Gustave Aimard - Le fils du Soleil стр 10.

Шрифт
Фон

-Que le sage matchi approche et accomplisse les rites!

-Un matchitum est nécessaire, dit le matchi d'une voix solennelle.

On fit immédiatement les préparatifs usités pour cette conjuration. Deux lances furent plantées l'une à droite, l'autre à gauche de l'arbre sacré; à gauche d'elles on suspendit un tambour et un vase rempli de boisson fermentée; douze autres vases, contenant la même liqueur, furent rangés circulairement d'une lance à l'autre. On apporta on mouton et un poulain garrottés, qui furent déposés près des vases, et deux vieilles femmes se placèrent à côté des tambours. Les préparatifs terminés, le matchi se tourna vers Neham-Outah.

-Pourquoi l'ulmen des Aucas demande-t-ile le matchitum? dit-il.

Métipan s'avança d'un pas hors du cercle.

-Une haine héréditaire a longtemps séparés les Aucas et les Pehuenches, fit Métipan. L'intérêt de toutes les grandes nations veut la fin de cette haine. Kezilipan, non aïeul, ulmen des Pehuenches, enleva une esclave blanche appartenant à Medzelipulzi, toqui des Aucas, et arrière grand'père de Neham-Outah. Devant les chefs assemblés, devant la face du ciel, je viens dire à Neham-Outah, le descendant de Yupanqui, le fils du Soleil, que mon aïeul a mal agi avec le sien, et je suis prêt, pour éteindre toute discorde passée, présente et future, à lui remettre ici une esclave blanche, jeune, belle et vierge.

-J'abjure devant Gualichu répondit Neham-Outah, la haine que ma nation et moi avions jurée à la tienne.

-Gualichu nous approuve-t-il? demanda Métipan.

Le matchi sembla réfléchir profondément.

-Oui, reprit-il, la protection de Gualichu vous est acquise Qu'on amène l'esclave blanche; peut-être exigera-t-il qu'elle lui soit livrée à lui-même au lieu d'appartenir à un homme.

-Que sa volonté soit faite! dirent les deux ulmenes.

Deux guerriers conduisirent une jeune fille de dix-sept ans environ et la placèrent entre les deux lances, le visage tourné vers l'arbre de Gualichu. A sa vue, Sanchez sentit par tout son corps une sueur froide et je ne sais quel frisson; un nuage voilà ses yeux.

-D'où me vient cette émotion étrange! se murmura le bombero à lui-même.

Les grands yeux noirs de la jeune fille, dont la taille se pliait comme un roseau, avaient une expression de douceur et de tristesse. Elle était vêtue à la mode des femmes pehuenches. Le quedeto de laine s'enroulait autour de son corps, assujetti sur ses épaules par deux épingles d'argent, et sur ses membres par un kepike ou une ceinture de soie large de six pouces et serrée par une boucle. Les deux coins d'un pilken carré, comme un manteau, s'attachaient sur la poitrine par un topu orné d'une magnifique tête en or. Elle avait au cou deux échepels (colliers) de verroterie, et à chacun des ses bras quatre charrecur de perles de verre et de grains d'argent soufflé. Ses longs cheveux noirs se divisaient au milieu de la tête en deux queues tressées et guirlandées de rubans bleus qui flottaient sur ses épaules et se terminaient par de petits grelots. Elle était coiffée d'une luchu ou bonnet conique de perles de verre de couleur bleue et rouge.

A cette gracieuse apparition, les Indiens, qui sont très-friands de femmes blanches, ne purent, malgré leur impassibilité naturelle, retenir un murmure d'admiration.

Sur un signe du matchi, la cérémonie commença. Les deux vieilles Indiennes battirent le tambour, pendant que les assistants, guidés par le sorcier, entonnèrent une chanson symbolique en dansant autour de la captive.

La danse cessa avec le chant; puis le matchi alluma un cigare, en huma la fumée et vint en parfumer par trois fois l'arbre, les animaux et la jeune fille, dont il découvrit aussitôt la poitrine. Il y appliqua sa bouche et se mit à sucer jusqu'à en exprimer le sang. La pauvre enfant faisait des efforts surhumains pour ne pas crier. Les danses, accompagnées de chant, recommencèrent, et les vieilles femmes tapaient sur leurs tambours à tour de bras. Sanchez, plein de compassion pour l'innocente victime de la superstition des Indiens, eut envie de voler à son secours.

