Margaux pouvait imaginer lexpression de sa mère à cet instant. Tante Ida était sénile et plaisante, mais ne serait pas meilleure chaperone quun chiot.
« Oui3, elle fera une excellente chaperone », dit sa mère sarcastiquement.
Elle entendit son père rire. « Margaux est suffisamment grande et a une excellente tête sur ses épaules. Peu de choses pourraient lui arriver ici. »
Sa mère lâcha un soupir. « Peut-être pourrions-nous rentrer à Londres pour le bien de Jolie ? »
« Vous pensez que Yardley ou Summers vaudra quoique ce soit ? »
De lavis de Margaux, le Duc de Yardley était horrible. Elle ne lavait en réalité jamais rencontré, mais sa réputation lui faisait froid dans le dos. Il ne voulait que faire lacquisition de Jolie, et non pas avoir une relatoin avec elle. Summers était plus âgé que son père. Mais Jolie sen fichait. Elle avait toujours voulu être une duchesse. Margaux espérait que son père interviendrait.
« Il lui prête une attention particulière, selon ce que Lady Easton mécrit. » Lady Easton était la femme du neveu de Lady Ashbury, et chaperonnait lune des triplettes de Margaux pendant que Margaux et ses parents étaient en Écosse.
« Jaimerais en savoir plus sur lui. Je pense quil serait sage que nous soyons présents pendant quils se courtisent », dit Lord Ashbury. Linquiétude dans sa voix était évidente.
« Cela me fait souffrir tout entière de laisser Margaux ici. Je ne peux être à laise avec cela. Cependant, si nous pouvons bientôt revenir, je partirai si cest ce qui vous paraît le mieux », répondit sa mère. Margaux pouvait entendre la résignation dans sa voix.
« Cest le cas. Tout ira très bien pour elle. Peut-être que le bon docteur attirera son attention. »
« Il lui faudrait être aveugle pour ne pas remarquer ce bel et fort Écossais aux yeux bleus et à laccent délicieux », soupira Lady Ashbury en acquiescement. « Très bien, mon ami4. »
Lord Ashbury rit. « En effet, je suppose quil est beau. »
Margaux faillit sétrangler. Cela la propulsa dans la pièce.
« Bonjour, Maman5. » Elle embrassa sa joue. « Bonjour, Papa. » Elle fit le tour de la table et embrassa sa joue avant de remplir son assiette.
« Margaux, votre mère et moi avons décidé de rentrer à Londres pour le reste de la saison des bals. Nous pensons quil serait sage dêtre avec Jolie. »
Margaux se tourna et leva un sourcil inquisiteur, essayant dapparaître surprise.
« Cela ne veut pas dire que nous abandonnons, » déclara sa mère. « Nous vous donnons simplement un peu de temps pour réfléchir. Bien que cela fera jaser les commères. »
Margaux acquiesça. « Je serai très contente ici. Les filles au douaire me garderont occupée. »
« Mais quen est-il de vos propres enfants ? » demanda sa mère tendrement.
« Nous ne sommes pas tous chanceux en amour, Maman6. Jai déjà joué à cela une fois et jai perdu. Je refuse de me marier simplement pour avoir des enfants. Vivre à Breconrae suffisait à Grand-Mère7 et Tante Ida. »
Sa mère secoua simplement la tête avec perplexité.
« Et Tante Ida sera avec vous ici, pour les convenances », dit son père avec un clin dœil conspirateur.
« Merci, Maman 8et Papa, » dit-elle. Elle tenta de garder un visage impassible, ses lèvres tremblant.
Sa mère se leva. « Je vais aller dire aux domestiques de préparer nos bagages. Nous devrions partir aussi tôt que possible. »
Après le départ de sa mère, Margaux sassit et discuta confortablement avec son père. Le majordome entra et demanda si elle était disponible pour des visiteurs ce matin.
« Qui est là ? » demanda-t-elle.
« Lord Craig, et les demoiselles Douglas. »
« Oui, bien sûr. Je les attendais. » Margaux se leva. « Menez-les au petit salon, sil vous plaît. »
« Oui, Madame. »
Son père la suivit pour les saluer.
« Bonjour, Craig. » Il lui serra la main jovialement.
« Lady Margaux. » Lord Craig sinclina devant elle. « Vous souvenez-vous de Mademoiselle Catriona et Mademoiselle Maili Douglas ? »
« Bien sûr. Bienvenue. » Elle fit la révérence aux petites filles.
« Cest lune des princesses ! » sexclama Maili en se redressant dune profonde révérence.
« Je ne suis pas une princesse, Maili », dit Margaux avec un sourire, repensant à sa décision de shabiller sobrement exprès ce matin-là.
« Vous ressemblez à une princesse. » Ladmiration de lenfant était évidente.
Margaux rit et prit les mains des petites filles. « Voudriez-vous rencontrer quelques-unes de nos jeunes demoiselles au douaire ? Je my rends justement. »
Les filles hochèrent la tête avec excitation et la suivirent avec émerveillement.
« Puis-je vous prendre un peu de votre temps ? » demanda Gavin à Lord Ashbury quand Lady Margaux et les filles furent parties.
« Oui, bien sûr. Je voulais aussi vous parler avant notre départ », répondit Ashbury.
« Départ ? » Gavin ne sétait pas attendu à un départ si rapide après les conversations du soir précédent.
« Allons dans mon bureau pour discuter du vif du sujet. » Lord Ashbury brandit le bras pour indiquer à Gavin de traverser le hall, puis ferma la porte derrière eux. Il fit signe à Gavin de sasseoir.
« Nous avons décidé de rentrer à Londres, afin de faire meilleure connaissance avec le gentleman courtisant lune de nos autres filles. Jai convaincu ma femme de permettre à Margaux de rester ici pendant un petit moment. Peut-être Margaux verra-t-elle raison une fois quelle est loin de tout ce qui lui est familier. Je suis certain que rien narrivera à ma fille, mais puis-je peut-être vous demander de garder un œil sur elle de temps en temps et de mécrire ? Jimagine que vous amènerez les petites ici de temps à autres, et cela me rassurerait de savoir comment elle se porte. »
« Je serai ravi de le faire si Lady Margaux est favorable à mes visites », Gavin le rassura.
« Merci, Craig. Je nai aucun doute que Margaux et vous vous entendrez bien. Puis-je vous offrir à boire ? Le meilleur de toute lÉcosse. » Avant que Gavin ne puisse répondre à sa remarque énigmatique, Ashbury lui tendit un verre de whiskey que Gavin reconnut instantanément par son arôme comme étant du whisky Craig. Son frère avait peut-être capitalisé la recette, mais elle avait été héritée de génération en génération.
« Vous êtes donc une des personnes que mon frère approvisionnait ? » demanda Gavin.
« Bien sûr moi et la moitié de laristocratie qui ne sommes pas suffisamment chanceux pour avoir notre propre alambic en Écosse. Et ceux qui lui envient sa recette. »
« La moitié ? » Gavin leva les yeux, surpris.
« On trouve le whisky Craig dans les maisons les plus élégantes de Grande-Bretagne », dit Lord Ashbury en remuant le liquide doré dans son verre, le humant avec admiration.
« Je nen avais aucune idée », dit Gavin, complètement stupéfait.
« Il ne faut pas, bien sûr, en parler publiquement tant que la législation nest pas passée. Il est, pour beaucoup de distillateurs légaux, difficile de jouir dune vaste distribution en raison des impôts qui leur sont demandées. Quand vous serez mieux installé ici, vous devriez penser à accepter votre position à la chambre des Lords et faire entendre votre opinion sur le sujet », conseilla Lord Ashbury.