Александр Дюма - Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера стр 5.

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« Ma lettre de recommandation ! sécria dArtagnan, ma lettre de recommandation, sangdieu ! ou je vous embroche tous comme des ortolans ! »

Malheureusement une circonstance sopposait à ce que le jeune homme accomplît sa menace : cest que, comme nous lavons dit, son épée avait été, dans sa première lutte, brisée en deux morceaux, ce quil avait parfaitement oublié. Il en résulta que, lorsque dArtagnan voulut en effet dégainer, il se trouva purement et simplement armé dun tronçon dépée de huit ou dix pouces à peu près, que lhôte avait soigneusement renfoncé dans le fourreau. Quant au reste de la lame, le chef lavait adroitement détourné pour sen faire une lardoire.

Cependant cette déception neût probablement pas arrêté notre fougueux jeune homme, si lhôte navait réfléchi que la réclamation que lui adressait son voyageur était parfaitement juste.

« Mais, au fait, dit-il en abaissant son épieu, où est cette lettre ?

 Oui, où est cette lettre ? cria dArtagnan. Dabord, je vous en préviens, cette lettre est pour M. de Tréville, et il faut quelle se retrouve ; ou si elle ne se retrouve pas, il saura bien la faire retrouver, lui ! »

Cette menace acheva dintimider lhôte. Après le roi et M. le cardinal, M. de Tréville était lhomme dont le nom peut-être était le plus souvent répété par les militaires et même par les bourgeois. Il y avait bien le père Joseph, cest vrai ; mais son nom à lui nétait jamais prononcé que tout bas, tant était grande la terreur quinspirait lÉminence grise, comme on appelait le familier du cardinal.

Aussi, jetant son épieu loin de lui, et ordonnant à sa femme den faire autant de son manche à balai et à ses valets de leurs bâtons, il donna le premier lexemple en se mettant lui-même à la recherche de la lettre perdue.

« Est-ce que cette lettre renfermait quelque chose de précieux ? demanda lhôte au bout dun instant dinvestigations inutiles.

 Sandis ! je le crois bien ! sécria le Gascon qui comptait sur cette lettre pour faire son chemin à la cour ; elle contenait ma fortune.

 Des bons sur lépargne ? demanda lhôte inquiet.

 Des bons sur la trésorerie particulière de Sa Majesté », répondit dArtagnan, qui, comptant entrer au service du roi grâce à cette recommandation, croyait pouvoir faire sans mentir cette réponse quelque peu hasardée.

« Diable ! fit lhôte tout à fait désespéré.

 Mais il nimporte, continua dArtagnan avec laplomb national, il nimporte, et largent nest rien : cette lettre était tout. Jeusse mieux aimé perdre mille pistoles que de la perdre. »

Il ne risquait pas davantage à dire vingt mille, mais une certaine pudeur juvénile le retint.

Un trait de lumière frappa tout à coup lesprit de lhôte qui se donnait au diable en ne trouvant rien.

« Cette lettre nest point perdue, sécria-t-il.

 Ah ! fit dArtagnan.

 Non ; elle vous a été prise.

 Prise ! et par qui ?

 Par le gentilhomme dhier. Il est descendu à la cuisine, où était votre pourpoint. Il y est resté seul. Je gagerais que cest lui qui la volée.

 Vous croyez ? » répondit dArtagnan peu convaincu ; car il savait mieux que personne limportance toute personnelle de cette lettre, et ny voyait rien qui pût tenter la cupidité. Le fait est quaucun des valets, aucun des voyageurs présents neût rien gagné à posséder ce papier.

« Vous dites donc, reprit dArtagnan, que vous soupçonnez cet impertinent gentilhomme.

 Je vous dis que jen suis sûr, continua lhôte ; lorsque je lui ai annoncé que Votre Seigneurie était le protégé de M. de Tréville, et que vous aviez même une lettre pour cet illustre gentilhomme, il a paru fort inquiet, ma demandé où était cette lettre, et est descendu immédiatement à la cuisine où il savait quétait votre pourpoint.

