Мопассан Ги Де - Boule de Suif / Пышка. Книга для чтения на французском языке стр 5.

Шрифт
Фон

On sentretint de la guerre, naturellement. On raconta des faits horribles des Prussiens, des traits de bravoure des Français ; et tous ces gens qui fuyaient rendirent hommage au courage des autres. Les histoires personnelles commencèrent bientôt, et Boule de Suif raconta, avec une émotion vraie, avec cette chaleur de parole quont parfois les filles pour exprimer leurs emportements naturels, comment elle avait quitté Rouen : « Jai cru dabord que je pourrais rester, dit-elle. Javais ma maison pleine de provisions, et jaimais mieux nourrir quelques soldats que mexpatrier je ne sais où. Mais quand je les ai vus, ces Prussiens, ce fut plus fort que moi ! Ils mont tourné le sang de colère ; et jai pleuré de honte toute la journée. Oh ! si jétais un homme, allez ! Je les regardais de ma fenêtre, ces gros porcs avec leur casque à pointe, et ma bonne me tenait les mains pour mempêcher de leur jeter mon mobilier sur le dos. Puis il en est venu pour loger chez moi ; alors jai sauté à la gorge du premier. Ils ne sont pas plus dififciles à étrangler que dautres ! Et je laurais terminé, celui-là, si lon ne mavait pas tirée par les cheveux. Il a fallu me cacher après ça. Enfin, quand jai trouvé une occasion, je suis partie, et me voici. »

On la félicita beaucoup. Elle grandissait dans lestime de ses compagnons qui ne sétaient pas montrés si crânes ; et Cornudet, en lécoutant, gardait un sourire approbateur et bienveillant dapôtre ; de même un prêtre entend un dévôt louer Dieu, car les démocrates à longue barbe ont le monopole du patriotisme comme les hommes en soutane ont celui de la religion. Il parla à son tour dun ton doctrinaire, avec lemphase apprise dans les proclamations quon collait chaque jour aux murs, et il finit par un morceau déloquence où il étrillait magistralement cette « crapule de Badinguet[22] ».

Mais Boule de Suif aussitôt se fâcha, car elle était bonapartiste. Elle devenait plus rouge quune guigne, et, bégayant dindignation : « Jaurais bien voulu vous voir à sa place, vous autres. Ça aurait été du propre, ah oui ! Cest vous qui lavez trahi, cet homme ! On naurait plus quà quitter la France si lon était gouverné par des polissons comme vous ! » Cornudet, impassible, gardait un sourire dédaigneux et supérieur, mais on sentait que les gros mots allaient arriver quand le comte sinterposa et calma, non sans peine, la fille exaspérée, en proclamant avec autorité que toutes les opinions sincères étaient respectables. Cependant la comtesse et la manufacturière, qui avaient dans lâme la haine irraisonnée des gens comme il faut pour la République, et cette instinctive tendresse que nourrissent toutes les femmes pour les gouvernements à panache et despotiques, se sentaient, malgré elles, attirées vers cette prostituée pleine de dignité, dont les sentiments ressemblaient si fort aux leurs.

Le panier était vide. À dix on lavait tari sans peine, en regrettant quil ne fût pas plus grand. La conversation continua quelque temps, un peu refroidie néanmoins depuis quon avait fini de manger.

La nuit tombait, lobscurité peu à peu devint profonde, et le froid, plus sensible pendant les digestions, faisait frissonner Boule de Suif, malgré sa graisse. Alors Mme de Bréville lui proposa sa chaufferette dont le charbon, depuis le matin, avait été plusieurs fois renouvelé, et lautre accepta tout de suite, car elle se sentait les pieds gelés. Mmes Carré-Lamadon et Loiseau donnèrent les leurs aux religieuses.

Le cocher avait allumé ses lanternes. Elles éclairaient dune lueur vive un nuage de buée au-dessus de la croupe en sueur des timoniers, et, des deux côtés de la route, la neige qui semblait se dérouler sous le reflet mobile des lumières.

