Оноре де Бальзак - Отец Горио. Книга для чиения на французском языке стр 9.

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Quelques mois après le départ de cette désastreuse comtesse qui avait su vivre pendant six mois à ses dépens, un matin, avant de se lever, elle entendit dans son escalier le froufrou dune robe de soie et le pas mignon dune femme jeune et légère qui filait chez Goriot, dont la porte sétait intelligemment ouverte. Aussitôt la grosse Sylvie vint dire à sa maîtresse quune fille trop jolie pour être honnête, mise comme une divinité, chaussée en brodequins de prunelle qui nétaient pas crottés, avait glissé comme une anguille de la rue jusquà la cuisine, et lui avait demandé lappartement de monsieur Goriot. Madame Vauquer et sa cuisinière se mirent aux écoutes, et surprirent plusieurs mots tendrement prononcés pendant la visite, qui dura quelque temps. Quand monsieur Goriot reconduisit sa dame, la grosse Sylvie prit aussitôt son panier, et feignit daller au marché, pour suivre le couple amoureux.

Madame, dit-elle à sa maîtresse en revenant, il faut que monsieur Goriot soit diantrement riche tout de même, pour les mettre sur ce pied-là. Figurez-vous quil y avait au coin de lestrapade un superbe équipage dans lequel elle est montée.

Pendant le dîner, madame Vauquer alla tirer un rideau pour empêcher que Goriot ne fût incommodé par le soleil dont un rayon lui tombait sur les yeux.

Vous êtes aimé des belles, monsieur Goriot, le soleil vous cherche, dit-elle en faisant allusion à la visite quil avait reçue. Peste! vous avez bon goût, elle était bien jolie.

Cétait ma fille, dit-il avec une sorte dorgueil dans lequel les pensionnaires voulurent voir la fatuité dun vieillard qui garde les apparences.

Un mois après cette visite, monsieur Goriot en reçut une autre. Sa fille qui, la première fois, était venue en toilette du matin, vint après le dîner et habillée comme pour aller dans le monde! Les pensionnaires, occupés à causer dans le salon, purent voir en elle une jolie blonde, mince de taille, gracieuse, et beaucoup trop distinguée pour être la fille dun père Goriot.

Et de deux! dit la grosse Sylvie, qui ne la reconnut pas.

Quelques jours après, une autre fille, grande et bien faite, brune, à cheveux noirs et à lœil vif, demanda monsieur Goriot.

Et de trois! dit Sylvie.

Cette seconde fille, qui la première fois était aussi venue voir son père le matin, vint quelques jours après, le soir, en toilette de bal et en voiture.

Et de quatre! dirent madame Vauquer et la grosse Sylvie, qui ne reconnurent dans cette grande dame aucun vestige de la fille simplement mise le matin où elle fit sa première visite.

Goriot payait encore douze cents francs de pension.

Madame Vauquer trouva tout naturel quun homme riche eût quatre ou cinq maîtresses, et le trouva même fort adroit de les faire passer pour ses filles. Elle ne se formalisa point de ce quil les mandait dans la Maison-Vauquer. Seulement, comme ces visites lui expliquaient lindifférence de son pensionnaire à son égard, elle se permit, au commencement de la deuxième année, de lappeler vieux matou. Enfin, quand son pensionnaire tomba dans les neuf cents francs, elle lui demanda fort insolemment ce quil comptait faire de sa maison, en voyant descendre une de ces dames. Le père Goriot lui répondit que cette dame était sa fille, aînée.

Vous en avez donc trente-six, des filles? dit aigrement madame Vauquer.

Je nen ai que deux, répliqua le pensionnaire avec la douceur dun homme ruiné qui arrive à toutes les docilités de la misère.

Vers la fin de la troisième année, le père Goriot réduisit encore ses dépenses, en montant au troisième étage et en se mettant à quarante-cinq francs de pension par mois. Il se passa de tabac, congédia son perruquier et ne mit plus de poudre. Quand le père Goriot parut pour la première fois sans être poudré, son hôtesse laissa échapper une exclamation de surprise en apercevant la couleur de ses cheveux, ils étaient dun gris sale et verdâtre. Sa physionomie, que des chagrins secrets avaient insensiblement rendue plus triste de jour en jour, semblait la plus désolée de toutes celles qui garnissaient la table. Il ny eut alors plus aucun doute. Le père Goriot était un vieux libertin dont les yeux navaient été préservés de la maligne influence des remèdes nécessités par ses maladies que par lhabileté dun médecin. La couleur dégoûtante de ses cheveux provenait de ses excès et des drogues quil avait prises pour les continuer. Létat physique et moral du bonhomme donnait raison à ces radotages. Quand son trousseau fut usé, il acheta du calicot à quatorze sous laune pour remplacer son beau linge. Ses diamants, sa tabatière dor, sa chaîne, ses bijoux, disparurent un à un. Il avait quitté lhabit bleu-barbeau, tout son costume cossu, pour porter, été comme hiver, une redingote de drap marron grossier, un gilet en poil de chèvre, et un pantalon gris en cuir de laine. Il devint progressivement maigre; ses mollets tombèrent; sa figure, bouffie par le contentement dun bonheur bourgeois, se vida démesurément; son front se plissa, sa mâchoire se dessina. Durant la quatrième année de son établissement rue Neuve-Sainte-Geneviève, il ne se ressemblait plus. Le bon vermicellier de soixante-deux ans qui ne paraissait pas en avoir quarante, le bourgeois gros et gras, frais de bêtise, dont la tenue égrillarde réjouissait les passants, qui avait quelque chose de jeune dans le sourire, semblait être un septuagénaire hébété, vacillant, blafard. Ses yeux bleus si vivaces prirent des teintes ternes et gris-de-fer, ils avaient pâli, ne larmoyaient plus, et leur bordure rouge semblait pleurer du sang. Aux uns, il faisait horreur; aux autres, il faisait pitié. De jeunes étudiants en Médecine, ayant remarqué labaissement de sa lèvre inférieure et mesuré le sommet de son angle facial, le déclarèrent atteint de crétinisme, après lavoir longtemps houspillé sans en rien tirer. Un soir, après le dîner, madame Vauquer lui ayant dit en manière de raillerie:» Eh bien! elles ne viennent donc plus vous voir, vos filles? «en mettant en doute sa paternité. Le père Goriot tressaillit comme si son hôtesse leût piqué avec un fer.

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