Maïa Rosenberger - Le Grand Ski-Lift стр 6.

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— Le circuit du Grand Ski-lift est trop loin de la vallée. Sur la Sierra, il y a des milliers de villages qui, au fil du temps, se sont tous dotés d’une belle petite installation pour accueillir le tourisme hivernal. Avec le temps, les villages ont construit des liaisons transversales et ont créé les circuits de vallées ; les circuits de vallées se sont à leur tour rassemblés et ont donné naissance aux consortiums de la Sierra. On en est déjà à parler de amas. Vous êtes au courant de ces initiatives, Monsieur ?

— J’ai lu des choses dans les publicités des journaux. Il me semble qu’à certains endroits, on offre de longues traversées d’une vallée à l’autre en utilisant une sorte de super-forfait.

— Exactement ! Ce sont des circuits de montagne avec des remontées interconnectées. Quand le Professeur est arrivé au village pour assumer la charge de maire, il m’a embauché comme directeur des installations de Valle Chiara. Il m’a précisément parlé de ce Grand Réseau et de la façon dont il allait se développer. D’après ses informations, les consortiums évoluaient toujours, et franchissaient les frontières nationales en intégrant d’autres chaînes de montagnes, dans toutes les directions. En substance, il semble qu’en ce moment précis, personne n’a connaissance de l’extension réelle du réseau. Une immense toile d’araignée, avec des sous-réseaux périphériques, des lignes abandonnées, des connexions sans issue, et ainsi de suite…

— Excusez-moi, Monsieur le directeur, mais pourquoi le maire, ou le professeur, comme vous dites, tenait tellement à relier le village à ce grand circuit ?

—Eh bien, je vous donne la version officielle qui a permis à l’initiative de voir le jour, avec l’accord des gens du village. La connexion au Grand Ski-lift allait être une source de revenus pour cette vallée isolée. L'idée était donc de construire un téléphérique jusqu’aux plateaux… bien que les plateaux soient encore loin du Grand Ski-lift. Mais pour le maire, ce dernier point était sans importance dans le succès de l’entreprise. D’après ses calculs, un flux de trafic jusqu’au Grand Circuit se créerait spontanément autour du terminal. Il serait une sorte « d’attracteur ».

Cette description laissa Oskar assez perplexe.

— Une connexion illégale au Grand Ski-lift… Des gros sous, c’était ça, le projet !

— Plus ou moins. En réalité, notre installation s’arrête sur le premier plateau, à plusieurs miles du glacier central. Il y a encore deux plaines d’altitude à traverser, et croyez-moi, cela n’a rien d’aisé. D'autre part, vous vous rendez sûrement compte de la valeur que peut avoir une voie d’accès au Grand Ski-lift. Vous y êtes déjà allé ?

— Non, jamais.

— Des milliers et des milliers de pistes, de vallées recouvertes par la neige, d’hôtels, et un nombre inimaginable de structures de loisirs. Le tout à disposition des clients.

— Mais il doit bien y avoir une procédure de contrôle d’accès à ce Circuit ? demanda Oskar, abasourdi. Il doit falloir avoir une carte, il y a sûrement des contrôles permanents de la part du personnel des remontées.

—Vous avez raison, mais cependant, d’après les recherches demandées par le Professeur, le Grand Ski-lift est devenu au fil des ans un système trop complexe. Je m’explique : il semble qu’il y ait actuellement des milliers de cartes en circulation, un type pour chaque village homologué par le Grand Ski-lift, et que chaque année plusieurs centaines de nouvelles cartes soient distribuées. Par ailleurs, le personnel de contrôle est réduit au minimum, à cause des frais de gestion.

Oskar essaya de se souvenir des contrôles effectués quand il allait skier, des années auparavant. Mais cela faisait trop longtemps qu’il n’allait plus à la montagne. C’est peut-être pour ça que ces vacances à Valle Chiara lui avaient fait envie. Il avait sûrement besoin de se souvenir de choses qui s’étaient évaporées de son âme, et qui étaient peut-être liées au ski.

Le directeur ouvrit un tiroir et en sortit une carte.

— Nous aussi, dans la vallée, nous avons fait imprimer nos cartes.

— Mais ce n’est pas illégal ?

— Pas vraiment, si l’on en croit les consultants que le maire avait sollicités. Ce document a été rédigé de façon à ne pas enfreindre la loi. C’est une carte avec le nom du village, voilà tout.

Oskar examina le petit morceau de carton coloré :

— Je me souviens que pour accéder aux remontées mécaniques il y avait des contrôles automatiques sur des bandes magnétiques.

—Ce n’est plus le cas, apparemment, les contrôles faits par des machines reviennent très cher en entretien. C’est pour cela que le Grand Ski-lift ne peut pas exagérer avec les inspections, il faudrait pour cela un nombre excessif de contrôleurs et une forêt de dispositifs éparpillés sur la plus grande partie de l’hémisphère boréal.

Oskar demanda encore au directeur le type de carte qu’ils avaient choisi à Valle Chiara : ils n’avaient fait imprimer que des cartes pluriannuelles. Un document de transit permanent, concrètement : le summum de ce que le Grand Ski-lift pouvait offrir à un client.

Oskar se leva. La logique de ce projet était défaillante et l’affaire tout entière était faite de bric et de broc. Mais il était réconforté par ce qu’il avait découvert : il s’agissait d’une installation « expérimentale ».

Il fit une dernière observation :

— Pour résumer, le maire précédent a voulu construire un téléphérique non autorisé aux abords du Grand Ski-lift, dans l’intention d’attirer un mouvement périphérique vers la vallée. Une dérivation en mesure de s’intégrer au Grand Réseau avec le temps, en somme. C’était bien ça, le contenu du projet, n’est-ce pas, Monsieur le directeur ? Comme l’initiative en est encore à ses premiers pas, il est impossible de savoir si l’hypothèse du maire est valable. D’après ce que vous m’avez vous-même dit, on pourrait au début constater un afflux épisodique dans la vallée. Très probablement des personnes égarées ou en fuite, comme les Asiatiques, qui, une fois sur l’esplanade, s’enfuiraient dans le bois. Parce que c’est bien ce point qui reste obscur : l’idée n’est efficace que si ce programme touristique reste entièrement clandestin. Vous ne trouvez pas ça contradictoire ? Vous me permettrez de vous dire qu’une structure touristique ne peut pas rester secrète, par définition.

—Votre raisonnement est irréprochable, Monsieur Zerbi, mais le maire pensait qu’il n’y avait pas d’autre solution. Au contraire, la clandestinité des débuts devait même devenir un atout, toujours d’après les réflexions qu’il avait eues. Puis il regarda Oskar dans les yeux :

—Avez-vous idée du nombre de gens que brasse le Grand Ski-lift ?

— Non, pas la moindre.

— Eh bien, des millions de personnes, et pas uniquement des touristes. Le Circuit est maintenant devenu un gigantesque réseau dont personne ne connaît les limites. On dit qu’il existe des groupes extérieurs qui se sont formés à l’insu des actionnaires, que des consortiums transnationaux sont en train de se constituer ; certains les appellent même les superamas. Quelque chose d’immense, où le ski alpin est devenu un élément mineur, peut-être même une simple façade. Dans le projet du maire, il suffit de s’approcher le plus possible du Circuit pour créer mouvement et richesse dans la vallée.

Le directeur s’interrompit un instant, puis affirma :

— Même si les clients potentiels devaient au début être des voyageurs perdus en montagne !

— Je vous remercie pour toutes ces informations, et, vu les circonstances, je vais réfléchir… essayer de comprendre si c’est bien opportun de monter sur les plateaux.

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