Жульетта Бенцони - L'Anneau d'Atlantide

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JULIETTE BENZONI

LANNEAU DATLANTIDE

PLON

PREMIÈRE PARTIE

UNE RUE À VENISE

1

Un cri dans la nuit

En sortant de chez son notaire où il venait de dîner, Aldo Morosini releva le col de son manteau, alluma une cigarette, exhala la première bouffée dont il respira lodeur avec délices en homme privé depuis plus de deux heures de sa drogue préférée pour ménager les voies respiratoires de son hôte, puis enfonça ses mains dans ses poches et entreprit de réintégrer ses pénates. Maître Massaria habitait au Rialto, sur la riva del Vin, une jolie maison ancienne, voisine du palais Barbarigo et jouissant du privilège, rare à Venise, douvrir sur le large quai où lon déchargeait jadis les tonneaux venus de tous les ports de la Méditerranée, au lieu, la porte franchie, de se retrouver les pieds dans leau du Grand Canal. Le vieil homme appréciait de pouvoir aller sasseoir, quand cela lui chantait, à la terrasse de lune ou lautre des trattorias qui avaient remplacé les anciens entrepôts, afin dy boire un verre de vin au soleil.

Cétait, en effet, un épicurien raffiné goûtant la bonne chère aussi bien que les bons crus et être invité chez lui était un plaisir quil réservait à quelques amis éprouvés partageant les mêmes goûts et dun âge approchant le sien. Aldo Morosini, beaucoup plus jeune, était une exception, le vieux notaire son étude restait la plus importante de la ville lui vouait une affection quasi paternelle en mémoire de sa mère, la princesse Isabelle, dont il était tombé respectueusement amoureux à vingt ans sans quaucune autre femme ait pu réussir à prendre sa place. Ce qui lavait condamné à un célibat dont il sétait toujours parfaitement accommodé.

On avait discrètement évoqué son souvenir au cours du dîner, entre la langouste grillée et le risotto aux truffes blanches. Maître Massaria avait une façon bien à lui de dire « notre chère princesse Isabelle » elle était française ou « votre chère maman » sur une sorte de soupir qui amusait et attendrissait Aldo. Il sémerveillait dailleurs de ce rare talent quIsabelle avait eu de sattirer des amours incorruptibles. Le notaire vénitien nétait pas le seul homme à lui avoir voué son cœur. Il y en avait un second, écossais celui-ci, lord Killrenan, coureur des mers impénitent, qui avait passé son existence à sillonner le monde sur son yacht, le Robert Bruce . Lui non plus ne sétait jamais marié et, après la mort du père dAldo, il jetait lancre régulièrement dans le bassin de San Marco pour apporter à sa bien-aimée un énorme bouquet de fleurs et de menus présents, mais surtout pour savoir si, princesse Morosini, elle nétait toujours pas disposée à devenir lady Killrenan. Indéfectiblement fidèle, jamais découragé, il avait fini assassiné à son bord au cours dune escale à Port-Saïd, victime dun joyau historique comme Isabelle. Mais de ce roman, Maître Massaria nen avait pas eu connaissance. Cela lui permettait de se croire unique en son genre.

Il nétait pas tard. Onze heures sonnaient au campanile de San Silvestro quand Aldo quitta le quai pour senfoncer dans le lacis des étroites rues de la Venise sèche et rejoindre lentrée arrière de son palais. Son vieil ami était dun âge où lon naime guère veiller, il nen avait pas moins apprécié cet intermède chaleureux passé en compagnie dun homme intégré depuis si longtemps à lhistoire de sa famille et, depuis sa naissance, à la sienne propre. Cela lui avait fait du bien.

Le moral, en effet, nétait pas au zénith. Dabord il était seul chez lui et son palais-magasin dantiquités lui semblait vide en labsence de sa femme Lisa et des enfants : les jumeaux Antonio et Amelia, cinq ans, deux têtes brunes habitées par un égal esprit dentreprise, et Marco, le petit dernier, bébé rouquin, ravissant, autoritaire et braillard, à qui Aldo reprochait de trop accaparer une jeune mère dont il ne cessait dêtre très amoureux.

On avait passé les fêtes de fin dannée à Vienne, chez la comtesse Valérie von Adlerstein, grand-mère de Lisa, et lon aurait dû rentrer après lÉpiphanie mais, la vieille dame ayant dû subir une intervention chirurgicale durgence, Lisa avait, tout naturellement, prolongé son séjour, laissant Aldo rentrer sans elle à Venise. Solitude relative dailleurs, puisque vivaient à demeure au palais Morosini le discret et charmant Guy Buteau, jadis précepteur dAldo et à présent

son fondé de pouvoir et son meilleur conseiller, Zaccharia, son vieux maître dhôtel, Livia, la cuisinière, élève surdouée de la regrettée Cecina, défunte épouse de Zaccharia morte au champ dhonneur de son dévouement aux Morosini, Prisca, première femme de chambre, et Zian, le gondolier-chauffeur. Angelo Pisani, le secrétaire dAldo, et les autres satellites logeaient en ville.

En principe, Guy Buteau était lui aussi invité chez le notaire, mais il avait pris un bain de pieds involontaire en ratant une marche de lentrée principale et, fragile des bronches, se trouvait confiné à lintérieur depuis déjà une semaine. Cest donc seul quAldo suivit le chemin du retour à travers les rues dune Venise hivernale désertée par les touristes, ce qui nétait pas pour lui déplaire Il aimait en effet marcher dans « sa » ville dont il connaissait chaque ruelle, chaque recoin, chaque demeure. Il pouvait mettre un nom sur chaque façade. Venise était pour lui un grand livre ouvert dont il ne se lassait jamais de tourner les pages.

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