On ne distinguait plus rien dans la voiture ; mais tout à coup un mouvement se fit entre Boule de Suif et Cornudet ; et Loiseau, dont lœil fouillait lombre, crut voir lhomme à la grande barbe sécarter vivement comme sil eût reçu quelque bon coup lancé sans bruit.

Des petits points de feu parurent en avant sur la route. Cétait Tôtes. On avait marché onze heures, ce qui, avec les deux heures de repos laissées en quatre fois aux chevaux pour manger lavoine et soufler, faisait quatorze. On entra dans le bourg et devant lHôtel du Commerce on sarrêta.

La portière souvrit ! Un bruit bien connu fit tressaillir tous les voyageurs ; cétaient les heurts dun fourreau de sabre sur le sol. Aussitôt la voix dun Allemand cria quelque chose.

Bien que la diligence fût immobile, personne ne descendait, comme si lon se fût attendu à être massacré à la sortie. Alors le conducteur apparut, tenant à la main une de ses lanternes qui éclaira subitement jusquau fond de la voiture les deux rangs de têtes effarées, dont les bouches étaient ouvertes et les yeux écarquillés de surprise et dépouvante.

À côté du cocher se tenait, en pleine lumière, un officier allemand, un grand jeune homme excessivement mince et blond, serré dans son uniforme comme une fille en son corset, et port ant sur le côté sa casquette plate et cirée qui le faisait ressembler au chasseur dun hôtel anglais. Sa moustache démesurée, à longs poils droits, samincissant indéfiniment de chaque côté et terminée par un seul fil blond, si mince quon nen apercevait pas la fin, semblait peser sur les coins de sa bouche, et, tirant la joue, imprimait aux lèvres un pli tombant.

Il invita en français dAlsacien les voyageurs à sortir, disant dun ton raide : « Foulez-vous tescentre, messieurs et tames ? »

Les deux bonnes sœurs obéirent les premières avec une docilité de saintes filles habituées à toutes les soumissions. Le comte et la comtesse parurent ensuite, suivis du manufacturier et de sa femme, puis de Loiseau poussant devant lui sa grande moitié. Celui-ci, en mettant pied à terre, dit à lofficier : « Bonjour monsieur », par un sentiment de prudence bien plus que par politesse. Lautre, insolent comme les gens tout-puissants, le regarda sans répondre.

Boule de Suif et Cornudet, bien que près de la portière, descendirent les derniers, graves et hautains devant lennemi. La grosse fille tâchait de se dominer et dêtre calme : le démoc tourmentait dune main tragique et un peu tremblante sa longue barbe roussâtre. Ils voulaient garder de la dignité, comprenant quen ces rencontres-là chacun représente un peu son pays ; et pareillement révoltés par la souplesse de leurs compagnons, elle, tâchait de se montrer plus fière que ses voisines, les femmes honnêtes, tandis que lui, sentant bien quil devait lexemple, continuait en toute son attitude sa mission de résistance commencée au défoncement des routes.

On entra dans la vaste cuisine de lauberge, et lAllemand, sétant fait présenter lautorisation de départ signée par le général en chef et où étaient mentionnés les noms, le signalement et la profession de chaque voyageur, examina longuement tout ce monde, comparant les personnes aux renseignements écrits.

Puis il dit brusquement : « Cest pien », et il disparut.

Alors on respira. On avait faim encore ; le souper fut commandé. Une demi-heure était nécessaire pour lapprêter ; et, pendant que deux servantes avaient lair de sen occuper, on alla visiter les chambres. Elles se trouvaient toutes dans un long couloir que terminait une porte vitrée marquée dun numéro parlant.

Enfin on allait se mettre à table, quand le patron de lauberge parut lui-même. Cétait un ancien marchand de chevaux, un gros homme asthmatique, qui avait toujours des sifflements, des enrouements, des chants de glaires dans le larynx. Son père lui avait transmis le nom de Follenvie.

Ваша оценка очень важна

0
Шрифт
Фон

Помогите Вашим друзьям узнать о библиотеке

Скачать книгу

Если нет возможности читать онлайн, скачайте книгу файлом для электронной книжки и читайте офлайн.

fb2.zip txt txt.zip rtf.zip a4.pdf a6.pdf mobi.prc epub ios.epub fb3

Популярные книги автора