Жорж Санд - Lélia

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George Sand

Lélia

NOTICE

Après Indiana et Valentine, jécrivis Lélia, sans suite, sans plan, à bâtons rompus, et avec lintention, dans le principe, de lécrire pour moi seule. Je navais aucun système, je nappartenais à aucune école, je ne songeais presque pas au public; je ne me faisais pas encore une idée nette de ce quest la publicité. Je ne croyais nullement quil pût mappartenir dimpressionner ou dinfluencer lesprit des autres.

Était-ce modestie? Je puis affirmer que oui, bien quil ne paraisse guère modeste de sattribuer une vertu si rare. Mais comme, chez moi, ce nétait pas vertu, je dis la chose comme elle est. Ce nétait pas un effort de ma raison, un triomphe remporté sur la vanité naturelle à notre espèce, mais bien une insouciance du fait, une imprévoyance innée, une tendance à mabsorber dans une occupation de lesprit, sans me souvenir quau delà du monde de mes rêves, il existait un monde de réalités sur lequel ma pensée, sereine ou sombre, pouvait avoir une action quelconque.

Je fus donc très-étonnée du retentissement de ce livre, des partisans et des antagonistes quil me créa. Je nai point à dire ce que je pense moi-même du fonds de louvrage: je lai dit dans la préface de la deuxième édition, et je nai pas varié dopinion depuis cette époque.

Le livre a été écrit de bonne foi, sous le poids dune souffrance intérieure quasi mortelle, souffrance toute morale, toute philosophique et religieuse, et qui me créait des angoisses inexplicables pour les gens qui vivent sans chercher la cause et le but de la vie. Dexcellents amis qui mentouraient, avec lesquels jétais gaie à lhabitude (car de telles préoccupations ne se révèlent pas sans ennuyer beaucoup ceux qui ne les ont point), furent frappés de stupeur en lisant des pages si amères et si noires. Ils ny comprirent goutte, et me demandèrent où javais pris ce cauchemar. Ceux qui liront plus tard lhistoire de ma vie intellectuelle ne sétonneront plus que le doute ait été pour moi une chose si sérieuse et une crise si terrible.

Pourtant je nai pas été une exception aux yeux de tous. Beaucoup ont souffert devant le problème de la vie, mille fois plus que devant les faits et les maux réels dont elle nous accable. De faux dévots ont dit que cétait un crime dexhaler ainsi une plainte contre le mystère dont il plaît à Dieu denvelopper sa volonté sur nos destinées. Je ne pense pas comme eux; je persiste à croire que le doute est un droit sans lequel la foi ne serait pas une victoire ou un mérite.

GEORGE SAND.

Nohant, 13 janvier 1854.

PRÉFACE

Il est rare quune œuvre dart soulève quelque animosité sans exciter dautre part quelque sympathie; et si, longtemps après ces manifestations diverses du blâme et de la bienveillance, lauteur, mûri par la réflexion et par les années, veut retoucher son œuvre, il court risque de déplaire également à ceux qui lont condamnée et à ceux qui lont défendue: à ceux-ci, parce quil ne va pas aussi loin dans ses corrections que leur système le comporterait; à ceux-là, parce quil retranche parfois ce quils avaient préféré. Entre ces deux écueils, lauteur doit agir daprès sa propre conscience, sans chercher à adoucir ses adversaires ni à conserver ses défenseurs.

Quoique certaines critiques de Lélia aient revêtu un ton de déclamation et damertume singulières, je les ai toutes acceptées comme sincères et parlant des cœurs les plus vertueux. A ce point de vue, jai eu lieu de me réjouir, et de penser que javais mal jugé les hommes de mon temps en les contemplant à travers un douloureux scepticisme. Tant dindignation attestait sans doute de la part des journalistes la plus haute moralité jointe à la plus religieuse philanthropie. Javoue cependant, à ma honte, que si jai guéri de la maladie du doute, ce nest pas absolument à cette considération que je le dois.

