Морис Леблан
Тайны Арсена Люпена. Уровень 1 / Les Confi dences dArsène Lupin
© Потокина А. М., подготовка текста, комментарии, упражнения, словарь, 2023
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Maurice Leblanc
Les Confidences d'Arsène Lupin
Les jeux du soleil
«Lupin, racontez-moi donc quelque chose.
Eh! que voulez-vous que je vous raconte? me répondit Lupin qui somnolait sur le divan de mon cabinet de travail. Un tas de potins[1] qui nont aucun intérêt.
Aucun intérêt, votre cadeau de cinquante mille francs à la femme de Nicolas Dugrival! Aucun intérêt, la façon mystérieuse dont vous avez déchiffré lénigme des Trois tableaux!
Étrange énigme, en vérité, dit Lupin. Je vous propose un titre: Le signe de lombre[2].»
Cétait lépoque où[3] Lupin, déjà célèbre, navait pourtant pas encore livré ses plus formidables batailles[4].
Comme il se taisait, je répétai:
«Lupin, je vous en prie!»
À ma stupéfaction, il répliqua:
«Prenez un crayon, mon cher, et une feuille de papier.»
Jobéis vivement.
Vous y êtes?[5] dit-il. Inscrivez: 1921 1820 1521 20
Comment?
Inscrivez, vous dis-je.
Il était assis sur le divan, les yeux tournés vers la fenêtre ouverte, et ses doigts roulaient une cigarette de tabac oriental.
Il prononça:
«Inscrivez: 9 12 61»
Il y eut un arrêt. Puis il reprit:
«21.»
Et, après un silence:
«20 6»
Était-il fou? Je le regardai: il navait plus les mêmes yeux indifférents quaux minutes précédentes, mais que ses yeux étaient attentifs.
Cependant, il dictait, avec des intervalles entre chacun des chiffres:
«21 9 18 512 54 1.»
Et soudain, je compris, ou plutôt, je crus comprendre[6]. Par la fenêtre il comptait les reflets intermittents dun rayon de soleil qui se jouait sur la façade noircie de la vieille maison, à la hauteur du[7] second étage.
«14 7» me dit Lupin.
Le reflet disparut pendant quelques secondes, puis, coup sur coup[8], à intervalles réguliers, frappa la façade, et disparut de nouveau.
Instinctivement, javais compté, et je dis à haute voix[9]:
«5
Vous avez saisi? Pas dommage[10], ricana Lupin. À votre tour, maintenant, comptez»
Jobéis, tellement ce diable dhomme[11] avait lair de savoir[12] où il voulait en venir. Le soleil continuait à danser en face de[13] moi, avec une précision vraiment mathématique.
«Et après? me dit Lupin, à la suite dun silence plus long[14]
Ma foi[15], cela me semble terminé»
Sans bouger de son divan, Lupin reprit:
«Ayez lobligeance[16], mon cher, de remplacer chacun de ces chiffres par la lettre de lalphabet qui lui correspond en comptant, nest-ce pas, A comme 1, B comme 2, etc.»
Je notai les premières lettres: S-U-R-T-O-U-T
«Un mot! mécriai-je Voici un mot qui se forme.
Continuez donc, mon cher.»
Et je continuai.
«Ça y est? me dit Lupin, au bout dun instant[17].
Ça y est!.. Par exemple, il y a des fautes dorthographe.
Ne vous occupez pas de cela, je vous prie, lisez lentement.»
Alors je lus cette phrase inachevée:
«Surtout il faut fuire le danger, éviter les ataques, naffronter les forces enemies quavec la plus grande prudance, et»
Lupin fit quelques pas de droite et de gauche dans la pièce, puis alluma une cigarette, et me dit:
«Ayez lobligeance dappeler au téléphone le baron Repstein et de le prévenir que je serai chez lui à dix heures du soir[18].
Le baron Repstein? demandai-je, le mari de la fameuse baronne?
Oui.
Cest sérieux?
Très sérieux.»
Absolument confondu, je décrochai lappareil[19]. Mais, à ce moment, Lupin marrêta dun geste autoritaire et prononça:
«Non Cest inutile de le prévenir Il y a quelque chose de plus urgent»
Rapidement, il empoigna sa canne et son chapeau.
«Partons. Si je ne me trompe pas, cest une affaire qui demande une solution immédiate.»
