Антуан Франсуа Прево - Manon Lescaut / Манон Леско. Книга для чтения на французском языке стр 5.

Шрифт
Фон

Cependant la visite et la sortie furtive de M. de B me causaient de lembarras. Je rappelais aussi les petites acquisitions de Manon, qui me semblaient surpasser nos richesses présentes. Cela paraissait sentir les libéralités dun nouvel amant. Et cette confiance quelle mavait marquée pour des ressources qui métaient inconnues! Javais peine à donner à tant dénigmes un sens aussi favorable que mon cœur le souhaitait. Dun autre côté, je ne lavais presque pas perdue de vue depuis que nous étions à Paris. Occupations, promenades, divertissements, nous avions toujours été lun à côté de lautre ; mon Dieu! un instant de séparation nous aurait trop affligés. Il fallait nous dire sans cesse que nous nous aimions; nous serions morts dinquiétude sans cela. Je ne pouvais donc mimaginer presque un seul moment où Manon pût sêtre occupée dun autre que moi. À la fin, je crus avoir trouvé le dénouement de ce mystère. M. de B, dis-je en moi-même, est un homme qui fait de grosses affaires, et qui a de grandes relations ; les parents de Manon se seront servis de cet homme pour lui faire tenir quelque argent. Elle en a peut-être déjà reçu de lui ; il est venu aujourdhui lui en apporter encore. Elle sest fait sans doute un jeu de me le cacher, pour me surprendre agréablement. Peut-être men aurait-elle parlé si jétais rentré à lordinaire, au lieu de venir ici maffliger ; elle ne me le cachera pas, du moins, lorsque je lui en parlerai moi-même.

Je me remplis si fortement de cette opinion, quelle eut la force de diminuer beaucoup ma tristesse. Je retournai sur-le-champ au logis. Jembrassai Manon avec ma tendresse ordinaire. Elle me reçut fort bien. Jétais tenté dabord de lui découvrir mes conjectures, que je regardais plus que jamais comme certaines; je me retins, dans lespérance quil lui arriverait peut-être de me prévenir, en mapprenant tout ce qui sétait passé. On nous servit à souper. Je me mis à table dun air fort gai ; mais à la lumière de la chandelle qui était entre elle et moi, je crus apercevoir de la tristesse sur le visage et dans les yeux de ma chère maîtresse. Cette pensée men inspira aussi. Je remarquai que ses regards sattachaient sur moi dune autre façon quils navaient accoutumé. Je ne pouvais démêler si cétait de lamour ou de la compassion, quoiquil me parût que cétait un sentiment doux et languissant. Je la regardai avec la même attention; et peut-être navait-elle pas moins de peine à juger de la situation de mon cœur par mes regards. Nous ne pensions ni à parler, ni à manger. Enfin, je vis tomber des larmes de ses beaux yeux : perfides larmes! Ah Dieux! mécriai-je, vous pleurez, ma chère Manon ; vous êtes affligée jusquà pleurer, et vous ne me dites pas un seul mot de vos peines. Elle ne me répondit que par quelques soupirs qui augmentèrent mon inquiétude. Je me levai en tremblant. Je la conjurai, avec tous les empressements de lamour, de me découvrir le sujet de ses pleurs; jen versai moi-même en essuyant les siens; jétais plus mort que vif. Un barbare aurait été attendri des témoignages de ma douleur et de ma crainte. Dans le temps que jétais ainsi tout occupé delle, jentendis le bruit de plusieurs personnes qui montaient lescalier. On frappa doucement à la porte. Manon me donna un baiser, et séchappant de mes bras, elle entra rapidement dans le cabinet, quelle ferma aussitôt sur elle. Je me figurai quétant un peu en désordre, elle voulait se cacher aux yeux des étrangers qui avaient frappé. Jallai leur ouvrir moi-même. À peine avais-je ouvert, que je me vis saisir par trois hommes, que je reconnus pour les laquais de mon père. Ils ne me firent point de violence; mais deux dentre eux mayant pris par le bras, le troisième visita mes poches, dont il tira un petit couteau qui était le seul fer que jeusse sur moi. Ils me demandèrent pardon de la nécessité où ils étaient de me manquer de respect ; ils me dirent naturellement quils agissaient par lordre de mon père, et que mon frère aîné mattendait en bas dans un carrosse. Jétais si troublé, que je me laissai conduire sans résister et sans répondre. Mon frère était effectivement à mattendre. On me mit dans le carrosse, auprès de lui, et le cocher, qui avait ses ordres, nous conduisit à grand train jusquà Saint-Denis. Mon frère membrassa tendrement, mais il ne me parla point, de sorte que jeus tout le loisir dont javais besoin, pour rêver à mon infortune.