On ne mattribuera pas, je lespère, la pensée de vouloir désarmer laustérité dune critique aussi farouche; on ne mattribuera pas non plus celle de vouloir entrer en discussion avec les derniers champions de la foi catholique; de telles entreprises sont au-dessus de mes forces. Lélia a été et reste dans ma pensée un essai poétique, un roman fantasque où les personnages ne sont ni complètement réels, comme lont voulu les amateurs exclusifs danalyse de mœurs, ni complètement allégoriques, comme lont jugé quelques esprits synthétiques, mais où ils représentent chacun une fraction de lintelligence philosophique du XIXe siècle: Pulchérie, lépicuréisme héritier des sophismes du siècle dernier; Sténio, lenthousiasme et la faiblesse dun temps où lintelligence monte très-haut entraînée par limagination, et tombe très-bas, écrasée par une réalité sans poésie et sans grandeur; Magnus, le débris dun clergé corrompu ou abruti; et ainsi des autres. Quant à Lélia, je dois avouer que cette figure mest apparue au travers dune fiction plus saisissante que celles qui lentourent. Je me souviens de mêtre complu à en faire la personnification encore plus que lavocat du spiritualisme de ces temps-ci; spiritualisme qui nest plus chez lhomme à létat de vertu, puisquil a cessé de croire au dogme qui le lui prescrivait, mais qui reste et restera à jamais, chez les nations éclairées, à létat de besoin et daspiration sublime, puisquil est lessence même des intelligences élevées.

Cette prédiction pour le personnage fier et souffrant de Lélia ma conduit à une erreur grave au point de vue de lart: cest de lui donner une existence tout à fait impossible, et qui, à cause de la demi-réalité des autres personnages, semble choquante de réalité, à force de vouloir être abstraite et symbolique. Ce défaut nest pas le seul de louvrage qui mait frappé, lorsquaprès lavoir oublie durant des années, je lai relu froidement. Trenmor ma paru conçu vaguement, et, en conséquence, manqué dans son exécution. Le dénoûment, ainsi que de nombreux détails de style, beaucoup de longueurs et de déclamations, mont choqué comme péchant contre le goût. Jai senti le besoin de corriger, daprès mes idées artistiques, ces parties essentiellement défectueuses. Cest un droit que mes lecteurs bienveillants ou hostiles ne pouvaient me contester.

Mais si, comme artiste, jai usé de mon droit sur la forme de mon œuvre, ce nest pas à dire que comme homme jaie pu marroger celui daltérer le fond des idées émises dans ce livre, bien que mes idées aient subi de grandes révolutions depuis le temps où je lai écrit. Ceci soulève une question plus grave, et sans laquelle je naurais pas pris le soin puéril décrire une préface en tête de cette seconde édition. Après avoir examiné cette question, les esprits sérieux me pardonneront de les avoir entretenus de moi un instant.

Dans le temps où nous vivons, les éléments dune nouvelle unité sociale et religieuse flottent épars dans un grand conflit defforts et de vœux dont le but commence a être compris et le lien à être forgé par quelques esprits supérieurs seulement; et encore ceux-la ne sont pas arrivés demblée à lespérance qui les soutient maintenant. Leur foi a passé par mille épreuves; elle a échappé à mille dangers; elle a surmonté mille souffrances; elle a été aux prises avec toutes les éléments de dissolution au milieu desquels elle a pris naissance; et encore aujourdhui, combattue et refoulée par légoïsme, la corruption et la cupidité des temps, elle subit une sorte de martyre, et sort lentement du sein des ruines, qui sefforcent de lensevelir. Si les grandes intelligences et les grandes âmes de ce siècle ont eu à lutter contre de telles épreuves, combien les êtres dune condition plus humble et dune trempe plus commune nont-ils pas dû douter et trembler en traversant cette ère dathéisme et de désespoir!

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