Cependant, le matchi, les joues gonflées, s'échauffait peu à peu; ses yeux s'injectaient de sang, il sembla possédé du démon et devint tout-à-fait furieux; il se démenait et se tordait comme un épileptique. Dès lors la danse s'arrêta, et Metipan, d'un coup de machete, ouvrit les flancs du poulain, en arracha le coeur tout palpitant encore et le donna au sorcier, que en suça le sang et s'en servit pour faire une croix sur le front de la jeune fille. Celle-ci, en proie à un effroi inexprimable, tremblait de tous ses membres.

L'orage, qui se promettait menaçant dans les nues, éclata enfin. Un éclair blafard sillonna le ciel, le tonnerre courait avec des roulements terribles, et une rafale de vent tourbillonna sur la plaine et balaya les toldos, dont elle dispersa au loin les débris.

Les Indiens s'arrêtèrent, consternés par l'orage.

Tout à coup une voix formidable, qui paraissait sortir de l'arbre de Gualichu, jeta ces mots sinistres:

-Retirez-vous, Indiens! ma colère est déchaînée contre vous. Laissez ici cette misérable esclave blanche en expiation de vos crimes. Fuyez! et malheur à ceux qui détourneront la tête! malheur! malheur!

Un éclair livide et un violent coup de tonnerre servirent de péroraison à ce discours.

-Fuyons! s'écria le matchi terrifié et prêt à croire à son Dieu.

Mais, profitant de cette intervention inattendue pour affermir son propre pouvoir, il continua:

-Fuyons, mes frères! Gualichu a parlé à son serviteur, malheur à ceux qui résisteront à ses ordres!

Les Indiens n'avaient pas besoin de cette recommandation de leur sorcier: une terreur superstitieuse leur donnait des ailes; ils se précipitèrent en tumulte du côté de leurs chevaux, et bientôt le désert retentit de leur course folle. Les alentours de l'arbre de Gualichu furent abandonnés. Seule, la jeune fille la poitrine encore découverte, gisait évanouie sur le sol.

Lorsque tout fut calme dans la Pampa, lorsque le bruit du galop des chevaux se fut perdu dans le lointain, Sanchez avança doucement la tête hors de l'arbre, scruta de l'oeil les profondeurs noires de la nuit, et, rassuré par le silence, il s'élança vers la jeune fille. Pâle comme un beau lis abattu par la tempête, les yeux fermés, la pauvre enfant ne respirait plus. Le bombero la souleva dans ses bras nerveux et la transporta tout près de l'arbre sur un amas de peaux d'un toldo renversé. Il la posa avec précaution sur cette couche moins dure; sa tête se pencha insensible sur son épaule.

Groupe étrange, au milieu de cette plaine dévastée, troublée par la foudre et illuminée d'éclairs! Tableau touchant! cette jeune et charmante créature et ce rude coureur des bois!

La douleur et la pitié étaient peintes sur le visage de Sanchez. Lui, dont la vie n'avait été qu'un long drame, qui n'avait nulle croyance dans le coeur, qui ignorait les doux sentiments et les secrètes sympathies, lui, le bombero, le tueur d'indiens, il était ému et sentait quelque chose de nouveau se remuer dans ses entrailles. Deux grosses larmes coulèrent sur ses joues bronzées.

-Serait-elle morte, ô mon Dieu?

Le nom de Dieu, qui ne lui servait qu'à blasphémer, il le prononça presque avec respect. C'était une sorte de prière, un cri de son coeur. Cet homme croyait.

-Comment la secourir! se demandait-il.

L'eau qui tombait par torrents finit par ranimer la jeune fille, que, entr'ouvrant les yeux, murmura d'une voix éteinte:

-Où suis-je? que s'est-il donc passé?

-Elle parle, elle vit, elle est sauvée! s'écria Sanchez.

Ваша оценка очень важна

0
Шрифт
Фон

Помогите Вашим друзьям узнать о библиотеке

Скачать книгу

Если нет возможности читать онлайн, скачайте книгу файлом для электронной книжки и читайте офлайн.

fb2.zip txt txt.zip rtf.zip a4.pdf a6.pdf mobi.prc epub ios.epub fb3

Популярные книги автора