Шодерло де Лакло Пьер - Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке стр 12.

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Après le dîner, les dames voulurent aller voir les infortunés que javais si pieusement secourus et je les accompagnai. Je vous sauve lennui de cette seconde scène de reconnaissance et déloges. Mon cœur, pressé dun souvenir délicieux, hâte le moment du retour au château. Pendant la route, ma belle Présidente, plus rêveuse quà lordinaire, ne disait pas un mot. Tout occupé de trouver les moyens de profiter de leffet quavait produit lévénement du jour, je gardais le même silence. Mme de Rosemonde parlait seule, et nobtenait de nous que des réponses courtes et rares. Nous dûmes lennuyer : jen avais le projet et il réussit. Aussi, en descendant de voiture, elle passa dans son appartement, et nous laissa tête à tête, ma belle et moi, dans un salon mal éclairé ; obscurité douce, qui enhardit lamour timide.

Je neus pas la peine de diriger la conversation où je voulais la conduire. La ferveur de laimable prêcheuse me servit mieux que naurait pu faire mon adresse. « Quand on est si digne de faire le bien, me dit-elle, en arrêtant sur moi son doux regard, comment passe-t-on sa vie à mal faire ? Je ne mérite, lui répondis-je, ni cet éloge, ni cette censure et je ne conçois pas quavec autant desprit que vous en avez, vous ne mayez pas encore deviné. Dût ma confiance me nuire auprès de vous, vous en êtes trop digne, pour quil me soit possible de vous la refuser. Vous trouverez la clef de ma conduite dans un caractère malheureusement trop facile. Entouré de gens sans mœurs, jai imité leurs vices ; jai peut-être mis de lamour-propre à les surpasser. Séduit de même ici par lexemple des vertus, sans espérer de vous atteindre, jai au moins essayé de vous suivre. Eh ! peut-être laction dont vous me louez aujourdhui perdrait-elle tout son prix à vos yeux, si vous en connaissiez le véritable motif (Vous voyez, ma belle amie, combien jétais près de la vérité ! ). Ce nest pas à moi, continuai-je, cest à vous que ces malheureux ont dû mes secours. Où vous croyez voir une action louable, je ne cherchais quun moyen de plaire. Je nétais, puisquil faut le dire, que le faible agent de la divinité que jadore (Ici elle voulut minterrompre ; mais je ne lui en donnai pas le temps). Dans ce moment même, ajoutai-je, mon secret ne méchappe que par faiblesse ; que parce quil est plus fort que moi. Je métais promis de vous le taire ; je me faisais un bonheur de rendre à vos vertus comme à vos appas un hommage pur que vous ignoreriez toujours : mais, incapable de tromper, quand jai sous les yeux lexemple de la candeur, je naurai point à me reprocher vis-à-vis de vous une dissimulation coupable. Ne croyez pas que je vous outrage par une criminelle espérance. Je serai malheureux, je le sais ; mais mes souffrances me seront chères : elle me prouveront lexcès de mon amour ; cest à vos pieds, cest dans votre sein que je déposerai mes peines éternelles. Jy puiserai des forces pour souffrir de nouveau ; jy trouverai la bonté compatissante, et je me croirai consolé, parce que vous maurez plaint. Ô vous que jadore ! écoutez-moi, plaignez-moi, secourez-moi. » Cependant jétais à ses genoux, et je serrais ses mains dans les miennes : mais elle, les dégageant tout à coup, et les croisant sur ses yeux avec lexpression du désespoir : « Ah ! malheureuse ! » sécria-t-elle ; puis elle fondit en larmes. Par bonheur, je métais livré à tel point, que je pleurais aussi ; et, reprenant ses mains, je les baignai de pleurs. Cette précaution était bien nécessaire ; car elle était si occupée de sa douleur, quelle ne se serait pas aperçue de la mienne, si je navais trouvé ce moyen de len avertir. Jy gagnai, de plus de considérer à loisir cette charmante figure, embellie encore par lattrait puissant des larmes. Ma tête séchauffait, et jétais si peu maître de moi, que je fus tenté de profiter de ce moment.