Dans lescalier, il passa son bras sous le mien et me dit:
«Je sais ce que tout le monde sait. Le baron Repstein, financier et sportsman, dont le cheval Etna a gagné cette année le Derby dEpsom et le Grand-Prix de Longchamp, le baron Repstein a été la victime de sa femme, qui sest enfuie voilà quinze jours[20], emportant avec elle[21] une somme de trois millions, volée à son mari[22], et toute une collection de diamants, de perles et de bijoux, que la princesse de Berny lui avait confiée[23] et quelle devait acheter. Le baron Repstein offre une prime de cent mille francs à qui fera retrouver sa femme.
Seulement, je ne vois pas, en vérité, le rapport qui existe entre cette histoire et la phrase énigmatique»
Lupin ne daigna pas me répondre. Il descendit du trottoir et se mit à examiner[24] un immeuble de construction déjà ancienne.
«Daprès mes calculs, me dit-il, cest dici que partaient les signaux, sans doute de cette fenêtre encore ouverte.»
Il se dirigea vers la concierge et lui demanda:
«Est-ce quun de vos locataires ne serait pas en relation avec le baron Repstein?
Comment donc! Mais oui, sécria la bonne femme, nous avons ce brave M. Lavernoux, qui est le secrétaire, lintendant du baron. Il est bien malade, ce pauvre monsieur
Malade?
Depuis quinze jours depuis laventure de la baronne Et son docteur défend quon entre dans sa chambre. Il ma repris la clef.
Qui?
Le docteur. Un vieux à barbe grise et à lunettes, tout cassé[25] Mais où allez-vous, monsieur?
Je monte.»
Lun derrière lautre[26], ils montèrent les trois étages. Lupin ouvrit la porte. Nous entrâmes. Lupin poussa un cri[27]:
«Trop tard!»
Je vis un homme à moitié nu gisait sur le tapis[28].
«Il est mort, fit Lupin, après un examen rapide. On laura saisi dune main à la gorge, et de lautre on laura piqué au cœur[29]. Je dis «piqué», car vraiment, la blessure est imperceptible.»
Soudain, comme la concierge se lamentait et appelait au secours, Lupin se jeta sur elle et la bouscula:
«Taisez-vous!..[30] Écoutez-moi et répondez. Cest dune importance considérable.[31] M. Lavernoux avait un ami dans cette rue, nest-ce pas? à droite et sur le même côté un ami intime?[32]
Oui.
Son nom?
Monsieur Dulâtre.
Son adresse?
Au 92 de la rue.
Un mot encore: ce vieux médecin, à barbe grise et à lunettes, dont vous mavez parlé, venait depuis longtemps?
Non. Je ne le connaissais pas. Il est venu le soir même où M. Lavernoux est tombé malade.»
Sans en dire davantage[33], Lupin mentraîna de nouveau, redescendit et, une fois dans la rue, tourna sur la droite, ce qui nous fit passer devant[34] mon appartement. Quatre numéros plus loin, il sarrêtait en face du 92. Lupin sinforma si M. Dulâtre se trouvait chez lui.
«M. Dulâtre est parti, répondit le marchand voilà peut-être une demi-heure Il semblait très agité, et il a pris une automobile, ce qui nest pas son habitude[35]. Il a crié ladresse assez fort! «À la Préfecture de Police»«
Lupin demanda encore si personne nétait venu après le départ de M. Dulâtre.
«Si, un vieux monsieur à barbe grise et à lunettes.
Je vous remercie, monsieur,» dit Lupin.
Il se mit à marcher lentement, sans madresser la parole[36]. Nous étions arrivés sur les boulevards. Lupin entra dans un cabinet de lecture[37] et consulta très longuement les journaux de la dernière quinzaine[38].
La nuit était venue[39], nous dînâmes dans un petit restaurant et je remarquai que le visage de Lupin sanimait peu à peu. Quand nous partîmes, cétait vraiment le Lupin qui a résolu dagir[40] et de gagner la bataille.
Le baron Repstein habitait dans un hôtel à trois étages.
«Halte![41] dit Lupin tout à coup. Crebleu![42] le combat sera rude. Allez-vous coucher, mon bon ami. Demain, je vous raconterai mon expédition si elle ne me coûte pas la vie.»
Il déclama:
«Plantez un saule au cimetière,
Jaime son feuillage éploré»[43]
Je méloignai aussitôt. Trois minutes plus tard Lupin sonnait à la porte de lhôtel Repstein.
«M. le baron est-il chez lui?
Oui, répondit le domestique.
M. le baron connaît lassassinat de son intendant Lavernoux?»
Une voix cria den haut[44]:
«Faites monter, Antoine.»
Le domestique conduisit Lupin au premier étage. Là, le baron Repstein lattendait.