Жорж Санд - Jean Ziska

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George Sand

Jean Ziska

NOTICE

J'ai écrit Jean Ziska entre la première et la seconde partie de Consuelo, c'est-à-dire entre Consuelo et la Comtesse de Rudolstadt. Ayant eu à consulter des livres sur l'histoire des derniers siècles de la Bohême, où j'avais placé la scène de mon roman, je fus frappée de l'intérêt et de la couleur de cette histoire des Hussites, qui n'existait en français que dans un ouvrage long, indigeste, diffus, quasi impossible à lire. Et pourtant ce livre avait sa valeur et ses côtés saisissants pour qui avait la patience de les attendre à venir. Je crois en avoir extrait la moelle en conscience et rétabli la clarté qui s'y noyait sous le désordre des idées et la dissémination des faits.

L'histoire de la Bohême est peu répandue chez nous. Pour en faire une étude particulière il faudrait savoir le bohême et le latin. Or, ne sachant pas mieux l'un que l'autre, je me vois forcé d'extraire d'un gros livre, estimable autant qu'indigeste, quelques pages sur la guerre des Hussites, comme explications, comme pièces à l'appui (c'est ainsi qu'on dit, je crois), enfin comme documents à consulter entre les deux séries principales d'aventures que j'ai entrepris de raconter sous le titre de Consuelo. En parcourant la Bohême à la piste de mon héroïne, j'avais été frappé du souvenir des antiques prouesses de Jean Ziska et de ses compagnons. Je pris alors quelques notes; et ce sont ces notes que je publie maintenant, avec prière aux lecteurs de ne prendre ceci ni pour un roman ni pour une histoire, mais pour le simple récit de faits véritables dont j'ai cherché le sens et la portée, dans mon sentiment plus que dans les ténèbres de l'érudition. Les personnes qui s'adonnent à la lecture du roman ne se piquent pas, en général, d'un plus grand savoir que celles qui l'écrivent. Il est donc arrivé que plusieurs dames m'ont demandé ingénument où le comte Albert de Rudolstadt avait été pêcher Jean Ziska; ce que Jean Ziska venait faire dans mon roman, sur la scène du dix-huitième siècle; enfin si Jean Ziska était une fiction ou une figure historique. Bien loin de dédaigner cette sainte ignorance, je suis charmé de pouvoir faire part à mes patientes lectrices du peu que j'ai lu sur cette matière, et de l'enrichir de quelques contradictions que je me suis permis de puiser à meilleure source; oserai-je dire quelquefois sous mon bonnet? Pourquoi non? J'ai toujours eu la persuasion qu'un savant sec ne valait pas un écolier qui sent parler dans son coeur la conscience des faits humains.

Mon récit commence à la fin de ce fameux et scandaleux concile de Constance, où les bûchers de Jean Huss et de Jérôme de Prague vinrent apporter un peu de distraction aux ennuis des vénérables pères et des prélats qui siégeaient dans la docte assemblée. Ou sait qu'il s'agissait d'avoir un pape au lieu de deux qui se disputaient fort scandaleusement l'empire du monde spirituel. On réussite en avoir trois. La discussion fut longue, fastidieuse. Les riches abbés et les majestueux évêques avaient bien là leurs maîtresses; Constance était devenu le rendez-vous des plus belles et des plus opulentes courtisanes de l'univers; mais que voulez-vous? On se lasse de tout. L'Église de ce temps-là n'était pas née pour la volupté seulement; elle sentait ses appétits de domination singulièrement méconnus chez les nations remuantes et troublées: le besoin d'un peu de vengeance se faisait naturellement sentir. Le grand théologien Jean Gerson était venu là de la part de l'Université de Paris pour réclamer la condamnation d'un de ses confrères, le docteur Jean Petit, lequel avait fait, peu d'années auparavant, l'apologie de l'assassinat du duc d'Orléans, sous la forme d'une thèse en faveur du tyrannicide. Jean Petit était la créature du meurtrier Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne; Jean Gerson, quoique dévoué aux d'Orléans, était animé d'un sentiment plus noble en apparence. Il avait à coeur de défendre l'honneur de l'Université, et de flétrir les doctrines impies de l'avocat sanguinaire. Il n'obtint pas justice; et voulant assouvir son indignation sur quelqu'un, il s'acharna à la condamnation de Jean Huss, le docteur de l'Université de Prague, le théologien de la Bohême, le représentant des libertés religieuses que cette nation revendiquait depuis des siècles.

A coup sûr, ce fut une étrange manière de prouver l'horreur du sang répandu, que d'envoyer aux flammes un homme de bien pour une dissidence d'opinion1; mais telle était la morale de ces temps; et il faut bien, sans trop d'épouvante, contempler courageusement le spectacle des terribles maladies au milieu desquelles se développait la virilité de l'intelligence, retenue encore dans les liens d'une adolescence fougueuse et aveugle. Sans cela nous ne comprendrons rien à l'histoire, et dès la première page nous fermerons ce livre écrit avec du sang. Ainsi, mes chères lectrices, point de faiblesse, et acceptez bien ceci avant de regarder la sinistre figure de Jean Ziska: c'est qu'au quinzième siècle, pour ne parler que de celui-là, rois, papes, évêques et princes, peuple et soldats, barons et vilains, tous versaient le sang comme aujourd'hui nous versons l'encre. Les nations les plus civilisées de l'Europe offraient un vaste champ de carnage, et la vie d'un homme pesait si peu dans la main de son semblable, que ce n était pas la peine d'en parler.

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