Terry Salvini - Masques De Cristal стр 3.

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Ok. Faisons ceci. Elle prit quelques billets. Si vous memmenez au tribunal pour onze heures, cette journée va devenir un de vos jours de chance.»

Lhomme suspendit son geste pour contempler loffre généreuse de sa cliente, et reprit son travail avec plus de zèle. Deux minutes plus tard, il était de nouveau au volant avec elle assise à larrière, qui regardait lécran de son téléphone en comptant les secondes qui sécoulaient.

Le trafic dense à hauteur de Hell's Kitchen ralentit la course du taxi jusquà lobliger à sarrêter. Ils avançaient désormais à pas dhomme. Le bruit des klaxons démontrait toute limpatience des conducteurs.

«Il ny a pas de bretelle pour sortir de ce foutoir? demanda Loreley.

Je suis désolé, Mademoiselle. Vous pensez que je ne la prendrais pas s'il y en avait une?

Je joue ma place!

Vous nimaginez pas combien de clients arrivent ici, chacun avec son histoire. Certains restent muets et presque immobiles, mignorent tout le trajet. Alors que dautres sont tellement nerveux Comme si le siège leur brûlait le cul. Et ils racontent nimporte quoi, comme vous.»

Loreley put le voir sourire dans le rétroviseur et sefforça de le lui rendre, encaissant la réponse grinçante.

«Mais il y a une chose quils ont tous en commun, continua-t-il. Une urgence infernale darriver à destination.

Elle respira profondément pour se calmer.

Je me suis déjà excusée, quest-ce que je peux faire dautre?

Rien! Je préfère les clients comme vous, Mademoiselle, à ceux momifiés.»

Cette-fois, Loreley lui sourit avec plus de conviction. Avec tout largent que je tai donné! pensa-t-elle en posant sa tête sur lappuie-tête.

La douleur dans sa nuque avait suffisamment diminué pour lui permettre de travailler, mais ne lavait pas tout à fait quittée.

Cétait peut-être le bon moment de recourir à un analgésique: le médecin lui avait répété plusieurs fois de le prendre quand la douleur nétait pas encore trop forte et de doubler la dose uniquement si cétait nécessaire. Mais son obstination et ses nombreuses occupations lavaient conduite à le faire de façon aléatoire, avec pour résultat quen quelques années, elle sétait retrouvée à avoir besoin dune dose plus importante.

Elle sortit la petite boîte en argent de son sac, louvrit, prit un comprimé et la referma, sarrêtant pour observer les deux L en or brillant gravés sur le couvercle: Lorenz Lehmann à une époque, son grand-père; aujourdhui, Loreley Lehmann.

Comme elle le craignait, elle arriva en retard au tribunal. Bien que le chauffeur nait pas réussi à tenir sa promesse, elle lui laissa la somme entière, déjà importante, pour compenser le fait quil avait dû supporter sa nervosité.

Elle monta le large escalier de marbre qui menait à lentrée du bâtiment en courant, dans lespoir dassister au moins au verdict. Elle savait heureusement où aller et ne devait pas perdre davantage de temps à demander des informations: cétait facile de se perdre dans cet environnement si vaste si on ne le connaissait pas parfaitement.

Loreley comprit avant même dentrer dans la salle que la sentence du cas Desmond avait été prononcée: la porte était ouverte et quelques personnes sortaient.

Merde, trop tard! Sa main se ferma en poing et elle frappa une surface invisible.

Immobile sur le seuil, elle jeta un coup dœil rapide à lintérieur: la lumière qui filtrait à travers les volets aux fenêtres était faible, mais suffisante pour voir la tension encore présente sur le visage des gens; public et jurés quittaient leur place, comme le juge Sanders, une petite femme âgée, qui emprunta la porte au fond de la salle.

Loreley entra dans le brouhaha qui allait crescendo, pour chercher son collègue Ethan Morris. Elle le trouva debout à côté de laccusée, Leen Soraya Desmond.