Jy trouvai dabord tant dobscurité que je ne voyais pas de jour à la moindre conjecture. Jétais trahi cruellement. Mais par qui? Tiberge fut le premier qui me vint à lesprit. Traître! disais-je, cest fait de ta vie si mes soupçons se trouvent justes. Cependant je fis réflexion quil ignorait le lieu de ma demeure, et quon ne pouvait, par conséquent, lavoir appris de lui. Accuser Manon, cest de quoi mon cœur nosait se rendre coupable. Cette tristesse extraordinaire dont je lavais vue comme accablée, ses larmes, le tendre baiser quelle mavait donné en se retirant, me paraissaient bien une énigme ; mais je me sentais porté à lexpliquer comme un pressentiment de notre malheur commun, et dans le temps que je me désespérais de laccident qui marrachait à elle, javais la crédulité de mimaginer quelle était encore plus à plaindre que moi. Le résultat de ma méditation fut de me persuader que javais été aperçu dans les rues de Paris par quelques personnes de connaissance, qui en avaient donné avis à mon père. Cette pensée me consola. Je comptais den être quitte pour des reproches ou pour quelques mauvais traitements quil me faudrait essuyer de lautorité paternelle. Je résolus de les souffrir avec patience, et de promettre tout ce quon exigerait de moi, pour me faciliter loccasion de retourner plus promptement à Paris, et daller rendre la vie et la joie à ma chère Manon.

Nous arrivâmes, en peu de temps, à Saint-Denis. Mon frère, surpris de mon silence, simagina que cétait un effet de ma crainte. Il entreprit de me consoler, en massurant que je navais rien à redouter de la sévérité de mon père, pourvu que je fusse disposé à rentrer doucement dans le devoir, et à mériter laffection quil avait pour moi. Il me fit passer la nuit à Saint-Denis, avec la précaution de faire coucher les trois laquais dans ma chambre. Ce qui me causa une peine sensible, fut de me voir dans la même hôtellerie où je métais arrêté avec Manon, en venant dAmiens à Paris. Lhôte et les domestiques me reconnurent, et devinèrent en même temps la vérité de mon histoire. Jentendis dire à lhôte : Ah! cest ce joli monsieur qui passait, il y a six semaines, avec une petite demoiselle quil aimait si fort. Quelle était charmante! Les pauvres enfants, comme ils se caressaient! Pardi[15], cest dommage quon les ait séparés. Je feignais de ne rien entendre, et je me laissais voir le moins quil métait possible. Mon frère avait, à Saint-Denis, une chaise à deux, dans laquelle nous partîmes de grand matin, et nous arrivâmes chez nous le lendemain au soir. Il vit mon père avant moi, pour le prévenir en ma faveur en lui apprenant avec quelle douceur je métais laissé conduire, de sorte que jen fus reçu moins durement que je ne my étais attendu. Il se contenta de me faire quelques reproches généraux sur la faute que javais commise en mabsentant sans sa permission. Pour ce qui regardait ma maîtresse, il me dit que javais bien mérité ce qui venait de marriver, en me livrant à une inconnue ; quil avait eu meilleure opinion de ma prudence, mais quil espérait que cette petite aventure me rendrait plus sage. Je ne pris ce discours que dans le sens qui saccordait avec mes idées. Je remerciai mon père de la bonté quil avait de me pardonner, et je lui promis de prendre une conduite plus soumise et plus réglée. Je triomphais au fond du cœur, car de la manière dont les choses sarrangeaient, je ne doutais point que je neusse la liberté de me dérober de la maison, même avant la fin de la nuit.

Ваша оценка очень важна

0
Шрифт
Фон

Помогите Вашим друзьям узнать о библиотеке

Скачать книгу

Если нет возможности читать онлайн, скачайте книгу файлом для электронной книжки и читайте офлайн.

fb2.zip txt txt.zip rtf.zip a4.pdf a6.pdf mobi.prc epub ios.epub fb3