aise. Les autres stagiaires semblaient déjà tisser des liens d’amitié et s’asseoir en groupe, discutant avec enthousiasme de la journée qu’ils passaient. Elle se dit qu’elle devrait s’asseoir parmi certains de ses jeunes collègues, se présenter et apprendre à en connaître quelques-uns.
Mais elle savait que ce ne serait pas facile.
Riley s’était toujours sentie comme une étrangère, et se faire des amis et s’intégrer n’avait jamais été naturel pour elle.
Et à ce moment elle se sentit plus timide encore que dans ses souvenirs les plus lointains.
Et était-ce juste son imagination, ou est-ce que certains stagiaires la regardaient et chuchotaient à son sujet ?
Elle venait tout juste de se décider à s’asseoir seule lorsqu’elle entendit une voix à côté d’elle.
— Tu es Riley Sweeney, n’est-ce pas ?
Elle se retourna pour découvrir un jeune homme qui avait déjà attiré son attention dans l’auditorium et pendant la visite. Elle n’avait pu s’empêcher de remarquer qu’il était remarquablement beau, un peu plus grand qu’elle, robuste et athlétique, avec de courts cheveux bouclés et un sourire agréable. Son costume avait l’air cher.
— Euh, oui, dit Riley, se sentant soudain encore plus timide qu’avant. Et tu es… ?
— John Welch. Enchanté de te rencontrer. Je te proposerais bien une poignée de main, mais...
Il indiqua d’un geste de la tête les plateaux qu’ils portaient tous les deux et rit un peu.
— Tu accepterais de t’asseoir avec moi ? demanda-t-il.
Riley espérait qu’elle n’était pas en train de rougir.
— Bien sûr, répondit-elle.
Ils s’assirent l’un en face de l’autre à une table et commencèrent à manger.
— Comment connaissais-tu mon nom ? demanda-t-elle.
— Tu plaisantes, pas vrai ? répondit John avec un sourire malicieux.
Riley fut surprise. Elle s’arrêta juste avant de dire...
Non, je ne plaisante pas.
— Presque tout le monde ici sait qui tu es, répondit-il dans un haussement d’épaule. Je suppose qu’on peut dire que ta réputation t’a précédée.
Riley regarda les autres élèves. Assurément, certains d’entre eux la regardaient encore et échangeaient des chuchotements.
Riley commença à réaliser...
Ils doivent savoir ce qui s’est passé à Lanton.
Mais que savaient-ils au juste ?
Et était-ce une bonne ou une mauvaise chose ?
Elle n’avait certainement pas prévu d’avoir une « réputation » parmi les stagiaires. L’idée la mit extrêmement mal à l’aise.
— Tu viens d’où ? demanda-t-elle.
— D’ici, Washington, répondit-il. Je viens de passer ma licence en criminologie, ce printemps.
— Quelle école ? demanda-Riley.
John rougit un peu.
— Euh, l’université George Washington.
Riley sentit ses yeux s’écarquiller à la mention d’une université aussi chère.
Il doit être riche, pensa-t-elle.
Elle le sentit également un peu mal à l’aise à ce sujet.
— Waouh, une licence en criminologie, dit-elle. Je viens d’avoir un diplôme en psychologie. Tu as vraiment une longueur d’avance sur moi.
John rit.
— Sur toi ? Je ne crois pas, non. Je veux dire, tu es probablement le seul stagiaire dans le programme à avoir une réelle expérience de terrain.
Riley se sentit à présent vraiment décontenancée.
Expérience de terrain ?
Elle n’avait jamais considéré ce qui s’était passé à Lanton comme une « expérience de terrain ».
— Je veux dire…continua John. Tu as contribué à traquer et à appréhender un véritable tueur en série. Je ne peux pas imaginer ce que ça a dû être. Je t’envie vraiment.
Riley fronça les sourcils et se tut. Elle ne voulut pas le dire, mais l’envie lui semblait être la dernière des émotions à ressentir au sujet de ce qu’elle avait vécu.
Qu’est-ce que John imaginait qu’il s’était passé pendant ces semaines terribles à Lanton ? Avait-il la moindre idée de ce que c’était que de trouver les corps de deux de ses meilleures amies, la gorge brutalement tranchée ?
Savait-il à quel point elle s’était sentie horrifiée et affligée, et aussi à quel point elle s’était sentie coupable ?
Elle était toujours hantée par l’idée que sa colocataire, Trudy, serait encore en vie si Riley avait mieux su veiller sur elle.
Et pouvait-il avoir la moindre idée de sa terreur lorsqu’elle était tombée entre les griffes du tueur ?
Riley prit une gorgée de soda et mélangea sa nourriture du bout de sa fourchette.
— C’était…eh bien, ce n’était pas ce que tu imagines, dit-elle. Ça s’est juste passé voilà tout.
John la regarda, désormais avec une réelle inquiétude.
— Je suis désolé, lui dit-il. Je suppose que tu ne veux pas en parler.
— Peut-être une autre fois, dit Riley.
Un silence gênant s’était installé. Ne voulant pas être impolie, Riley commença à poser des questions à John à propos de lui. Il semblait réticent à parler de sa vie et de sa famille, mais Riley réussit à le pousser un peu.
Les parents de John étaient tous deux d’éminents avocats, fortement impliqués dans la politique à Washington. Riley était impressionnée, non pas tant par les antécédents aisés de John que par la façon dont il avait choisi une voie différente de celle des autres membres de sa famille. Au lieu de poursuivre une carrière prestigieuse en droit et en politique, John s’était consacré à une vie plus humble au service de la loi.