Comme sil avait perçu son arrivée, Ethan se tourna vers elle et esquissa un sourire forcé. Un instant plus tard, Leen se tourna également et ses yeux orientaux sétrécirent.

«Ça ne se terminera pas comme ça Lehmann! lui hurla-t-elle. Jaurai ma revanche tôt ou tard!» Tandis que deux agents en tenue lemmenaient, elle porta son attention sur un homme brun qui observait la scène à distance. «Mon père se souviendra de toi et de ce que tu mas fait Toujours!

Je noublierai pas moi non plus, Leen! Tu peux en être certaine» lui répondit-il dune voix forte et déterminée.

Curieuse, Loreley examina l'objet, ou plutôt le sujet de tant de rancœur, et se raidit dès quelle le reconnut, le fixant comme en transe. Dans sa tête, les images de la vieille pellicule reprirent leur cours, claires et rapides cette fois, sans interruption.

Oh, mon Dieu! Cest lui!

«Quest-ce quil tarrive? Cest à cause de ce que ma cliente ta dit? lui demanda Ethan en sapprochant.

Elle déboutonna la veste bleue ajustée qui lempêchait de respirer, jusquà ce que sa poitrine se soulève pour faire entrer lair dans ses poumons.

Pas vraiment. Je suis juste un peu fatiguée.

Lavocat lui sourit en acquiesçant.

Jimagine quhier a été une sorte de tour de force.

Oui. Et revoir cette femme Elle regarda la porte par laquelle Leen venait de sortir. Bah Ce nétait clairement pas un plaisir. Et je nai pas réussi à arriver à temps.

Ne tinquiète pas. Je ne dirai rien de ton retard à Kilmer, ni à lui ni à Sarah. Si tu viens manger avec moi, je te raconterai tout ce qui sest dit. Au cas où il te ferait subir un interrogatoire, tu sauras quoi lui répondre.

Je te remercie. Sache que je ne suis pas arrivée en retard exprès: le taxi a crevé un pneu.

Kilmer ne te croirait pas, mais je te connais mieux que lui. Allons manger: cest le seul plaisir quil me reste.»

Lhomme brun qui venait davoir un échange haineux avec laccusée les rejoignit et les arrêta à peine le seuil franchi. Loreley serra la poignée de son sac au point de planter ses ongles dans la paume de sa main.

«Maître Morris, mes félicitations pour lexcellente défense. Mais je suis heureux quelle nait pas suffi à vous faire gagner, dit le nouvel arrivant avant de leur sourire, tandis quelle faisait un pas en arrière par discrétion.

Je peux vous comprendre, Monsieur Marshall. Ethan semblait embarrassé.

Je vous souhaite une bonne journée, Maître, dit encore lautre, avant de tourner son regard vers Loreley. Salut Lory.» Il la fixa longuement, comme sil voulait lui parler mais ne savait pas quoi dire.

Submergée de sensations et de pensées contradictoires, elle ouvrit la bouche pour répondre à son salut: elle narriva pas à prononcer une parole.

Il lui sourit, bien que ses yeux dune couleur proche de lambre paraissent sérieux. «La prochaine fois, je préfèrerais que lon se voie loin de cet endroit» finit-il. Il tourna le dos et séloigna.

Ethan gratta sa nuque rasée de près. «Quest-ce que tu as, Loreley? Tu ne las même pas salué.

Excuse-moi Je ne sais pas ce qui ma pris.

Elle le vit secouer la tête, ses yeux exprimant de la confusion.

Daccord, allons-y: je nai pas mangé ce matin à cause de la nervosité et, maintenant que tout est terminé, la faim se fait sentir.»

***

Une semaine sécoula, durant laquelle Loreley se sentit plus sereine et réussit à ne pas trop penser à ce quelle avait fait. Les rares fois où cela arrivait, surtout quand elle était seule au lit, elle chassait ses souvenirs, prenait un livre au hasard et lisait jusquà ce que ses yeux rougissent de fatigue et quelle sécroule, endormie; ou elle regardait des documentaires divers à la télévision. Tout convenait pour focaliser son attention sur autre chose.

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