Quelle est donc notre faiblesse ! quel est lempire des circonstances ! si moi-même, oubliant mes projets, jai risqué de perdre, par un triomphe prématuré, le charme des longs combats et les détails dune pénible défaite ; si, séduit par un désir de jeune homme, jai pensé exposer le vainqueur de Mme de Tourvel à ne recueillir, pour fruit de ses travaux, que linsipide avantage davoir eu une femme de plus ! Ah ! quelle se rende, mais quelle combatte ; que, sans avoir la force de vaincre, elle ait celle de résister ; quelle savoure à loisir le sentiment de sa faiblesse, et soit contrainte davouer sa défaite. Laissons le braconnier obscur tuer à laffût le cerf quil a surpris ; le vrai chasseur doit le forcer. Ce projet est sublime, nest-ce pas ? mais peut-être serais-je à présent au regret de ne lavoir pas suivi, si le hasard ne fût venu au secours de ma prudence.

Nous entendîmes du bruit. On venait au salon. Mme de Tourvel, effrayée, se leva précipitamment, se saisit dun des flambeaux, et sortit. Il fallut bien la laisser faire. Ce nétait quun domestique. Aussitôt que jen fus assuré, je la suivis. A peine eus-je fait quelques pas, que, soit quelle me reconnût, soit un sentiment vague deffroi, je lentendis précipiter sa marche, et se jeter plutôt quentrer dans son appartement dont elle ferma la porte sur elle. Jy allai ; mais la clef était en dedans. Je me gardai bien de frapper ; ceût été lui fournir loccasion dune résistance trop facile. Jeus lheureuse et simple idée de tenter de voir à travers la serrure, et je vis en effet cette femme adorable à genoux, baignée de larmes, et priant avec ferveur. Quel Dieu osait-elle invoquer ? en est-il dassez puissant contre lamour ? En vain cherche-t-elle à présent des secours étrangers : cest moi qui réglerai son sort.

Croyant en avoir assez fait pour un jour, je me retirai aussi dans mon appartement et me mis à vous écrire. Jespérais la revoir au souper ; mais elle fit dire quelle sétait trouvée indisposée et sétait mise au lit. Mme de Rosemonde voulut monter chez elle ; mais la malicieuse malade prétexta un mal de tête qui ne lui permettait de voir personne. Vous jugez quaprès le souper la veillée fut courte, et que jeus aussi mon mal de tête. Retiré chez moi, jécrivis une longue lettre pour me plaindre de cette rigueur, et je me couchai, avec le projet de la remettre ce matin. Jai mal dormi, comme vous pouvez voir par la date de cette lettre. Je me suis levé, et jai relu mon épître. Je me suis aperçu que je ne my étais pas assez observé ; que jy montrais plus dardeur que damour, et plus dhumeur que de tristesse. Il faudra la refaire ; mais il faudrait être plus calme.

Japerçois le point du jour, et jespère que la fraîcheur qui laccompagne mamènera le sommeil. Je vais me remettre au lit ; et, quel que soit lempire de cette femme, je vous promets de ne pas moccuper tellement delle, quil ne me reste le temps de songer beaucoup à vous. Adieu, ma belle amie.

De , ce 21 août 17**, à 4 heures du matin.

Lettre XXIV. Le Vicomte de Valmont à la Présidente de Tourvel

Ah ! par pitié, Madame, daignez calmer le trouble de mon âme ; daignez mapprendre ce que je dois espérer ou craindre. Placé entre lexcès du bonheur et celui de linfortune, lincertitude est un tourment cruel. Pourquoi vous ai-je parlé ? que nai-je su résister au charme impérieux qui vous livrait mes pensées ! Content de vous adorer en silence, je jouissais au moins de mon amour ; et ce sentiment pur, que ne troublait point alors limage de votre douleur, suffisait à ma félicité : mais cette source de bonheur en est devenue une de désespoir, depuis que jai vu couler vos larmes ; depuis que jai entendu ce cruel Ah ! malheureuse ! Madame, ces deux mots retentiront longtemps dans mon cœur. Par quelle fatalité, le plus doux des sentiments ne peut-il vous inspirer que leffroi ? quelle est donc cette crainte ? Ah ! ce nest pas celle de le partager : votre cœur, que jai mal connu, nest pas fait pour lamour ; le mien, que vous calomniez sans cesse, est le seul qui soit sensible ; le vôtre est même sans pitié. Sil nétait pas ainsi, vous nauriez pas refusé un mot de consolation au malheureux qui vous racontait ses souffrances ; vous ne vous seriez pas soustraite à ses regards, quand il na dautre plaisir que celui de vous voir ; vous ne vous seriez pas fait un jeu cruel de son inquiétude, en lui faisant annoncer que vous étiez malade, sans lui permettre daller sinformer de votre état ; vous auriez senti que cette même nuit, qui nétait pour vous que douze heures de repos, allait être pour lui un siècle de douleurs.

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