 Alors cest mon voleur, répondit dArtagnan ; je men plaindrai à M. de Tréville, et M. de Tréville sen plaindra au roi. » Puis il tira majestueusement deux écus de sa poche, les donna à lhôte, qui laccompagna, le chapeau à la main, jusquà la porte, remonta sur son cheval jaune, qui le conduisit sans autre incident jusquà la porte Saint-Antoine à Paris, où son propriétaire le vendit trois écus, ce qui était fort bien payé, attendu que dArtagnan lavait fort surmené pendant la dernière étape. Aussi le maquignon auquel dArtagnan le céda moyennant les neuf livres susdites ne cacha-t-il point au jeune homme quil nen donnait cette somme exorbitante quà cause de loriginalité de sa couleur.

DArtagnan entra donc dans Paris à pied, portant son petit paquet sous son bras, et marcha tant quil trouvât à louer une chambre qui convînt à lexiguïté de ses ressources. Cette chambre fut une espèce de mansarde, sise rue des Fossoyeurs, près du Luxembourg.

Aussitôt le denier à Dieu donné, dArtagnan prit possession de son logement, passa le reste de la journée à coudre à son pourpoint et à ses chausses des passementeries que sa mère avait détachées dun pourpoint presque neuf de M. dArtagnan père, et quelle lui avait données en cachette ; puis il alla quai de la Ferraille, faire remettre une lame à son épée ; puis il revint au Louvre sinformer, au premier mousquetaire quil rencontra, de la situation de lhôtel de M. de Tréville, lequel était situé rue du Vieux-Colombier, cest-à-dire justement dans le voisinage de la chambre arrêtée par dArtagnan : circonstance qui lui parut dun heureux augure pour le succès de son voyage.

Après quoi, content de la façon dont il sétait conduit à Meung, sans remords dans le passé, confiant dans le présent et plein despérance dans lavenir, il se coucha et sendormit du sommeil du brave.

Ce sommeil, tout provincial encore, le conduisit jusquà neuf heures du matin, heure à laquelle il se leva pour se rendre chez ce fameux M. de Tréville, le troisième personnage du royaume daprès lestimation paternelle.

II. Lantichambre de M. de Tréville

M. de Troisvilles, comme sappelait encore sa famille en Gascogne, ou M. de Tréville, comme il avait fini par sappeler lui-même à Paris, avait réellement commencé comme dArtagnan, cest-à-dire sans un sou vaillant, mais avec ce fonds daudace, desprit et dentendement qui fait que le plus pauvre gentillâtre gascon reçoit souvent plus en ses espérances de lhéritage paternel que le plus riche gentilhomme périgourdin ou berrichon ne reçoit en réalité. Sa bravoure insolente, son bonheur plus insolent encore dans un temps où les coups pleuvaient comme grêle, lavaient hissé au sommet de cette échelle difficile quon appelle la faveur de cour, et dont il avait escaladé quatre à quatre les échelons.

Il était lami du roi, lequel honorait fort, comme chacun sait, la mémoire de son père Henri IV. Le père de M. de Tréville lavait si fidèlement servi dans ses guerres contre la Ligue, quà défaut dargent comptant chose qui toute la vie manqua au Béarnais, lequel paya constamment ses dettes avec la seule chose quil neût jamais besoin demprunter, cest-à-dire avec de lesprit , quà défaut dargent comptant, disons-nous, il lavait autorisé, après la reddition de Paris, à prendre pour armes un lion dor passant sur gueules avec cette devise : Fidelis et fortis. Cétait beaucoup pour lhonneur, mais cétait médiocre pour le bien-être. Aussi, quand lillustre compagnon du grand Henri mourut, il laissa pour seul héritage à monsieur son fils son épée et sa devise. Grâce à ce double don et au nom sans tache qui laccompagnait, M. de Tréville fut admis dans la maison du jeune prince, où il servit si bien de son épée et fut si fidèle à sa devise, que Louis XIII, une des bonnes lames du royaume, avait lhabitude de dire que, sil avait un ami qui se battît, il lui donnerait le conseil de prendre pour second, lui dabord, et Tréville après, et peut-être même avant lui.

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